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Liban - La vie, mode d’emploi

70- Le salut par l’humour

L'humour dérange qui est trop sérieux ou se prend au sérieux et croit que la philosophie doit avoir une face de carême et ne parler que d'un ton empesé — par oubli ou ignorance de l'affirmation du plus génial des penseurs : la vraie philosophie se moque de la philosophie.

L'humour chagrine qui craint d'être un jour sa victime, car que deviendrait, après cette grande roulade dans la farine, ce qu'il appelle son autorité, son ascendant, son prestige... alors que son adolescent de fils lui lance quotidiennement des énormités à la figure sans qu'il n'ait le droit, sur ordre catégorique de son coach, de seulement tiquer ? Non, croyez-moi, prenez cela avec humour et surtout recherchez l'amour, car sinon comment y survivre ?

L'humour est modeste : il sait qu'il n'est que d'un instant, d'un rire, quelquefois à peine d'un sourire, mais il n'en demande pas plus. Tout juste le temps de nous aider à reprendre souffle avant que nous nous replongions dans les remous de la vie, le fond des problèmes, les casse-têtes de toutes nationalités et l'inextricable emmêlement des fils du destin, bref le pétrin bien au-dessus du cou. Il ne se tient ni sur une chaire, ni sur un lutrin, ni même derrière un bureau, mais surgit dans l'accablement du moment pour une petite pirouette – quitte à se faire traiter de pauvre polichinelle. On n'a même pas à l'applaudir. Il n'attend pas derrière les coulisses pour un rappel, une ovation et un bouquet de fleurs préparé d'avance avec les sourires de circonstance et le photographe appointé, ce prêtre de l'immortalité d'un jour. Il est déjà ailleurs.

L'humour est amical. Il vous vient quand tout vous quitte... même vous-même. Il vous rappelle à vous-même en vous rappelant que toutes les ressources ne sont pas perdues. Que vous avez encore des ressources pour rire de votre manque de ressources. Il est donc ingénieux. Du génie sans prétention, celui des trois petits bouts de ficelle de l'enfant qui joue. Car l'humour est enfant, même si l'enfant n'a pas d'humour, c'est-à-dire d'humour conscient tant sont nombreuses, pour lui, les choses surprenantes et « pouffantes » : la grosseur d'un nez, d'une citrouille, d'un mot et, soudain, quand il lui prend envie de le répéter, des yeux de sa maîtresse.

L'humour est vagabond. Il arrive et il repart. Tout aussi facilement, tout aussi souverainement. Même quand il semble être là pour régner, dans les pages des plus grands (lisez-les, non par pitié, mais pour votre réel bonheur !), il fait une éclipse si brutale que les mots tombent lamentablement à plat et vous êtes dépité comme devant un soufflé qui a raté. Est-ce parce que, étymologiquement, humour est fils d'humeur ? Est-ce parce qu'il serait un peu casse-cou et réussit rarement le « coup sur coup » ? N'est-ce pas plutôt parce qu'il ne connaît pas d'affiliation aveugle mais se hâte au secours du plus malheureux une fois qu'il vous a donné la goutte qui vous a fait revivre ?

L'humour est bondissant. On croit le saisir et il a déjà échappé à votre propre esprit, à son petit confort (le « bon, on a compris ! »). Il est là plein de dérision et le voilà là-bas plein d'approbation, presque de bénédiction, mais jamais de vénération. Et ainsi lui arrive-t-il aussi bien de piquer la baudruche que de s'extasier devant un petit Pierrot gourmand de sucettes et de grande métaphysique lunaire. On lui demande, désorienté : vous vous moquez ou instruisez ou, pire, cherchez à réformer ? Et lui rit sous cape de ces intelligences épaisses qui ne savent pas que l'humour a non pas double, mais triple et quelquefois quadruple fond... qu'il accroche l'attention par le clinquant de ses jeux de mots faciles, mais réserve son or le plus fin à celui dont la faim aiguise le regard.

 

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