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Lifestyle - La mode

Hermès et l’homme invisible

Pour célébrer son thème annuel, cette année « Le sens de l'objet », la maison Hermès a rendu hommage à Martin Margiela en embarquant 250 invités à Anvers, ville de naissance du créateur qui a collaboré avec la maison sellière de 1997 à 2003.

L'événement Hermès Margiela à Anvers. Photo Benoît Tellier

Voilà deux ans qu'est annoncée au Palais Galliera, sous la direction artistique d'Olivier Saillard, une rétrospective majeure de Martin Margiela. Celle-ci n'aura finalement lieu qu'en mars 2018, Saillard ayant souhaité prendre le temps de réaliser une scénographie à la hauteur de l'événement. En attendant, c'est le MoMu, musée de la mode d'Anvers, qui consacre jusqu'au mois d'août une exposition aux six années de collaboration entre le créateur déconstructiviste et Hermès, la maison de qualité à laquelle collait une image « bourgeoise ». Aussi surréaliste et belle que, selon la formule de Lautréamont, « la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie », cette collaboration qui semblait contre-nature avait commencé par choquer avant de devenir une évidence.

 

Hermès à l'envers
La célébration du thème auquel vont se conformer les créateurs de la maison tout au long de l'année a toujours chez Hermès un côté ludique destiné à créer des liens et à susciter des interrogations chez les dizaines d'invités venus des quatre coins du monde, avec leur charmante diversité, participer avec les responsables de la maison aux festivités de lancement. Peu « d' influenceurs » , presque pas de selfies, des jeunes, des plus âgés, des artistes, des journalistes qui prennent des notes sur des carnets... On est clairement dans une culture différente de celles que véhiculent et encouragent habituellement les maisons de « mode ». Et précisément, Hermès n'en est pas une. Maison sellière dès l'origine, la marque à la calèche préfère aux tendances qui passent l'intemporelle authenticité de la belle ouvrage. « Le sens de l'objet » annonce une nouvelle intrigue. Le carton d'invitation est écrit en miroir et fourni avec un plastique réfléchissant. On n'en est pas plus avancé. Rendez-vous est donné le lendemain à la première heure, Gare du Nord, à Paris. Nous allons à Anvers (« à l'envers », l'aurions-nous deviné ?). Là, nous sommes acheminés vers un hangar. L'étage supérieur, plongé dans l'obscurité, est découpé en zones par de simples rideaux.

Bientôt arrivent des mannequins dans leur cinquantaine. Axelle Doué, Anne Rohart, Shirley Jean-Charles, Kristina de Coninck, Julia Nobis, Claudia Huidobro nous offrent une reprise de la performance Models Never Talk mise en scène par Olivier Saillard en 2015. Tour à tour, elles miment avec humour et émotion les grands moments des défilés dont elles furent les muses. En combinaison beige pour Margiela, en combinaison marine pour les défilés Hermès par Margiela, elles annoncent l'année et la saison et décrivent telles des reines nues ce qu'elles portent et qu'on ne voit qu'à travers les mots. L'intensité prend à la gorge. Plus tard, nous irons à la découverte de la ville en passant par la mythique académie royale de mode dont sont sortis les fameux Six d'Anvers qui ont révolutionné la perception contemporaine du vêtement. Margiela fait partie de ceux-là.

 

Une relation surnaturelle
Quand Jean-Louis Dumas, président d'Hermès, fait appel à Martin Margiela sur les conseils de sa fille qui l'a connu chez Jean-Paul Gaultier, pour créer les collections féminines de la marque, on imagine une prise de risque considérable. Margiela est déjà ce qu'on appelle un enfant terrible de la mode. Il ne fait rien comme tout le monde et, surtout, il ne cherche pas à faire beau. Il traite le vêtement comme un écorché, le découd, le suture à l'envers, place l'intérieur à l'extérieur, privilégie les valeurs aux couleurs, ne se montre jamais, méprise les étiquettes, barre les yeux de ses mannequins, ne met en avant que le prodigieux travail des petites mains dans l'anonymat des ateliers. Contre-nature, la relation entre les deux maisons s'avère surnaturelle. Entre artisans on se comprend. L'aventure qui s'achève en 2003 marquera durablement l'histoire de la mode. Au MoMu d'Anvers, on en découvre les traces lumineuses, en blanc pour Margiela, en orange pour Hermès. Et des vêtements iconiques tels que le haut inspiré d'un sac de provisions Franprix ou la légère mousseline déperlée du pardessus antipluie, ou le pull en V XXL à enfiler par le bas. Chez Hermès, Margiela se saoule de belles matières et Hermès en retour retrouve avec Margiela la poésie du degré zéro du vêtement.

 

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