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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Trump cherche à pousser Téhéran à la faute

Plusieurs hauts responsables nommés par le nouveau président américain sont d'anciens militaires très critiques de la République islamique.

Le président iranien Hassan Rohani (au centre) s’exprimant lors d’une cérémonie officielle. Photo Reuters

Le léger réchauffement entre les ennemis de longue date, iraniens et américains, enclenché sous la présidence de Barack Obama arrive à son terme. C'est en tout cas ce qui ressort des déclarations du président américain Donald Trump et des personnalités qui l'entourent. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche a signé vendredi un décret prévoyant le blocage temporaire de toute immigration en provenance de l'Iran et de six autres pays de la région. Téhéran n'a pas tardé à réagir en décidant d'appliquer la réciprocité. Mais la montée des tensions ne devrait pas en rester là. Les déclarations agressives et incendiaires se poursuivent entre les deux pays depuis quelques jours.

Plusieurs nouveaux hauts responsables américains tiennent depuis longtemps des positions hostiles à la République islamique, tels le secrétaire à la défense, James Mattis, le directeur de la CIA, Mike Pompeo, ou encore le conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn. Tandis que le premier voyait en l'Iran « la plus grande force de déstabilisation au Moyen-Orient » le 12 janvier dernier, le deuxième la qualifiait de « plus grand État soutien du terrorisme au monde », deux mois plus tôt. Le troisième l'incluait dans une « alliance mondiale visant les États-Unis », avec la Corée du Nord, la Chine et la Russie, le 10 juin 2015.
Rex Tillerson, nouveau secrétaire d'État, est le seul parmi les nouveaux responsables à ne pas afficher une hostilité ouverte envers le régime de Téhéran. L'ancien PDG de la société minière et gazière ExxonMobil regrettait même en mars dernier les retombées négatives sur son entreprise de la politique américaine de sanctions vis-à-vis de l'Iran.

Globalement, l'équipe entourant le nouveau président illustre le ton violemment anti-iranien adopté par M. Trump durant sa campagne électorale. Dimanche 22 janvier encore, le président américain s'est entretenu avec le Premier ministre israélien Benjamin Nethanyahu des « menaces que constitue l'Iran », selon un communiqué de la Maison-Blanche. Évoquant à nouveau les « activités déstabilisantes de l'Iran », cette fois-ci avec le roi Salmane d'Arabie saoudite, Donald Trump s'est néanmoins engagé à veiller à une « application rigoureuse » de l'accord sur le nucléaire entrée en vigueur il y a un an. L'annulation de l'accord conclu en 2015 par l'Iran et les 5+1 (États-Unis, Chine, France, Royaume-Uni, Russie, Allemagne) était pourtant l'une des grandes promesses de campagne de M. Trump. L'accord a permis l'allègement des sanctions envers l'Iran, en échange de l'engagement de la République islamique de geler son programme nucléaire.

L'avenir de celui-ci n'est pas assuré à 100 %. « Le rêve de M. Trump, c'est de pousser l'Iran à la faute. Il ne peut pas lui-même sortir de l'accord, auquel cas il serait en difficulté avec les autres signataires. Il veut mettre l'Iran dans une position telle que la République islamique sortirait de l'accord », explique François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran. Si l'accord conclu en 2015 empêche les États-Unis d'imposer des sanctions à l'Iran en lien avec son programme nucléaire, il ne ferme pas la porte à d'autres mesures. M. Trump « pourra choisir de sanctionner l'Iran dans d'autres domaines avec l'accord du Congrès. La question balistique est notamment à portée de main », explique M. Nicoullaud.
Téhéran a décidé de ne pas attendre pour tester la nouvelle administration américaine. L'Iran a procédé le 29 janvier à un tir expérimental d'un missile balistique, comme pour prouver sa détermination à ne pas baisser les yeux. « C'est absolument inacceptable », a réagi la nouvelle ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, ajoutant : « Nous sommes déterminés à leur faire comprendre que ce ne sera jamais quelque chose que nous accepterons. »

 

 

(Lire aussi : Elle en Iran, lui aux Etats-Unis, leur fête de mariage suspendue par le décret Trump)

 

 

L'enjeu de l'influence régionale
Pour mettre en œuvre une politique en accord avec leur rhétorique, M. Trump et son équipe pourraient tenter d'isoler l'Iran sur la scène internationale. Mais ce projet est d'autant plus compliqué que l'influence iranienne s'est renforcée dans la région grâce aux milices pro-Téhéran présentes dans les différents conflits, tant en Syrie qu'en Irak ou au Yémen. « Il y aura une tentative de rompre les liens entre l'Iran et les houthis au Yémen, d'accroître la pression sur les gardiens de la révolution et le Hezbollah en Irak et Syrie », résume Perry Cammack, chercheur à la Fondation Carnegie pour la paix internationale et ancien collaborateur du secrétaire d'État John Kerry. En Syrie, le milliardaire américain a fait part à plusieurs reprises de sa volonté de se rapprocher de la Russie, particulièrement dans la lutte contre l'État islamique, et d'y marginaliser l'Iran. « Il est toutefois très difficile de voir comment cet équilibre va se mettre en place », estime M. Cammack.

Les alliés traditionnels des États-Unis dans la région, Israël et les pays du Golfe, qui se sentaient négligés par M. Obama, ont accueilli favorablement l'arrivée du 45e président des États-Unis aux responsabilités. « Je pense qu'il sera très dur face à l'Iran, il sera décisif », déclarait à Reuters un homme d'affaire du Golfe la semaine dernière. « M. Trump pourrait adopter des attitudes de confrontation dans le Golfe entre la marine américaine et la marine iranienne. Ce serait facile d'exagérer un petit incident », souligne M. Nicoullaud.

Les relations américano-iraniennes sont tendues depuis plusieurs décennies, entraînant parfois des craintes d'un affrontement direct. Si une telle escalade semblait exclue depuis l'accord sur le nucléaire, de nombreux responsables et anciens responsables américains n'hésitent pas à soutenir publiquement une politique de déstabilisation du régime des mollahs. « Aucun président américain n'a appelé à un changement de régime à Téhéran, aucune administration américaine n'a soutenu les millions de dissidents iraniens », regrettait M. Flynn dans son livre Le champ de bataille, paru l'an dernier. Et le 9 janvier, d'anciens responsables américains, dont l'ancien maire de New York Rudy Giuliani, et l'ancien directeur du FBI, Louis Freeh, ont appelé M. Trump à ouvrir le dialogue avec l'opposition iranienne en exil.

 

 

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