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À La Une - L'Orient Littéraire

Emmanuel Macron ou la capacité de transgression

Que sait-on de lui ? Est-il vraiment « si parfait » ? Réponses d'Anne Fulda, sa biographe.

Le président français Emmanuel Macron lors d'une cérémonie devant l'Arc de Triomphe, à Paris, le 3 juin 2017. AFP / POOL / CHARLES PLATIAU

Grand reporter au Figaro, Anne Fulda a publié en pleine campagne pour la présidentielle Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait dans lequel elle dresse le portrait de celui qui a été élu à la tête de la France et est devenu, à 39 ans, le plus jeune président de la Ve République. Des rencontres nombreuses avec les membres de sa famille et son proche entourage lui ont permis de mieux cerner l'itinéraire de ce véritable météore de la politique française, inconnu encore il y a 5 ans et qui est sorti premier des urnes au premier tour. Un portrait passionnant qui donne à voir d'où vient le prodige.

Il y a une similarité dans la construction intellectuelle ou affective entre Macron et Mitterrand, tous deux adorés par leur grand-mère, qui voulaient être écrivains et sont devenus politiques...
Il y a effectivement des similitudes entre l'enfant des Charentes, pétri de culture française traditionnelle, amateur de Chardonne, et celui du Nord qui a aussi grandi le nez plongé dans les livres. Ce sont deux enfants qui, comme le relate d'ailleurs Emmanuel Macron dans son livre Révolution, ont quitté leur province pour aller à l'assaut de la capitale tels des héros de Balzac ou des Stendhal. Tous deux ont été attirés, jeunes, par la religion : Emmanuel Macron s'est fait baptiser à douze ans et a eu une époque mystique. Tous deux, gonflés à bloc par l'amour de leur grand-mère, ont eu tôt la conscience qu'ils auraient un destin singulier. On pourrait dire, comme François Mauriac l'a écrit à propos de François Mitterrand, qu'Emmanuel Macron « a été cet enfant barrésien souffrant jusqu'à serrer les poings du désir de dominer sa vie. Il a choisi de tout sacrifier pour cette domination ». On trouve en effet chez l'ancien ministre de l'Économie un farouche besoin de liberté, le souci constant de s'affranchir de toute contrainte afin de toujours dominer sa vie.

Après sa grand-mère, son nouveau pivot a été son épouse Brigitte. La singularité du couple a aussi participé à la renommée de l'homme politique
Sa grand-mère, Germaine Noguès, dite Manette (elle est morte en 2013), et sa femme sont essentielles dans sa construction personnelle. Il a trouvé dans leur regard non seulement l'amour mais aussi l'encouragement, la confiance et une forme d'exigence. Elles ont été l'une et l'autre, à des époques différentes, ses principales interlocutrices, mais aussi ses émancipatrices, celles qui l'ont révélé à lui-même. Cet amour singulier avec une femme de 24 ans son aînée, cet amour qu'il assume et affiche dans la presse people, est aussi une manière de bâtir sa légende, de prouver que s'il a eu la détermination et le courage d'imposer, malgré les regards de travers et les convenances, ce couple hors du commun, il aura la même détermination pour conquérir et réformer la France. Emmanuel Macron n'est pas seulement un personnage aux semelles de vent. Il peut aussi avoir les pieds sur terre même s'il a probablement insensiblement tracé un parallèle entre sa vie privée et sa vie publique avec, en fil conducteur, une détermination et un souhait de transgression tant dans l'une que dans l'autre.

Vous évoquez son terrible besoin de séduire. N'est-ce pas cela, plus de son intelligence vive, qui a fait son succès auprès des hommes de pouvoir ?
Même ses parents le reconnaissent : depuis toujours, Emmanuel Macron aime parler en public, convaincre, séduire. Cela dit, la séduction, les grands sourires, l'attention aux autres ne suffiraient pas sans l'intelligence et l'esprit de synthèse dont il fait preuve. Mais Macron séduit et abandonne. Il se nourrit de ses rencontres comme une éponge, une sangsue même, disent certains, et poursuit sa route. Certains lui en veulent, d'autres n'arrivent pas à se détacher de lui ni à lui en vouloir.

Quelles sont les failles du personnage ?
Chez lui, le désir de convaincre et l'angoisse de déplaire sont intimement liés. C'est comme s'il ne pouvait pas supporter l'idée de découvrir autre chose que l'approbation ou l'assentiment chez son interlocuteur. Comme s'il avait du mal à ne pas retrouver ces regards admiratifs qu'il a presque toujours croisés depuis son enfance. J'ai mis en exergue du livre une phrase qui me semble très révélatrice de ce qu'il est. C'est une phrase qu'il a prononcée, lors d'un meeting, à Toulon, en février 2017, après que ses déclarations sur la colonisation qu'il avait qualifiée de « crime contre l'humanité » eurent provoqué quelques remous. Il lance alors devant une salle à moitié vide (des militants du FN avaient perturbé la réunion) cette phrase très révélatrice : « Parce que je veux être président de la République, je vous ai compris et je vous aime. » Tout y est.

Vous avez rencontré énormément de proches pour écrire ce livre. Pourtant, le lecteur a l'impression que personne ne connaît complètement Macron.
Il est insaisissable, c'est vrai. C'est un mutant, comme le dit drôlement Michel Houellebecq. Quelqu'un qui, derrière une façade affable, aimable et charmeuse, est probablement beaucoup plus dur et déterminé que son physique angélique ne le laisse deviner. Comme le dit sa femme : « Emmanuel a besoin de tout le monde et de personne. On ne rentre jamais dans son périmètre. Il met les gens à distance. »

Au regard de votre connaissance d'Emmanuel Macron, quel président sera-t-il ?
S'il retrouve l'audace et la capacité de transgression dont il a su faire preuve lorsqu'il a tenté comme ministre de l'Économie de faire bouger les lignes, il peut faire bouger un système politique français ankylosé depuis des années et permettre une recomposition autour des nouveaux clivages qui traversent aujourd'hui la classe politique française...

 

BIBLIOGRAPHIE
Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait d'Anne Fulda, Plon, 2017, 204 p.

 

Retrouvez l'intégralité de L'Orient Littéraire ici

Grand reporter au Figaro, Anne Fulda a publié en pleine campagne pour la présidentielle Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait dans lequel elle dresse le portrait de celui qui a été élu à la tête de la France et est devenu, à 39 ans, le plus jeune président de la Ve République. Des rencontres nombreuses avec les membres de sa famille et son proche entourage lui ont permis de mieux...
commentaires (3)

Cette analyse me semble très fine."Son terrible besoin de séduire" apparaît en effet très nettement dans sa campagne. Il a été capable de dire toute chose et son contraire selon le public auquel il s'adressait. Cela ne signifie pas l'absence de programme, il en avait un, assurément: "je veux être président de la République"! Ceci dit, maintenant installé sur le trône, il sera un dictateur. Ne pouvant supporter "l'idée de découvrir autre chose que l'approbation ou l'assentiment chez son interlocuteur. Comme s'il avait du mal à ne pas retrouver ces regards admiratifs qu'il a presque toujours croisés depuis son enfance", il écrasera ses contradicteurs. Son attitude vis-à-vis de la presse le montre déjà.

Yves Prevost

07 h 13, le 05 juin 2017

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Commentaires (3)

  • Cette analyse me semble très fine."Son terrible besoin de séduire" apparaît en effet très nettement dans sa campagne. Il a été capable de dire toute chose et son contraire selon le public auquel il s'adressait. Cela ne signifie pas l'absence de programme, il en avait un, assurément: "je veux être président de la République"! Ceci dit, maintenant installé sur le trône, il sera un dictateur. Ne pouvant supporter "l'idée de découvrir autre chose que l'approbation ou l'assentiment chez son interlocuteur. Comme s'il avait du mal à ne pas retrouver ces regards admiratifs qu'il a presque toujours croisés depuis son enfance", il écrasera ses contradicteurs. Son attitude vis-à-vis de la presse le montre déjà.

    Yves Prevost

    07 h 13, le 05 juin 2017

  • Soyons sérieux ...! E.Macron est un socialiste caviar caméléons , issu du monde gauchocrate de "ENA and Co. ", qui tente de se muer en socialo/libéral acceptable , pour plaire à tous ...! ca commence mal ..., le "social/libéralisme" est un bluff politicien grossier ... car c'est une antinomie...!

    M.V.

    14 h 38, le 04 juin 2017

  • Clairvoyante Brigitte, dans sa déclaration "Emmanuel a besoin de tout le monde et de personne..." Le personnage à probablement "un axe, personnel autour duquel se déroulent toutes sortes d'actions, sans faire vaciller cet axe" Éclaire, ambitieux, fidèle à lui même...et très attachant...sa fidélité à lui-même peut décevoir beaucoup de ceux qui lui rendant service , pensent infléchir cette force, solitaire, orientée seulement par sa fidélité à ce qu'il s'est fixé comme mission Mérite d'être connu et imite

    Chammas frederico

    13 h 32, le 04 juin 2017

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