Le marché mondial des textiles « intelligents » devrait atteindre 1,5 milliard d'euros en 2021, selon une récente étude du cabinet d'analyses Kamitis. Une goutte d'eau par rapport à un marché mondial de l'habillement ayant déjà allègrement dépassé la barre des 1 200 milliards de dollars.
« C'est un marché de niche, mais on commence à en voir le potentiel et l'utilité dans certains domaines », estime Lutz Walter, responsable recherche-développement et innovation chez Euratex, la confédération des fabricants européens de textile, interrogé lors d'un colloque mi-mars à Paris.
Les vêtements intelligents pourraient notamment se faire une place parmi les vêtements professionnels de protection, en captant des données comme le mouvement, le rythme cardiaque et la température corporelle, et en ayant la capacité de donner l'alerte, voire déclencher des actions de manière autonome, explique-t-il. Pour les mêmes raisons, les perspectives sont également prometteuses dans le sport et la santé, même si, « dans le médical, le développement se fera plus à long terme en raison des contraintes réglementaires » propres à ce secteur, pronostique M. Walter.
Partenariats stratégiques
Cependant, « les gens ne veulent pas porter des vêtements qui n'ont plus un caractère textile : si c'est encombrant, si on ne peut pas les laver en machine, c'est compliqué » d'obtenir une adhésion de masse, y compris des industriels, prévient-il.
La crainte d'effets néfastes pour la santé d'une surexposition aux ondes électromagnétiques est un autre frein important aux yeux des consommateurs, selon l'Union des industries textiles (UIT), qui souligne aussi les enjeux de confidentialité des données.
« En Europe, le risque n'est pas dans l'ADN » des industriels du textile, qui « préfèrent attendre qu'une innovation existe déjà ailleurs » pour s'y intéresser, critique Florian Miguet.
Cet ancien manager en Asie pour des marques « outdoor » s'est lancé dans un projet de vêtement thermique connecté avec sa start-up Clim8.
Associée à une marque de vêtements de Corée du Sud, Clim8 doit démarrer en octobre la vente dans ce pays d'un maillot de corps doté de son système de chauffage électrique très basse tension entre les fibres, qui se déclenche localement quand la température corporelle, mesurés par des microcapteurs, descend en dessous du niveau de confort souhaité.
Une solution « cinq fois plus chère » que les technologies classiques de textile thermique comme Gore-Tex ou Heattech, reconnaît M. Miguet, qui mise sur d'autres partenariats similaires avec des marques de vêtements « premium » pour convaincre les consommateurs.
BioSerenity, l'un des pionniers français des vêtements connectés à des fins médicales, pour surveiller l'apnée du sommeil par exemple, s'apprête aussi à passer à l'échelle industrielle, grâce à un partenariat noué l'an dernier avec le groupe français Innothéra, fabricant de bas de contention.
Gare au gadget
Toujours dans la santé, la jeune start-up Akiros, basée à Compiègne (Oise), travaille quant à elle sur un préprototype de tee-shirt doté de capteurs de position et d'activité musculaire, pour faciliter la rééducation de patients souffrant de mal de dos notamment.
« Notre objectif est de développer un dispositif médical » conçu pour assister des professionnels de santé, explique le président d'Akiros, Antoine Rouhban, ingénieur biomédical de formation.
Claire Eliot, designer ayant appris l'électronique en autodidacte, tente pour sa part d'allier ses deux passions en créant notamment des prototypes de vêtements brodés de LED, dont la couleur varie en fonction de l'environnement chromatique ou sonore, dans un souci de personnalisation.
« Pour l'instant, les vêtements connectés sont beaucoup utilisés dans l'événementiel, pour faire de la com' », déplore Claire Eliot. Tout en reconnaissant que « les batteries sont encore trop grosses, et les capteurs trop chers » pour que le secteur de la mode les adopte rapidement.
Les vêtements intelligents « sont un formidable levier pour revaloriser le textile », juge Christine Corroy, responsable du département textile à l'école d'ingénieur Itech, près de Lyon.
Mais leurs bénéfices pour l'usager devront être réels : « Si c'est un gadget, on achète une fois, mais pas deux », prévient-elle.
(Source : AFP)