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Culture - Entretien

Gabriel Yared : Il est temps de connaître la musique de Béchara el-Khoury

Le compositeur rend hommage ce soir à son confrère. Il en parle, fin connaisseur et autorité en la matière, en termes justes et élogieux.

Gabriel Yared ne sera jamais pianiste, tant il ne veut manger que de la musique ! Photo Peter Cobbin

Pour les soixante ans du compositeur des Ruines de Beyrouth et du Liban en flammes, petit-fils du poète Béchara Abdallah el-Khoury dit al-Akhtal as-Saghir, l'un des plus éminents « taquineurs » de muse du Moyen-Orient, les mélomanes n'auront rien moins que l'Orchestre philharmonique libanais sous la baguette de maestro David Molard. Avec, en solistes, le clarinettiste Patrick Messina et la violoniste Fanny Robilliard, ainsi qu'une « participation exceptionnelle » de Gabriel Yared, comme le souligne le carton d'invitation de la soirée.

Arrivé en visite-éclair à Beyrouth, qui reste son point de refuge, son havre de paix intérieure et sa source d'inspiration, le musicien des films de Godard, Minghella, Bagdadi, Costa-Gavras, Chahine, Altman, Annaud et Beineix (pour ne citer qu'eux...), l'orchestrateur de certains tubes de Jonasz, Vartan, Hallyday, Bécaud, Hardy (là aussi la liste est loin d'être exhaustive) sera pour le public libanais non un artiste inaccessible auréolé de gloire, mais l'homme derrière les touches d'ivoire. Un pianiste qui fera revivre les silences du désert, la beauté de l'infini des sables et les émotions d'écorché vif du Patient anglais de Minghella dont la partition en 1997, signée de la plume de l'enfant de Beyrouth, a décroché à Hollywood l'Oscar de la meilleure musique...

Les cheveux en bataille, la barbe sel et poivre, les mains grandes et puissantes, la chemise à col Mao très baba cool, le teint sombre, l'allure dynamique, Gabriel Yared confesse avec le sourire qu'il ne sera jamais pianiste tant il ne veut manger que de la musique ! Mais il sait jouer ce qu'il a composé... Instant d'une grande ferveur et de partage pour celui qui, dans sa prime jeunesse, se sentait le plus près de Dieu quand il était à la tribune de l'orgue, qu'il interprétait Bach, Franck, Daquin et Gelalian. Et pour cet hommage à Béchara el-Khoury, il veut que sa participation soit bien entendu exceptionnelle, mais surtout comme un gage d'amitié et de cœur.


(Pour mémoire : Gabriel Yared retourne aux sources d'Asmahane)

 

Comme Dutilleux ou Ligeti
Il est temps de mieux connaître l'œuvre, l'envergure, la force, la houle, la torrentialité, la retenue, les nuances, les contrastes, les cadences, les couleurs, le lyrisme de la musique de Béchara el-Khoury. Qui mieux que Gabriel Yared, rompu au dire des partitions musicales, fêté et respecté, pour la situer, la cerner et la défendre? En toute connaissance de cause et en toute fraternelle amitié et sympathie.


(Pour mémoire : Gabriel Yared et Xavier Dolan, le nouveau tandem)

 

« Pour les mélomanes qui ne connaissent pas encore très bien l'œuvre de Béchara el-Khoury, à la fois poète et compositeur, une œuvre jouée par les meilleurs orchestres et instrumentistes au monde, il est temps de découvrir la riche palette de timbres de cette narration sonore qu'on qualifie d'impressionniste. Je ne sais pas si elle est impressionniste, mais elle dégage de toute évidence les impressions qu'on veut bien saisir et recueillir... Béchara, mon très cher et grand ami, n'a pas suivi de modes (sérielles, expérimentales, répétitives), mais il est comme Dutilleux ou Ligeti... Renouveler la musique tonale avec un sens de l'harmonie et du contrepoint. C'est aussi un grand orchestrateur, car il a la science de l'écriture pour l'orchestre. Et, par-dessus tout, c'est un compositeur à part. Loin des modes, il suit son inspiration et son éthique.

Pour ce soir, pour dévoiler son art de la musique, il y aura deux concertos. Un concerto pour orchestre et clarinette et un autre pour orchestre et violon. De même qu'une pièce symphonique au titre poétique et évocateur, legs d'un lyrisme familial qui coule dans les veines... Pour ma part, je serai au piano pour une suite de quatre thèmes, avec orchestre et clavier, tirée du film Le Patient anglais de Minghella. Une musique qui se nourrit d'elle-même avant que les images ne prennent emprise ou n'interfèrent sur les notes », sourit Gabriel Yared.

Pour les deux, parfaitement en entente et osmose créative, une musique jaillie de nos rives, qui jette des racines profondes et entrelacées. Un point de rencontre pour deux voix que l'écho mêle et emmêle pour murmurer tendresse et espoir au cœur et à l'esprit. Pour un pays, malgré ses déchirures et sa charpente, que nul n'a pu briser, qui a encore le don, la faculté et le pouvoir d'offrir rêves, miroitements, nostalgie et élans.
Le maestro lève le bras. Un doigt sur la perce de la clarinette, l'archet sur les cordes du violon, la main effleurant touches noires ou blanches et la musique des enfants du pays du Cèdre se répand en grandes nappes et images sonores. Elle est d'ici et d'ailleurs. Elle est perceptible et universelle. Elle est eau et feu, brume et soleil, sourire et larme, montagne et vallée, mort et résurrection, tristesse et bonheur. On écoute.

* Concert ce soir, avec le concours conjoint du Conservatoire national supérieur de musique et du Centre du patrimoine musical libanais, en l'église Saint-Joseph (USJ). Un hommage dédié aux 60 ans de Béchara el-Khoury. À 21h00 précises (et non à 20h30 comme d'habitude).

Pour mémoire

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