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Liban - Le portrait de la semaine

Jean-Marie Chami, prêtre écolo au service des personnes atteintes de surdité

Le parcours du curé n'a rien de conventionnel : il est passé de l'athéisme au service de Dieu.

Jean-Marie Chami. Photo Anne Ilcinkas

C'est un personnage de tous les extrêmes, tout en étant un chantre de la modération. Hautement spirituel, engagé dans la protection de l'environnement à travers un service de recyclage bénéficiant aux malentendants, le père Jean-Marie Chami n'a rien d'un prêtre conventionnel. Son parcours l'est encore moins.

En fait, le père Chami n'a pas toujours été proche de Dieu. « À l'âge de 7 ans, j'étais attiré par l'autel », confie-t-il. Et ce jusqu'à l'âge de 15 ans. « Lors de la prière à l'école, le frère directeur lisait le passage de l'Évangile où Jésus demandait de tout quitter et de le suivre, se rappelle-t-il. J'ai paniqué et j'ai dit non. C'était le début d'une descente sur le plan spirituel. »

Confortablement installé dans le salon du Foyer des sœurs franciscaines à Badaro, où il accompagne un groupe de prière, le père Chami revient sur les grandes étapes de sa vie. Un sourire bon enfant illumine son visage. Son regard pénétrant scrute la moindre réaction chez son interlocuteur, tout en le mettant à l'aise.
« J'ai continué à aller à la messe pour faire plaisir à mes parents, mais aussi parce qu'il y avait de jolies filles à la chorale », lance ce prêtre à la parole facile. Durant la période qui a suivi, le jeune homme plonge dans la spiritualité hindoue. Il a étudié également le Coran et suit une formation en architecture d'intérieur. À l'âge de 21 ans, il rencontre, lors d'un stage en France, une jeune fille grecque « qui était plongée dans le domaine occulte et la méditation ». Elle l'entraîne avec elle encore plus profondément qu'il ne l'était dans le monde de l'athéisme. C'est au « cours de cette descente vers l'enfer » que la conversion a lieu.

« Nous faisions une marche de la France vers la Suisse avec un groupe d'amis, se souvient le père Chami. Nous sommes passés devant une chapelle dédiée à sainte Anne. J'étais le seul à y entrer. Je me suis mis à genoux et j'ai confié mon cœur à la Sainte Vierge en lui disant de se débrouiller avec son fils. C'était la première fois que je priais en six ans. Au cours de la semaine qui a suivi, mon amie a voulu que je plonge encore plus dans le noir. J'ai été pris d'un vent de panique et je me suis mis à lui parler de Jésus. Je ne savais pas que ça allait être sa conversion à elle aussi. »

 

 

 

 

Vocation sacerdotale
De retour au Liban, Jean-Marie Chami s'enquiert de la démarche à suivre pour entrer dans le clergé. « C'était le choc, raconte-t-il. Il y avait beaucoup d'études à faire et, pour moi, le sacerdoce était une vocation de prière et de service. À l'époque, cela me dépassait. J'ai décidé alors de me marier, pensant que ma vocation était ailleurs. »

Un jour de l'année 1985, lors d'une messe, une sœur franciscaine l'invite à rejoindre un groupe de prière. Le jeune homme refuse d'y participer. Six mois plus tard, il retrouve la religieuse et lui demande s'il peut toujours faire partie de ce groupe de prière. À sa surprise, il se retrouve « dans une retraite spirituelle silencieuse de trois jours ». Ce fut le tournant de sa vie. « Aujourd'hui, trente-deux ans plus tard, je fais toujours partie de ce groupe de prière baptisé la communauté de Source d'eau vive, que j'accompagne spirituellement. »
Quelques années plus tard, lors d'une rencontre avec le mouvement des Focolare, le jeune homme alors âgé de 22 ans découvre le monde de la surdité. Ce fut « le début d'une grande histoire d'amour avec les malentendants » dont il est l'aumônier aujourd'hui. « Lors de mon parcours avec eux, j'ai redécouvert ma vocation sacerdotale, avance-t-il. Une sourde m'avait demandé de lui expliquer la parole de Dieu. »

Jean-Marie Chami se met alors à emmener avec lui des personnes sourdes aux retraites spirituelles. En 1990, « avec le groupe de prière, nous avons entrepris une aide sociale dans le cadre de laquelle nous avons reconstruit gratuitement vingt-neuf maisons pour les personnes démunies ». Une année plus tard, il accompagne onze personnes aux Journées mondiales de la jeunesse, en Pologne. « Je me suis retrouvé, vingt-deux jours durant, à leur traduire en langue des signes tout ce qui se disait, se souvient-il. C'est alors que j'ai découvert l'importance de leur traduire la parole de Dieu. » Sa décision est alors prise. Il veut devenir prêtre.

Il rend visite à cet effet à Mgr Habib Bacha, alors archevêque du diocèse grec-catholique de Beyrouth et Jbeil. Par ailleurs, il demande à Janine Safa, fondatrice de l'IRAP, de l'autoriser à prendre une mission auprès des personnes atteintes de surdité. Elle acquiesce rapidement.
Ayant suivi la spiritualité du Prado – Institut séculier de prêtres de droit pontifical – fondé par le bienheureux Antoine Chevrier en 1856, il est ordonné prêtre en 1996, au service du diocèse grec-melkite catholique de Beyrouth et Jbeil. Sept mois plus tard, il est nommé curé de la paroisse de Notre-Dame de l'Annonciation à Zokak el-Blatt, à Beyrouth. Le 1er juillet, il célébrera sa vingtième année au service de la paroisse.

 

Engagement écologique
Après son ordination, « la mission auprès des personnes sourdes a pris une nouvelle forme ». Une messe hebdomadaire destinée aux malentendants est ainsi instaurée, des chants et des prières sont traduits en langue des signes. De plus, le père Chami, avec un groupe de sourds, organise un concert d'évangélisation où « on témoignait que, quel que soit notre handicap visible ou invisible, nous faisons tous partie du corps du Christ ». Ils participent également à des concerts un peu partout dans le monde... « C'était un moyen pour moi, en tant que prêtre, de témoigner de la proximité de l'Église », souligne-t-il.

En 1999, la communauté du Monastère invisible, « qui permet aux personnes handicapées de se consacrer tout en étant à domicile », voit le jour. C'est pendant cette même année que l'Écoute est fondée. « C'est une association qui permet d'accompagner les jeunes adultes sourds et de les aider dans tout ce qui est information et communication... », explique le père Chami. L'ONG a grandi au fil des ans et plusieurs autres départements ont été créés, comme celui du graphisme, de l'audiovisuel, de l'art, des transports, du recyclage et récemment celui du « surcyclage » ou « upcycling ».

Le projet de recyclage est né, il y a plus d'une décennie, « d'un besoin matériel d'aider les personnes handicapées et sourdes ». Au départ, l'ONG collectait du papier, « puis, à travers les articles parus dans L'Orient-Le Jour, la demande des entreprises voulant faire collecter leurs déchets en papier a augmenté ». Il a fallu restructurer l'ONG. En plus du papier, l'Écoute collecte le plastique, le nylon, le carton et les canettes. Celles-ci permettent d'acheter des prothèses auditives aux malentendants. Pour chaque prothèse, il faut compter entre 50 000 et 100 000 canettes, selon la qualité de l'appareil. À ce jour, l'ONG a posé plus d'un millier de prothèses auditives et a assuré les frais d'opération de cinq implants cochléaires.

« Aujourd'hui, face à la crise des déchets et au terme d'une longue recherche sur les mesures prises dans ce cadre par d'autres pays, nous avons décidé de travailler particulièrement avec les écoles pour pouvoir construire l'avenir du Liban », constate le père Chami. Ainsi, dans le cadre de leurs heures de service communautaire, les jeunes aident à trier les produits collectés. « Nous avons loué un terrain dans le but de créer un centre pilote où les jeunes peuvent découvrir la façon de gérer, trier et créer des objets à partir de matériaux recyclables », poursuit-il. Et de reprendre : « Dans le cadre des activités de l'Écoute, nous avons aussi enregistré une vidéo sur l'importance de la langue des signes, une autre sur les législatives de 2009 et avons développé un lexique pouvant faciliter la communication entre les responsables des bureaux de vote et les électeurs sourds. Une troisième vidéo a été consacrée au permis de conduire pour les personnes sourdes. De plus, avec le soutien de plusieurs institutions, nous avons pu éditer un premier lexique des signes religieux. Actuellement, nous travaillons sur tout un projet de lexiques liturgiques et pastoraux. Nous nous mettons également à la disposition du ministère des Affaires sociales pour le projet de la langue des signes, en espérant qu'il l'accepte. »

 

 

 




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