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Économie - Consommation

Taxes : y a-t-il eu de vrais abus des commerçants ?

Si la Régie a augmenté les prix du tabac avant même l'entrée en vigueur éventuelle des nouvelles taxes, pour les autres produits les abus semblent limités.

La Régie des tabacs et tombacs a décidé de hausser de manière préventive le prix du paquet de cigarettes de 250 livres, ainsi que celui du cigare de 500 livres. Photo S.Ro.

Plusieurs médias se sont alarmés ces derniers jours d'une supposée hausse des prix dans les magasins, suite à l'adoption de nouvelles taxes par le Parlement jeudi dernier. Une hausse qui serait illégale, car ces taxes n'auront force exécutoire qu'après l'adoption éventuelle de l'ensemble du texte et sa publication au Journal officiel. Ces rumeurs ont cependant provoqué de vives inquiétudes chez les consommateurs. « Les gens se ruent sur l'alcool et le tabac depuis la semaine dernière », observe Riad Khaïrallah, directeur marketing chez Le Charcutier.

Au moment de l'interruption du débat au Parlement, 8 taxes sur la vingtaine prévues dans le projet de loi (n° 10415) avaient été adoptées. Parmi celles-ci figuraient une nouvelle taxe de 250 livres sur les paquets de cigarettes, ainsi qu'une taxe de 500 livres sur la boîte de cigares, sans précisions sur son format. Le Parlement a également adopté l'augmentation des taxes sur le prix de vente final des boissons alcoolisées importées. Le litre de bière ou de spiritueux serait taxé à 25 % ; tandis que celui de vin ou de champagne le serait à 35 %.

Le lendemain, le ministère de l'Économie et du Commerce s'insurgeait dans un communiqué contre les commerçants qui auraient augmenté leurs prix, exploitant « la confusion créée par la discussion au Parlement de certaines taxes qui pourraient être imposées dans le contexte de l'adoption de la grille des salaires ». D'après le communiqué, la « Direction de la protection du consommateur a mis plusieurs contraventions le 17 mars (vendredi) ». Interrogé par L'Orient-Le Jour, le directeur de ce département, Tarek Younès, a reconnu que plusieurs commerçants qui avaient augmenté le prix des cigarettes avaient fait l'objet de contraventions.

 

(Lire aussi : Taxes pour financer la grille des salaires : bilan d'étape)

 

 

Hausse préventive du prix du tabac
Mais ces augmentations des commerçants n'étaient pas frauduleuses. Vendredi, la Régie des tabacs & tombacs a décidé de hausser de manière préventive le prix du paquet de cigarettes de 250 livres, ainsi que celui du cigare de 500 livres. Suite à cette décision, la Direction de la protection du consommateur a arrêté d'inspecter les prix du tabac. Seule différence notable avec l'augmentation prévue par le Parlement: la Régie augmente le prix du cigare à l'unité et non celui de la boîte. Dans un article publié par L'Orient-Le Jour samedi dernier, le député Serge Tersarkissian (courant du Futur) avait expliqué que, suite à l'opposition des députés du mouvement Amal, la taxe sur les cigares allait être modifiée afin de suivre la décision de la Régie de varier les coûts à l'unité et non à la boîte.

Cette décision hâtive de la Régie, qui détient le monopole de la vente du tabac au Liban, a été prise afin d'éviter la « spéculation », explique à L'Orient-Le Jour son secrétaire général, Georges Hobeika. « Je ne pouvais pas laisser passer un délai entre le moment où l'augmentation du prix des cigarettes est annoncée et son application », justifie-t-il, « sinon les commerçants auraient acheté des stocks très importants de cigarettes avant l'application de la hausse des taxes, pour les revendre ensuite ». La Régie a le droit d'augmenter les prix lorsqu'elle le souhaite, sous réserve de l'autorisation du ministère des Finances qui lui a été accordée vendredi dernier, précise-t-il. Contacté, le service de presse du ministère des Finances n'a ni confirmé ni infirmé cette information, en l'absence du ministère Ali Hassan Khalil, qui est en Égypte jusqu'à jeudi soir. Une fois que le vote du Parlement concernant la taxe sur la cigarette sera officialisé, la Régie décidera si elle maintient ou pas la hausse mise en place la semaine dernière, confie Georges Hobeika.

Après avoir mis fin aux inspections des prix du tabac, la Direction de la protection du consommateur s'est tournée vers les produits de première nécessité comme le sucre et la farine, ainsi que les fruits et les légumes. Doté de 120 inspecteurs, le département a effectué des centaines de visites sur le terrain vendredi, samedi et lundi, selon Tarek Younès. Une dizaine de cas d'augmentation de prix non justifiée ont été rapportés. « Ce n'est pas un chiffre très important. Nous sommes dans les normes », relativise-t-il. Un point de vue relayé par Zouhair Berro, le président de l'Association de protection des consommateurs, qui a envoyé des volontaires contrôler les prix dans 48 magasins ce week-end. « Nous n'avons pas remarqué d'augmentation importante dans les supermarchés, mais nous allons continuer notre travail d'inspection sur les prochains jours avant de livrer nos résultats finaux », explique Zouhair Berro à L'Orient-Le Jour.

 

(Lire aussi : Impôts, loi électorale : un système confronté à ses propres limites)

 

 

Amende ou prison pour les contrevenants
Afin d'établir si une infraction a bien eu lieu, la Direction de la protection du consommateur vérifie si les prix ont changé de manière injustifiée par rapport à la semaine précédente, et s'appuie également sur le décret 73/83, selon lequel les commerçants ne doivent pas dégager une marge de plus de 30 % pour les produits de première nécessité. Si une infraction est constatée, la Direction de la protection du consommateur prépare un dossier qui est envoyé au juge. « La peine oscille entre 10 et 50 millions de livres, et peut aller jusqu'à quelques mois de prison. Mais les cas observés ce week-end ne seront sûrement pas assez graves pour inclure la prison », précise Tarek Younès.

« Nous avons passé 3 heures avec eux ce matin, assure Nabil Fahed, propriétaire de la chaîne de supermarchés, à L'Orient-Le Jour. Ils regardent le prix d'achat et de vente des produits et les comparent avec les semaines précédentes. » Également président du syndicat des propriétaires de supermarchés, qui regroupe 12 enseignes, Nabil Fahed affirme que les supermarchés n'augmenteront pas leurs prix tant que les nouvelles taxes ne seront pas effectives. Même son de cloche du côté du syndicat des importateurs libanais de boissons alcoolisées, qui a exhorté lundi « tous les commerçants du pays » à ne pas augmenter les prix de ce type de produits avant l'éventuelle entrée en vigueur de la hausse des taxes.

 

 

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