Quatre mois après avoir symboliquement choisi d'annoncer sa candidature à la présidentielle depuis la banlieue parisienne, le centriste Emmanuel Macron promet de « construire l'égalité des chances » pour émanciper les habitants des quartiers déshérités.
Ils sont venus de toute la France dialoguer pendant deux heures avec Emmanuel Macron, 39 ans, benjamin des aspirants à la présidence, qui a rencontré la semaine dernière une centaine de « personnes au parcours remarquable issues de quartiers populaires », à Saint-Denis, au nord de Paris.
Ces hommes et femmes – chefs d'entreprise, hommes d'affaires, fonctionnaires –, pour la plupart issus de l'immigration maghrébine et africaine, racontent tour à tour l'histoire de leur succès personnel, dans un environnement où rien ne leur était acquis d'avance.
« Je suis heureuse. Ce soir, on n'est pas là pour parler de ceux qui brûlent les voitures. Il y a plein de gens qui ont des diplômes supérieurs, qui ont fait quatre ou cinq ans d'études après le bac ici. C'est cette diversité qu'il faut mettre en lumière », explique Khadija Moudnib, 39 ans, maire adjointe de Mantes-la-Jolie, une banlieue à l'ouest de Paris.
Emmanuel Macron, ex-ministre du président socialiste François Hollande repositionné au centre, fait figure de favori pour la présidentielle d'avril-mai, au coude-à-coude avec la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen, loin devant les candidats de droite et de gauche.
L'ancien banquier d'affaires, qui promet notamment de mettre en œuvre des mesures de discrimination positive, est critiqué par une partie des syndicats qui l'accusent de vouloir brader le modèle social français. Mais en banlieue, certains voient en lui un exemple de réussite. « On vous a reproché d'avoir gagné beaucoup d'argent chez Rothschild alors que nous, dans les banlieues, on a envie de vous ressembler ! » lance ainsi une jeune femme, s'attirant des applaudissements nourris.
« La carrure et le verbe »
« On a une particularité en France. On n'aime pas l'échec et on n'aime pas la réussite », a répondu en souriant Emmanuel Macron, régulièrement accusé par ses adversaires d'être le candidat des « gagnants de la mondialisation ».
À deux pas de la salle où se tient la réunion, dans les rues de Saint-Denis, un des derniers fiefs du Parti communiste dans l'ancienne « ceinture rouge » de la banlieue parisienne, Mohammed Hemmar fait partie de ceux qui croient en l'image d'homme neuf d'Emmanuel Macron. « On va essayer Macron, pour voir ce que ça va donner avec un jeune », explique ce boucher né en Algérie il y a 47 ans. « Il a la carrure et le verbe. Il inspire confiance », souligne-t-il, en essuyant ses mains sur son tablier rouge de sang. Mais d'autres, confrontés quotidiennement à l'insécurité et au chômage, qui atteint 18,5 % dans la ville, ne partagent pas l'optimisme du candidat. Beaucoup d'habitants racontent ainsi qu'ils n'iront pas voter, affirmant avoir perdu confiance dans la politique, après les promesses non remplies du président Hollande et les scandales financiers qui accablent le candidat de droite François Fillon, inculpé pour détournement de fonds publics.
Assis sur un banc devant la basilique où sont enterrés les rois de France, Michel Castellote, 76 ans, regarde passer une patrouille de militaires, qui rappelle que la France vit depuis dix-huit mois en état d'urgence et que les attentats jihadistes ont fait 238 morts et des centaines de blessés depuis 2015. « Macron, il ne connaît pas les quartiers. Il ne les connaît que de haut », juge ce partisan du candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, qui promet d'augmenter de 200 euros le salaire minimum et d'instaurer la semaine de 32 heures et attire les déçus de la gauche au pouvoir depuis 2012. D'autres citent le nom de Marine Le Pen, parce qu'ils en ont assez de voir les commerces français traditionnels remplacés par des boutiques halal ou des magasins de vêtements chinois ou même, dans le cas de certains personnes d'origine étrangère, par dégoût de la politique.
« Je ne crois pas à la gauche ni à la droite. Peut-être que Marine Le Pen changerait les choses. Au moins, elle est franche. C'est pas l'hypocrisie », témoigne Sliman Hechiche, 38 ans, vendeur de bijoux sur une brocante.
(Source : AFP)