6 février 2006- 6 février 2017. Onze ans se sont écoulés depuis la signature du document d'entente entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre (CPL). Nombre de Libanais se rappellent encore du fondateur du CPL, Michel Aoun, et du secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, se serrant la main en l'église Mar Mikhaël (Chiyah) après la signature de ce que les cadres des deux partis appellent « un document historique ».
Durant plus d'une décennie, et en vertu de cette « entente », les deux partis ont mené ensemble de grandes batailles politiques dans le cadre du 8 Mars, face à la coalition du 14 Mars. Mais cela n'occulte aucunement quelques divergences, notamment au sujet de la prorogation de la législature et de l'intervention du parti chiite dans la crise syrienne.
C'est en vertu de ce document, aussi, que le Hezbollah a farouchement soutenu la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République. Il n'a pas manqué de bloquer près de 45 séances parlementaires pour mener son allié à la tête de l'État.
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Si certains estiment que l'accord de Mar Mikhaël a fourni au Hezbollah une couverture chrétienne, dont il n'a plus besoin 11 ans après l'alliance avec le courant aouniste, d'autres vont jusqu'à dire que Michel Aoun n'a plus besoin de son allié fort, maintenant qu'il est président de la République. Or dans les milieux de l'opposition chiite, on ne perçoit pas les choses sous cet angle.
Interrogé à ce sujet par L'Orient-Le Jour, l'ancien ministre Ibrahim Chamseddine, fils de l'ancien vice-président du Conseil supérieur chiite, Mohammad Mehdi Chamseddine, opposé au projet du parti de Hassan Nasrallah, souligne que « l'alliance politique entre le CPL et le Hezbollah a prouvé que la relation entre les deux partis est solide en dépit de quelques divergences ».
L'ancien ministre d'État au Développement administratif souligne toutefois que l'élection de Michel Aoun à la première magistrature de l'État a modifié ce paysage. « L'une des deux parties est aujourd'hui à la tête de l'État. M. Aoun devrait agir comme le lui dicte sa nouvelle fonction », indique-t-il avant d'estimer que « la priorité qu'accorde M. Aoun à l'application de la Constitution fait de lui un homme d'État ».
Commentant la thèse selon laquelle le CPL est au pied du mur du fait de ses alliances entre deux rivaux politiques, en l'occurrence le Hezbollah et les Forces libanaises (FL), Ibrahim Chamseddine se veut optimiste. « L'une des manifestations de l'action de Michel Aoun en tant que chef de l'État est sa capacité à traiter avec ces deux rivaux politiques. Il s'agit là d'une épreuve à laquelle est soumis le président de la République », note l'ancien ministre, qui ajoute que « le Hezbollah a encore besoin de la couverture chrétienne que lui a fournie le fondateur du CPL, en dépit du fait que ce dernier est aujourd'hui président de la République ». « Le Hezbollah estime que désormais son rôle est plus grand que le Liban. Mais il a besoin d'une stabilité interne. Et le mandat Aoun pourrait bien être une opportunité de réaliser cet objectif », explique encore Ibrahim Chamseddine.
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« Contre-révolution »
Même son de cloche chez Moustapha Fahs, fils de l'uléma Hani Fahs, à son tour opposé de longue date au parti dirigé par Hassan Nasrallah. « À la suite de la marginalisation ressentie au lendemain de l'assassinat de Rafic Hariri, l'entente avec le CPL a assuré au Hezbollah un soutien chrétien dont il a encore besoin pour continuer à exercer son hégémonie sur la scène politique libanaise », déclare M. Fahs à L'OLJ avant de poursuivre : « Il s'agit d'une contre-révolution qui a permis au Hezb de vaincre tous ses adversaires politiques. »
Selon lui, « le parti chiite a exploité Michel Aoun dans sa bataille contre les sunnites. Il en fera usage encore pour faire face à Saad Hariri, Walid Joumblatt et d'autres protagonistes ».
Pour ce qui est de l'entente avec Meerab, à laquelle le Hezbollah s'est opposé, au moins implicitement, Moustapha Fahs a estimé que le parti chiite « a besoin des FL, dans la mesure où elles peuvent lui assurer une reconnaissance chrétienne ». Il va même plus loin : « Le Hezbollah et les FL n'auront pas besoin de Michel Aoun pour engager un dialogue bipartite. »
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« Le péché du CPL »
De son côté, le journaliste Malek Mroué estime que l'entente de Mar Mikhaël n'a pas uniquement fourni au Hezbollah une couverture chrétienne qui lui manquait, mais elle lui a permis d'exercer une mainmise sans égale. À L'OLJ, M. Mroué déclare : « À travers cet accord, le CPL a commis un péché envers le Liban et les chiites du pays. » Selon lui, « ce document a permis au Hezbollah d'exercer une mainmise sur la communauté chiite ». Il en veut pour preuve l'interdiction de diffuser les chansons de Fairouz dans les locaux de l'UL. « Cet incident a suscité l'étonnement des aounistes, alors qu'ils ne devraient pas l'être », dit-il.
À une question portant sur l'avenir de cet accord, après l'accession de Michel Aoun à la tête de l'État, Malek Mroué estime que cela dépend du président de la République lui-même. « Si M. Aoun entend édifier un État, il devrait entrer en confrontation directe avec le Hezbollah », souligne le journaliste avant de rappeler que le parti chiite a retardé la formation du cabinet Hariri. « Durant les négociations gouvernementales, le Hezb a prouvé son hégémonie en traçant les limites de l'action de chaque formation sur l'échiquier politique », souligne Malek Mroué, indiquant que « cela prouve qu'il est le plus fort sur la scène politique ».
Du côté du CPL, on préfère mette l'accent sur le caractère « rassembleur » de l'alliance. Dans un communiqué publié hier, Amal Abou Zeid, député aouniste de Jezzine, a estimé que cette entente « a jeté les bases d'une volonté libanaise forte et d'un accord sur l'édification d'un État qui susciterait la confiance de ses citoyens. « Les années ont prouvé que cette alliance n'est pas superficielle et qu'elle est ouverte », ajoute le texte avant de faire valoir que « cette entente a comblé le vide présidentiel par un chef d'État fort qui jouit d'un large soutien national ».
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commentaires (9)
Yâ äâdrâhhh, woû yâ Sétt Äâïchâhhh !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
20 h 52, le 07 février 2017