Il y a certainement des Libanais qui souhaitent que le président de la République use de son pouvoir pour régler des comptes, et d'abord pour liquider son compte à Walid Joumblatt, à travers une loi électorale qui « le ramène à sa juste mesure », comme on dit.
Il s'agit là d'une mentalité revancharde dont le président Michel Aoun sait qu'il doit s'en garder, s'il veut que le rétablissement des « droits » des chrétiens conduise à un rééquilibrage, et non à des exclusions.
La loi électorale est un instrument de juste représentation, c'est-à-dire de justice. Elle ne peut devenir un instrument d'exclusion, et cela, le Courant patriotique libre en est plus que conscient. Walid Joumblatt devrait l'être aussi.
Cela n'exclut pas que l'on use du pouvoir pour faire passer des projets qui sous la tutelle et les complicités anciennes ne passaient pas, comme l'ouverture du procès des assassins de Bachir Gemayel ou le percement d'une « route de la sainteté » entre les cazas de Jbeil et Batroun, reliant les deux grands sanctuaires de Annaya et de Kfifane.
Mais le président Aoun et le CPL devraient se garder d'un triomphalisme de mauvais aloi qui leur aliénerait l'opinion d'en face et nourrirait des ressentiments, funestes pour l'unité nationale, qu'ils sont aujourd'hui des « vainqueurs ».
(Lire aussi : L’adoption d’une loi électorale, précondition à l’approbation du budget)
Une parfaite équité devrait être la constante vertu dont doit se parer Michel Aoun, pour que son mandat soit marqué au coin de la renaissance du Liban, comme il a la possibilité de l'être.
Ce mal qu'est le populisme et l'identitarisme peut nous frapper de plein fouet, si on n'y prend garde. L'islamophobie a encore de beaux jours devant elle en Occident et dans le monde, et il faut éviter comme la peste la tentation de céder par jeu, fût-ce par des plaisanteries, à une islamophobie de salon qui serait perçue, elle aussi, comme une « revanche ».
Au contraire, fidèles au génie de la conciliation qui est le nôtre, nourrissons chez les Libanais, là où c'est possible, à commencer par les bancs de l'école et les programmes télévisés, la conscience de notre spécificité de lieu de synthèse entre des identités multiples ; développons ce génie de fidélité aux traditions religieuses compatible avec la plus grande ouverture au meilleur et au plus sain de la modernité.
Il faut entendre les figures libanaises chrétiennes retour du Caire pour se rendre compte de la chance inouïe que nous avons de vivre au carrefour de la tradition et de la modernité, de recueillir ce que tous deux ont de meilleur, en rejetant ce que tous deux ont de pire : le fanatisme, qu'il soit chrétien, musulman, « conservateur » ou « laïc ».
Les progrès de la pensée musulmane mise au défi de la modernité qu'al-Azhar a réalisés ne seront pas développés en Égypte ; ils ne seront développés nulle part ailleurs qu'au Liban, assurent ces figures de proue, fiers de la cohérence des Libanais de toutes les communautés qui s'est manifestée au Caire, où musulmans et chrétiens du Liban ont parlé comme une seule société, comme un seul lieu d'épanouissement de la liberté.
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commentaires (6)
Mais quelle insignifiance suffisante !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
22 h 27, le 07 mars 2017