« Qannoubine, seul hameau habité de la Vallée sainte », indique une pancarte sur la route non asphaltée qui serpente entre vieilles églises et monastères. Et pourtant, à en juger par leur état, il paraît évident que les maisons de la vallée ont été abandonnées il y a longtemps. Dans le paysage verdoyant, des terrasses agricoles sont complètement desséchées et personne ne passe sur les chemins vicinaux envahis d'herbe reliant entre elles les vieilles maisons en pierre blanche.
Ah si, voilà un âne ou un mulet au fond de la vallée. Et à regarder de plus près, on aperçoit aussi des réservoirs d'eau en plastique sur le toit de quelques maisons et de rares vergers aux arbres chargés de fruits.
Un homme et son fils font du jogging sur le sentier reliant les monastères de la vallée. Joseph Melhem est ingénieur, il a 43 ans, il est né en Australie. « Mes parents, mon père et ma mère sont nés ici, dans cette vallée », dit-il, pointant le doigt vers l'une des maisons abandonnées.
Joseph Melhem s'exprime très bien en arabe, bien que ce soit son premier séjour au Liban. « J'ai rêvé de ce moment et j'ai voulu voir le Liban. Je suis là avec ma femme et mes trois enfants de onze, neuf et six ans », raconte-t-il, précisant que son épouse Mélanie Dagher est originaire de Jiyeh. Elle aussi est née en Australie. Mais c'est sa troisième visite au Liban. Le couple s'était rencontré la première fois dans une église maronite de Sydney.
« Le sentiment le plus fort, je l'ai ressenti à la vue de la maison paternelle. Mon père avait onze ans quand il a quitté le Liban. Ma mère en avait deux quand sa famille a émigré », dit-il.
« Il me faut bien deux heures de marche pour arriver chez moi, au fond de la vallée ; je m'y rendrai à la fin de la semaine », ajoute-t-il, notant que son père est revenu au Liban une seule fois, en 1996, et que trois de ses quatre sœurs ont également visité le pays.
« Quand on se rend à Qannoubine, on sent que le Liban est une terre sainte, une terre de paix, et que la Sainte Vierge veille vraiment sur le pays », poursuit-il.
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Policier municipal
Charbel Younan (43 ans) est policier municipal à Hasroun. Il fait partie des rares personnes qui passent l'été à Qannoubine. Il n'y a pas de route qui mène à sa maison. Il s'y rend à pied et doit traverser le lit d'un fleuve pour y arriver. « Auparavant, il y avait un petit pont, mais les pluies et les inondations en ont eu raison. Pour franchir l'eau, j'ai placé un tronc d'arbre... Que voulez-vous ? On fait avec les moyens du bord ! » s'exclame-t-il.
Pour transporter ses affaires, Charbel Younan a mis en place un système de poulie dont la corde tire un grand panier. C'est ainsi qu'il ramène vers Hasroun les poires et autres fruits qu'il cultive à Qannoubine.
« Un système d'irrigation me permet de cultiver ces terrains hérités de mon père. Notez que je ne suis pas le seul dans cette vallée à revenir en été habiter nos vieilles maisons. D'autres le font aussi... Ils sont sept ou huit personnes. Ils s'occupent des vergers que vous voyez », dit-il.
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Une trentaine de familles
« Jusqu'à la fin des années soixante-dix, la vallée comptait encore une trentaine de familles, soit environ 700 personnes. Mais avec la guerre et l'occupation syrienne du Liban-Nord, tout le monde est parti », raconte-t-il.
« Non loin de chez moi, il y a le monastère de Mar Assia, très difficile d'accès. Peut-être qu'un jour un chemin sera tracé qui le rendra plus accessible », espère-t-il.
La mère de Charbel Younan intervient. « Nous avons quitté la vallée en 1972. J'avais 17 ans. Auparavant, il y avait là une école qui comptait 300 élèves et il n'y avait pas de voitures à l'époque. On remontait la vallée à pied ou à dos d'âne », se souvient-elle.
Ces temps lointains ne sont plus. Aujourd'hui, elle se rend dans sa maison en été, pour y passer quelques jours avec son fils. Elle aime le calme et la tranquillité que procurent les lieux. « Pourquoi voulez-vous que je m'ennuie, j'ai grandi dans cette vallée, je suis toujours heureuse d'y retourner. C'est là que j'ai mes plus beaux souvenirs », dit-elle.
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commentaires (3)
J,Y SOUSCRIS !
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 13, le 11 juin 2017