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À La Une - Justice

Le plaider-coupable en procès aux Etats-Unis

La Cour suprême a examiné le dossier d'un Sud-Coréen particulièrement mal conseillé par son avocat dans une banale affaire de stupéfiants.

Censées éviter un coûteux procès et une lourde sentence pour l'accusé, les négociations de peine sont très fréquentes aux Etats-Unis. Mais que faire si cette procédure aboutit à l'effet inverse du but affiché ? La Cour suprême américaine a examiné mardi cette question. Photo d'archives AFP

Censées éviter un coûteux procès et une lourde sentence pour l'accusé, les négociations de peine sont très fréquentes aux Etats-Unis. Mais que faire si cette procédure aboutit à l'effet inverse du but affiché ? La Cour suprême américaine a examiné mardi cette question à propos d'un Sud-Coréen particulièrement mal conseillé par son avocat dans une banale affaire de stupéfiants.

Jae Lee avait débarqué à l'âge de 13 ans à New York, accompagné de ses parents. Le couple tenait une cafétéria à Manhattan et l'adolescent a grandi à Brooklyn, sans toutefois obtenir la nationalité américaine.
Il a déménagé plus tard dans le Tennessee, où il a travaillé dans la restauration, avant d'ouvrir son premier restaurant, puis un second. Consommateur occasionnel d'ecstasy, Jae Lee a par ailleurs, selon les autorités, commencé à en faire le commerce.

En janvier 2009, appliquant un mandat de perquisition, les policiers en trouvent à son domicile 88 cachets. L'homme est inculpé de détention de drogue en vue d'un trafic. M. Lee fait alors appel aux services d'un avocat, Larry Fitzgerald, en insistant qu'il est crucial pour lui de ne pas être expulsé des Etats-Unis. Fitzgerald entame des négociations avec le procureur et convainc son client de plaider coupable. L'avocat lui assure qu'il ne sera pas expulsé, ayant un casier judiciaire vierge au terme de trois décennies dans le pays.

 

(Pour mémoire : Clandestins: ni expulsions massives ni recours à l'armée, promet Washington)

 

Bien ancré aux Etats-Unis
Le restaurateur écope finalement d'un an et un jour de prison, une peine nettement plus clémente que ce que les textes prévoient pour la détention de stupéfiants en vue d'un trafic. Problème, M. Fitzgerald connaît mal les règles d'immigration et s'est lourdement trompé: l'expulsion est automatiquement prononcée pour une telle condamnation. Dévasté, Jae Lee se retourne contre son avocat, en affirmant que sans lui il aurait choisi la voie du procès, quitte à purger une plus longue réclusion si elle lui avait permis de rester aux Etats-Unis.

La loi américaine prévoit l'annulation d'un verdict pour un condamné particulièrement mal défendu. Mais celui-ci doit établir deux éléments: d'abord la déficience patente de son avocat, ensuite que cette déficience a résulté pour lui en un grave dommage. C'est ce deuxième volet que conteste le gouvernement américain dans le cas de M. Lee.

"Nous estimons que l'accusé n'a rien subi d'injuste", a assuré mardi Eric Feigin, représentant le parquet fédéral. Selon lui, si Jae Lee avait comparu, il aurait pratiquement à coup sûr été condamné à davantage de prison et quand même à être expulsé.

 

(Pour mémoire : Traquée par l'immigration US, une mère d'origine mexicaine se réfugie dans une église avec ses enfants)

 

Tout sauf l'expulsion
Pas sûr, a rétorqué John Bursch, le nouvel avocat du Sud-Coréen, en soutenant que la raison imposait de refuser l'entente sur le plaidoyer. "D'autres arrangements auraient été possibles" avec le procureur, a affirmé M. Bursch, qui a capté l'oreille attentive des juges progressistes de la Cour suprême. En considérant le fait que le plaider-coupable n'a permis à M. Lee de réduire sa réclusion que de neuf mois, "qu'y avait-il d'irrationnel à aller au procès ?", a interrogé la magistrate Sonia Sotomayor.

Ce débat intervient alors que la politique de Donald Trump jette une lumière crue sur les expulsions des étrangers délinquants. Concernant M. Lee, mais aussi dans des dizaines de milliers d'autres cas, ces mesures se traduisent par l'arrachement d'une personne à sa famille, son travail, ses amis, pour aller vers un pays qui lui est finalement devenu complètement étranger.

Cette affaire, qui fera l'objet d'un arrêt d'ici fin juin, met également au jour les défauts des négociations de peine, critiquées car contournant l'indépendance incarnée par le juge. Plus de 95% des affaires pénales dans le système judiciaire fédéral américain sont réglées par une entente sur le plaidoyer. Paradoxalement, beaucoup d'innocents consentent à plaider coupable, effrayés à l'idée d'être plus sévèrement condamnés devant un jury pour une infraction qu'ils n'ont pourtant pas commise.

Censées éviter un coûteux procès et une lourde sentence pour l'accusé, les négociations de peine sont très fréquentes aux Etats-Unis. Mais que faire si cette procédure aboutit à l'effet inverse du but affiché ? La Cour suprême américaine a examiné mardi cette question à propos d'un Sud-Coréen particulièrement mal conseillé par son avocat dans une banale affaire de...

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