Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Portrait

Billy Hayes : Erdogan ne mène pas la Turquie dans la bonne direction

L'auteur de « Midnight Express » racontera son expérience dans les prisons turques au théâtre, à Beyrouth.

Billy Hayes lors de la conférence de presse donnée jeudi à l’hôtel Le Gray à Beyrouth.

À 70 ans, plus qu'un homme qui a vécu, Billy Hayes fait partie de ceux qui ont survécu. Comment surmonter cinq années dans une prison turque ? Sa réponse, lancée dans un éclat de rire, soufflée par sa compagne assise au premier rang lors de la conférence de presse donnée a l'hôtel Le Gray à Beyrouth, est simple : « Le yoga. » De la prison a l'amour de soi comme d'autrui, du rire aux larmes, l'Américain incarne l'ambivalence même. « Aller en prison a été la pire expérience de ma vie, mais également la meilleure », explique-t-il. « Ça m'a permis de grandir, d'apprendre à me connaître », ajoute-t-il.

Le 6 octobre 1970, au cours de son quatrième voyage en Turquie, le jeune Billy Hayes, avide d'argent, tente de faire passer deux kilos de haschich à l'aéroport d'Istanbul. Il se fait alors arrêter et se retrouve devant la justice turque. Lors de son premier procès, il écope de quatre ans et deux mois de prison ferme. Enfermé à Sağmalcılar, il se bat avec l'un des détenus dès le premier soir. « Il était trois fois plus large que moi, et bien plus haut, mais j'étais jeune et vif, il en est ressorti avec le nez en sang et un œil au beurre noir. Ça m'a forgé une réputation au sein de la prison, explique-t-il. Si tu as été une victime à l'extérieur, tu en seras une aussi en prison. »

À quelques semaines de sa libération, il apprend que les autorités turques le condamnent finalement à la prison à vie pour trafic de drogue, au lieu de simple possession. En mai 1975, le Tribunal constitutionnel turc gracie les détenus condamnés pour trafic de drogue. Une décision qui fait tomber la peine de Billy Hayes à trente ans de prison. Il est transféré à İmralı en juillet de la même année. C'est de cette prison qu'il réussira à s'échapper, dès octobre 1975. « Je savais, en prenant cette décision, que je ne reverrai pas la prison. C'était soit la mort, soit la liberté », explique-t-il.

 

(Pour mémoire : « Le Fugitif »)

 

« Pas dans la bonne direction »
Cette histoire, d'abord relatée dans son livre autobiographique, Oliver Stone s'en est inspiré pour écrire le scénario du film Midnight Express sorti en 1978. Billy Hayes s'attarde sur les différences entre son expérience et celle dépeinte dans le film. « Il y a une chose que j'aimerais clarifier, j'aime ce film, mais à aucun moment le vrai visage de la population turque n'est représenté, insiste-t-il. À en croire le film, les Turcs sont tous ignobles, ce n'est pas le cas. Pour des raisons économiques et politiques, il a fallu changer des parties de mon histoire. »

À l'époque, selon les dires de Billy Hayes, Oliver Stone possédait un autre scénario prêt à être lancé. Platoon ne verra jamais le jour dans les salles obscures, son univers, la guerre du Vietnam, dérange bien trop. « Suite à ce refus, Oliver Stone a mis toute sa frustration dans Midnight Express, il a raconté le Vietnam au travers de la Turquie, j'ai apporté l'expérience de l'emprisonnement. »

Suite au lancement du film, un mandat d'arrêt d'Interpol est lancé contre le réalisateur, puis abandonné, l'image du pays donnée par le film ayant irrité le gouvernement. Au travers de son mélodrame, joué à l'international, Billy Hayes souhaite inscrire « ma réalité » et dévoiler « un autre visage de la Turquie, celui qui ne trouve pas sa place dans le film ».

 

(Pour mémoire : Cinéma - L'auteur de Midnight Express s'excuse)

 

Ce pays, il ne le reconnaît pas sous les traits du président turc Recep Tayyip Erdogan. « Il ne mène pas la Turquie dans la bonne direction », soutient-il. « Il a arrêté des milliers de journalistes, professeurs, policiers, je le sais parce que j'ai des amis dans la police turque, et que j'ai appris que des amis écrivains sont actuellement en prison. Il prend le pouvoir, organise le pays comme bon lui semble, bien sûr que ça me révolte », soutient-il. Son visage s'assombrit. « La prison vous vole tout ce qui vous constitue, ce qui rend difficile une réintégration dans ce monde, après avoir été détruit », lance-t-il, yeux baissés, regard perdu. Billy Hayes ne s'étend pas davantage sur son expérience, laissant le soin à qui le souhaite de découvrir son histoire à travers sa pièce, Riding the Midnight Express with Billy Hayes, jouée du 29 avril au 1er mai au théâtre al-Madina de Beyrouth.

En incarnant son propre personnage sur les planches, Billy Hayes confie relever un défi, face à l'émotion encore bien présente. « J'ai fait souffrir mes parents, j'étais jeune et stupide à l'époque, je n'ai pas réalisé à quel point ils ont pu s'inquiéter de mon sort. » L'homme marque une pause, réprime des larmes, « je regrette tellement, c'est dur ». De cet épisode, Billy Hayes retient une leçon qu'il compte bien partager. « Il faut que la jeunesse apprenne à être libre, oui, mais à en assumer aussi les conséquences », martèle-t-il.

 

 

Lire aussi

Purges à plein régime en Turquie : plus de 1 100 arrestations

La Turquie placée en observation par le Conseil de l’Europe

À 70 ans, plus qu'un homme qui a vécu, Billy Hayes fait partie de ceux qui ont survécu. Comment surmonter cinq années dans une prison turque ? Sa réponse, lancée dans un éclat de rire, soufflée par sa compagne assise au premier rang lors de la conférence de presse donnée a l'hôtel Le Gray à Beyrouth, est simple : « Le yoga. » De la prison a l'amour de soi comme d'autrui, du rire...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut