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Économie - Liban - Financement du terrorisme

Comment les transferts d’argent non bancaires sont-ils réglementés ?

L'enquête judiciaire sur le transfert de fonds depuis le Liban au groupe État islamique soulève la question des normes encadrant les sociétés de change et de transfert d'argent.

Les sociétés de transfert doivent notifier la Commission d’enquête spéciale (CES) des détails de toute opération qu’ils jugent douteuse. Mohamed Abd el-Ghany/Reuters

Depuis la semaine dernière, les sociétés de change et de transfert d'argent sont dans l'œil du cyclone. Vendredi dernier, la justice libanaise avait inculpé 18 personnes, en grande majorité des Syriens, pour avoir transféré depuis 2014 plus de 19 millions de dollars du Liban au groupe État islamique (EI) en Syrie et en Irak. Ces inculpations sont intervenues après des perquisitions dans des bureaux de change et des compagnies de transfert d'argent. Mais de manière globale, l'intensification de la lutte contre le financement du terrorisme soulève la question de la régulation des transferts monétaires non bancaires. Pourtant, au Liban, les bureaux de change, les sociétés de transfert et le système de transfert de fonds sont soumis à de nombreuses régulations par la Banque du Liban (BDL).

 

Sommes supérieures à 10 000 dollars
Au même titre que les banques, toutes les institutions supervisées par la BDL ont premièrement pour obligation de vérifier les listes noires de sanctions financières du Conseil de sécurité des Nations unies visant des groupes terroristes, comme el-Qaëda ou les talibans. Elles doivent surtout geler les opérations menées avec les personnes visées par ces listes et prévenir la Commission d'enquête spéciale dans les 48 heures.

S'agissant de plus de 320 bureaux de change supervisés par la BDL, les directeurs de ces institutions doivent obligatoirement avoir assisté aux formations agréées par la BDL sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Des dispositions plus restrictives s'ajoutent aux bureaux de change dont le capital est supérieur à 5 milliards de livres. Ces dispositions ont notamment pour obligation de « mettre en place des procédures suffisantes et efficaces pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme », note la circulaire n°3 de 2001. Ces sociétés doivent donc nommer un responsable de mise en conformité qui doit s'assurer du respect des lois et règlements en vigueur à ce niveau.

 

(Pour mémoire : Plus de 19 millions de dollars transférés du Liban à l'EI)

 

Or, si rien n'autorise les sociétés de change à effectuer des transferts par voie électronique, sauf si celles-ci ont obtenu une licence de la BDL pour le faire, il existe « quelques sociétés de change qui envoient des fonds en espèces en Syrie pour leurs clients, parfois via des réseaux de taxis, mais la BDL ne peut rien faire contre, car n'importe qui peut décider d'envoyer du liquide de cette façon, même un particulier », explique une source financière. Mais il existe tout de même un contrôle aux frontières. Depuis la loi n°42, votée en novembre 2015, les personnes ont ainsi pour obligation de déclarer aux douanes toute somme supérieure ou égale à 15 000 dollars (ou son équivalent en devises) transportée en numéraire (espèces, chèques, titres, etc.) lors du passage des frontières libanaises.

De leur côté, les sociétés de transfert électronique non bancaires sont soumises à de nombreuses régulations pour lutter contre le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent. Ces sociétés doivent par exemple, pour chaque opération, noter l'identité complète du client (nom et adresse), la source des fonds transférés, leur destination et leur but, en plus de l'identité du bénéficiaire, selon la circulaire n° 69 de 2000. Et, outre la mise en place de procédures de « due diligence » pour les clients ayant des opérations fréquentes, les sociétés de transfert doivent également notifier la Commission d'enquête spéciale (CES) des détails de toute opération qu'ils jugent douteuse et de s'abstenir de notifier ces clients que la CES enquête sur leurs opérations, à moins qu'elle n'en décide autrement. D'autre part, si l'opération de transfert est supérieure ou égale à 10 000 dollars, la société doit tenir des registres spécifiques, avec les copies des documents officiels fournis par le client lors du transfert, et les conserver pendant au moins 5 ans.

 

(Pour mémoire : Au Liban, descentes dans des sociétés suspectées de transferts de fonds à l'EI)

 

Système de transfert
Enfin, reste le cas précis des transferts (hawalas), un système informel de transfert de fonds d'un pays à un autre par le biais de courtiers – les hawaladars –, qui est souvent pointé du doigt par la communauté internationale dans la lutte contre le financement du terrorisme. Ce système est généralement utilisé par les migrants d'un pays pour envoyer de l'argent à l'étranger sans passer par le système bancaire traditionnel. Ce circuit, qui passe par les sociétés de change, permet de transférer des fonds sans transmettre l'argent. Le hawaladar va alors contacter un autre hawaladar du pays étranger, lui demandant de donner au client destinataire la somme transférée, et en contrepartie, le hawaladar lui remboursera ainsi la somme due, selon un accord passé entre les deux.

Depuis 2007, ces opérations sont largement réglementées par la BDL. Ainsi, pour chaque opération de hawala, la société de change doit envoyer à la BDL une notification par écrit et conserver, pour une période minimale de cinq ans, les informations sur les hawalas effectués et leurs clients. De plus, les transactions ne peuvent dépasser 20 000 dollars, et les établissements sont également soumis à l'application des lois et réglementations en vigueur pour la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Mais « au Liban, ce système n'est pas aussi développé que dans les pays d'Asie par exemple ; il n'existe qu'une vingtaine de hawaladars maximum », nuance la source précitée.

 

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