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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Trump, le monde, le vide, les monstres et les années 30...

Un manifestant pro-Trump dans les rues de New York. Bryan R. Smith/AFP

Montée en puissance des discours nationalistes et xénophobes, remise en question de l'ordre mondial, désignation de l'ennemi en fonction de ses convictions religieuses, course à l'armement et effritement des organisations internationales : les ressemblances entre notre époque et les années 1930 sont inquiétantes à bien des égards. La comparaison a pourtant ses limites. La montée des fascismes dans les années 1930 intervient après une série d'événements qui n'ont pas leurs équivalents aujourd'hui : la Première Guerre mondiale, la révolution de 1917, la mort des empires austro-hongrois, allemand et ottoman, le retrait des États-Unis et de l'Union soviétique de la Société des nations (ancêtre de l'ONU), et la crise de 1929, pour ne citer que ceux-là.

L'histoire n'est certainement pas en train de se répéter. Les crises ont beau se multiplier, elles n'ont pas pour autant la même ampleur – hormis peut-être au Moyen-Orient – et ne suffisent pas, pour l'instant, à alimenter les discours bellicistes entre grandes puissances. Le parallèle avec cette époque, antichambre de la Seconde Guerre mondiale, peut toutefois nous être instructif. Les totalitarismes ont prospéré sur les cendres du vieux monde tout en profitant de l'extrême fragilité du nouveau monde. Ils ont suscité l'adhésion des peuples en instrumentalisant leurs angoisses, leurs peurs, leurs haines, leur volonté de revanche et leur besoin de sens. Ils ont largement amplifié la crise de la modernité en cherchant à l'annihiler, si bien que les solutions finales ont eu des conséquences nettement plus graves que les problèmes initiaux.

L'entre-deux guerres était un moment charnière de l'histoire, propice à la fabrication et à la propagation de nouvelles idéologies. C'est en ce sens qu'elle est analogue à ce que nous vivons aujourd'hui. L'époque est à nouveau marquée par une profonde crise de sens et, par conséquent, de fonctionnement, comme si les institutions politiques ne parvenaient plus à combler les attentes et à atténuer les colères des peuples.

L'élection de Donald Trump, événement le plus symptomatique de ce mal profond, est la conséquence de ces crises et non leurs causes. Son arrivée au pouvoir est le dernier clou planté dans le cercueil de l'ordre mondial établi depuis la fin de la guerre froide et fondé sur le libéralisme, la mondialisation, la démocratisation, la promotion du droit international et le foisonnement des identités multiples. L'Amérique avait donné naissance à cet ordre et signe désormais son arrêt de mort. Mais sans pour autant qu'elle, ou une autre grande puissance, soit capable de créer des fondations nouvelles. C'est ce vide, propice à l'apparition des monstres, pour reprendre une formule gramscienne, qui relie notre époque aux années 1930. À ce vide répond pour l'instant uniquement la montée en puissance d'un autoritarisme identitaire, qui se propage de Donald Trump à Vladimir Poutine, de Xi Jinping à Narendra Modi, de Recep Tayyip Erdogan à Abdel Fattah el-Sissi, du roi Salmane à l'ayatollah Khamenei...

Ces dirigeants ont tous profité, bien qu'à des degrés divers, des crises nationales, régionales ou internationales pour prendre le pouvoir. Ils n'ont donc aucun intérêt à essayer de les résorber. Et c'est là que le bât blesse : au lieu de coopérer pour essayer de contrôler les excès de la mondialisation – notamment en matière économique, environnementale, migratoire, technologique – la « nouvelle internationale autoritaire », pour reprendre une formule du politologue Karim Émile Bitar, prône le repli sur soi et accentue par conséquent les effets de la crise. Elle dénigre tout ce qui faisait la noblesse de l'ordre ancien – l'État de droit, les libertés individuelles, la promotion des discours pacifistes – pour n'en retenir que ce qu'il avait de plus détestable : le règne du plus fort, le culte de l'argent, la haine de l'autre, la destruction aveugle de l'environnement...

Le danger est double. Il vient non seulement des tensions susceptibles de naître, à l'intérieur des pays et entre les pays, en réponse aux décisions politiques prises par ces dirigeants autoritaires. Mais aussi du refus de ces dirigeants d'admettre l'impérieuse nécessité de coopérer étroitement pour faire face aux enjeux existentiels de notre époque.

 

 

 

 

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commentaires (3)

Votre analyse est très pertinente et je la relaie sur les réseaux sociaux. En tant qu'européen je considère que la montée des autoritarismes identitaires un peu partout dans le monde rend plus que jamais nécessaire que l'Europe s'affirme sur la scène internationale pour y combattre toutes les tendances au repli sur soi et y défendre et promouvoir les valeurs de la démocratie et de l'Etat de droit.

Cools Marc

18 h 59, le 11 février 2017

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Commentaires (3)

  • Votre analyse est très pertinente et je la relaie sur les réseaux sociaux. En tant qu'européen je considère que la montée des autoritarismes identitaires un peu partout dans le monde rend plus que jamais nécessaire que l'Europe s'affirme sur la scène internationale pour y combattre toutes les tendances au repli sur soi et y défendre et promouvoir les valeurs de la démocratie et de l'Etat de droit.

    Cools Marc

    18 h 59, le 11 février 2017

  • On sonne les trumpettes ( trump pète ) une guerre qui se dessine à l'horizon. Les temps ont changé, une confrontation directe entre les puissances de ce monde serait rédhibitoire. Il faudra que les puissances du passé qui ont accaparé le monde fassent preuve d'un peu plus d'esprit de partage.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 02, le 06 février 2017

  • L,HISTOIRE N,EST PAS ENTRAIN DE SE REPETER... POURTANT TOUT Y INDIQUE... SEULE, LA REGION DES CONFLITS SE DEPLACE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 45, le 06 février 2017

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