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Liban - La vie, mode d’emploi

68 - Le salut par la politique (2)

On a protesté après la lecture de mon dernier papier : pourquoi réservez-vous votre ironie à une catégorie, somme toute assez réduite, d'irréductibles croyants dans le salut par la politique ? Un ancien milicien, furieux de cette partialité et qui ne se pardonne pas encore son passé de jeune homme sous influence, est allé jusqu'à m'arracher la plume de la main en affirmant vouloir défendre son point de vue sur le sujet, et, pour se faire publier sous mon nom, a recouru au pastiche. Sans aller moi-même jusqu'à imaginer que nous rejouions la partie de Proust imitant le duc de Saint-Simon, l'exercice m'a paru assez piquant pour que je m'y prête sans trop résister, mais en me promettant, afin de ne pas tomber dans le travers de l'aveuglement décrié, de tenter ensuite de réhabiliter ce lieu du souverain bien que fut la cité-État pour les anciens. Voici donc le petit morceau de bravoure de mon pseudo qui a déposé ses armes et remisé ses slogans, mais qui garde au cœur un lourd ressentiment :
Ce n'est un secret pour personne (et certainement pas pour ceux qui fréquentent les espaces d'entraînement... sportifs) que le jeunisme est un fléau qui frappe violemment les hommes et les femmes de plus de trente ans et jusqu'au-delà de soixante-dix-sept ans. Et pourtant... grâces soient rendues au temps qui passe : il défait certes vos traits, voûte votre dos, fait grincer vos articulations, effrite vos os, strie votre visage à l'indienne, les coins de vos yeux de pattes-d'oie (comme s'ils étaient, non pas des lacs où se mirer, mais où patauger), éteint la lumière de vos prunelles, bref, ébranle toute la baraque qui se met progressivement à ressembler à une carcasse bonne pour la casse, mais il se rachète largement en vous libérant de la dernière illusion qui vous restait concernant les hommes politiques. Car y a-t-il plus grande bénédiction que d'avoir vécu assez longtemps pour ne plus accorder un sou de crédit, et encore moins sa voix ou sa flamme, à quiconque porte ce nom ? Que de temps gagné pour faire autre chose que de les écouter soi-disant débattre, soi-disant vous instruire, soi-disant vous servir, soi-disant se sacrifier pour leurs principes !
Vous avez vécu assez longtemps pour voir de beaux jeunes gens, vos camarades, pleins d'idéaux mourir, dans un val qui ne « mousse » pas de « rayons », pour avoir cru en l'un ou en l'autre ; vous avez vu des villages entiers détruits avec leurs terrasses, leurs souvenirs, peut-être leur petit Rimbaud rêveur, par les canons de l'un ou de l'autre, et, quelquefois, des deux en même temps ; vous avez vécu dans des abris de fortune (et surtout d'infortune), dans des cages d'escalier comme dans des volières avec tous les habitants de l'immeuble piaillant et voletant autour de vous ; vous avez vécu assez longtemps pour voir votre village, puis votre quartier, puis votre immeuble se vider de ses jeunes survivants et se muer en un village, un quartier, un immeuble de retraités, souvent assistés par une jeunesse venue d'ailleurs, encore plus déshéritée que celle qui est partie.
Vous avez vécu assez longtemps pour voir ces politicards devenus vieillards se féliciter de toutes leurs réalisations. Comme si de rien n'avait été ? Mais non... comme si, à présent, chacun d'eux pouvait encore tout espérer !

On a protesté après la lecture de mon dernier papier : pourquoi réservez-vous votre ironie à une catégorie, somme toute assez réduite, d'irréductibles croyants dans le salut par la politique ? Un ancien milicien, furieux de cette partialité et qui ne se pardonne pas encore son passé de jeune homme sous influence, est allé jusqu'à m'arracher la plume de la main en affirmant vouloir...

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