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Lifestyle - Radioscopie

Ziad Nawfal, toutes les musiques qu’il aime

Émissions à Radio-Liban, sets de DJ, label de musique indépendant... De la vie de Ziad Nawfal, la musique est le noyau. Et ce depuis toujours.

Ziad Nawfal. Photo Karen Kalou

Quand il est question de musique, tout est possible pour Ziad Nawfal. Tout, y compris jongler avec ses émissions à Radio-Liban, aligner ses sets de DJ ou cofonder un label de musique indépendant. Et surtout trouver le temps de défricher et archiver, telle une encyclopédie sur pattes, toute les musiques qu'il aime.

Il n'y a rien ici de très coutumier pour un animateur radio. Pas de parenté avec ces faiseurs d'ambiance qui meublent les espaces FM de leurs loquacités à tous crins. Rien de comparable avec ces danseurs de cordes radiophoniques au débit mitraillette, tendus entre small talk et ping-pong verbal. Ziad Nawfal est sûr de lui et de ses goûts, enjoué et décidé. Pourtant, lors de ses émissions à Radio-Liban, celui qui affiche 25 ans de carrière au compteur laisse sa musique s'exprimer pour lui, quitte à devoir restreindre ses interventions parlées à de simples explications, sortes de fiches techniques liées aux titres qu'il choisit soigneusement. C'est un choix qui renforce un positionnement, une préférence qui s'accorde avec une nature en retrait et fonde l'identité de (son émission) Ruptures. Il le revendique ainsi : « J'ai du respect pour mes confrères qui sont capables de parler de pluie et de beau temps et qui deviennent en quelque sorte les personnages principaux de leurs émissions. Les miennes sont entièrement centrées sur les morceaux joués et des explications autour. »

 

 

Un historique de musique
Quelques minutes en compagnie de Ziad Nawfal suffisent à nous faire comprendre la place que la musique occupe dans sa vie, et c'est ainsi depuis toujours. Dire qu'elle en est le noyau et le nombril tiendrait d'un euphémisme. C'est donc sans difficulté aucune que les yeux cerclés de lunettes irradient pour défaire la bobine des souvenirs : « Je me rappelle parfaitement de mon premier contact avec la musique. Pendant la guerre civile, je rendais visite à des cousins qui écoutaient du Dépêche Mode sur une vieille radiocassette que j'avais trouvée très sexy. Je ne saurais l'expliquer, mais ça m'avait renversé. » Et de poursuivre : « Le morceau était Leave in Silence, extrait de l'album A Broken Frame, c'est-à-dire que nous étions en 1983. »

Un peu encyclopédie sur pieds, un peu flippant aussi, beaucoup flaireur des tendances musicales alternatives, l'homme a inlassablement cultivé cette façon surprenante de humer et de surfer l'air du temps avec cette troublante aptitude à archiver toute cette musique dans les tiroirs de sa matière grise. Et comme beaucoup de bébés-nageurs en ondes FM, Nawfal a toujours eu des appétences technologiques. De fait, il se souvient avec mélancolie de ses années d'étudiant où, dit-il, « j'enregistrais frénétiquement mes propres émissions en puisant dans les chaînes de l'époque dont Radio Pax, Radio One. Et surtout le hit parade de Jyad Murr sur Radio Mont-Liban, qui a contribué à mon épanouissement musical. J'ai même acheté un petit émetteur qui diffusait sur un périmètre de 100 mètres ».

 

(Lire aussi : Le punk n’est pas mort et Khodor Ellaik ne dort jamais)

 

 

De fil en aiguille
Parallèlement à sa licence d'histoire, en boulimique insatiable des fourmillements souterrains que la musique offrait au début des années 90, il travaille à mi-temps chez Caramel Market, une musicothèque cofondée par Wafa Khochen. « En remarquant ma passion pour la chose, Wafa qui avait son émission sur Radio-Liban m'a invité à la rejoindre pour une heure de live. Je me souviens avoir joué du Nike Cave & The Bad Seeds, raconte le mélomane. » Il poursuit : « Wafa m'a ensuite présenté au directeur de la radio qui m'a de suite proposé de présenter la matinale. » Jugé trop « alternatif » pour ce créneau horaire « généralement dédié à la météo, l'horoscope et au calme », Ziad Nawfal passe à une nocturne trois fois la semaine et anime une émission de deux heures, les dimanches matin. Parfois, l'animateur y invite un groupe pour une entrevue ou un live. « Tous les groupes locaux et ceux de passage s'y sont produits, avec l'aide de mon partenaire et ingénieur du son Fadi Tabbal qui est capable d'installer un concert au milieu de nulle part. Ces interventions ont ensuite fait l'objet d'une compilation intitulée Ruptured Sessions. »

Sinon, la solitude face à un micro ne l'intimide pas, au contraire. En rêveur invétéré, il donne libre cours à son répertoire éclectique et alternatif qu'il fait découvrir aux auditeurs, blotti dans un studio sombre où la musique lui cloue les ailes. Entre deux chansons, d'une voix douce, grise et enfantine, il livre quelques informations sur l'artiste, l'album, le contexte ou l'époque, et puis c'est tout. Souvent, il se tait, ce qui installe un vide ni sidéral ni sidérant. Ça s'appelle Ruptures et cela crée un temps suspendu où se promènent les spectres de ses idoles dont il passe les titres « avec beaucoup de liberté, vu que Radio-Liban est une institution gouvernementale », explique l'animateur.

 

De Ruptures à Ruptured
Dans la vie hors ondes, au risque de se répéter, la musique est une constante pour Nawfal. Il a démarré sa carrière de DJ au Babylone, « un lieu fabuleux qui a marqué la nightlife libanaise comme peu d'autres l'ont fait. On y privilégiait la danse et la musique alternative ». Produit des concerts et promené son équipement, CD et K7 recyclés, dans les boîtes et bars de la capitale, proposant des sets caméléons qui évoluent selon l'ambiance du lieu et des gens car, « ce pan de mon métier me plaît pour le contact avec le monde, le fait de devoir flairer leur humeur et interagir avec », explique celui qui se considère comme un passeur de musique. D'ailleurs, dans cet élan de communiquer, Ziad Nawfal a toujours eu un penchant pour les artistes en devenir, ceux sur qui les projecteurs ne se sont pas encore braqués. Il dit : « Je me souviens du premier concert de Zeid et Yasmine Hamdan que j'avais organisé avec Mohammad Khochen au Babylone. C'était bancal certes, mais ce concert a annoncé le début de quelque chose. » Chose qui l'a sans doute poussé à cofonder avec Fadi Tabbal Ruptured, un label musical qui confirme que Ziad Nawfal est aussi et surtout un de ces laboureurs discrets et forcenés qui ont fait de la scène musicale locale ce qu'elle est aujourd'hui.

 

Pour mémoire

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Quand il est question de musique, tout est possible pour Ziad Nawfal. Tout, y compris jongler avec ses émissions à Radio-Liban, aligner ses sets de DJ ou cofonder un label de musique indépendant. Et surtout trouver le temps de défricher et archiver, telle une encyclopédie sur pattes, toute les musiques qu'il aime.
Il n'y a rien ici de très coutumier pour un animateur radio. Pas de parenté...

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