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Liban - La vie, mode d’emploi

52 - Le salut par la promotion (suite)

Laissons la promotion des produits de l'esprit aller de summum en optimum et poursuivre ainsi son inflation langagière et sa déflation en crédibilité, comme ces cadeaux où l'emballage a pris progressivement une telle importance qu'il est devenu presque tout le présent : papiers superposés kraft, crépon, de soie, métallisé, transparent, de différentes couleurs, noués avec du raphia à demi recouvert d'un ruban en satin, agrémenté de fines branches fleuries, accompagné d'une petite carte de vœux dentelée avec clochettes tintant sur les bords et papillons s'apprêtant à voler, etc. Nous l'abandonnons, car nous avons compris que faire son histoire ne suffit pas à dénoncer la victoire de la « marchandisation » de l'art et du savoir. Nous avons donc opté pour une autre stratégie, davantage dans nos cordes, et avons composé une petite épigramme s'infléchissant assez vite dans le sens d'évocations d'irrépressible nostalgie et se concluant par une leçon de haute philosophie.
C'est la queue de paon à déployer sur son visage, à replier devant les créanciers, à faire chatoyer sous les yeux des malvoyants et des mal-pensants, à faire saliver toute la basse-cour et rager toute la haute. Même le soleil pourrait en prendre ombrage — ce qui, entre nous, lui serait aussi bienfaisant que si on l'avait mis à la diète tant il paraît gonflé d'orgueil et rayonne de gloire.
C'est monsieur Jourdain devenant le marquis de Carabas sans chat amusé et amusant, mais avec le sérieux du bourgeois faisant étalage de ses titres et qualités, et valetaille et bataillon de maîtres en formation : pour l'escrime, la musique, la danse, le beau langage et le raffinement.
C'est le « éprouvez-moi et vous verrez de quel or je suis fait » !
C'est « l'auto », comme un plat, avec différents accompagnements et même sauce : autoflatterie, autolâtrie et autoflagornerie, autosatisfaction, autoproclamation et autosuggestion, autosuffisance, autoreconnaissance et autocomplaisance, automobile grand luxe sur autoroute américaine, etc.
Autrefois, la distinction avait un tableau et l'on pouvait passer à côté sans le regarder. Aujourd'hui, il vous « flashe » toutes les minutes dans les yeux pour s'assurer qu'il vous a bien ébloui.
Autrefois, on proclamait la sélection des meilleurs à la suite d'un concours et une fois l'an. Aujourd'hui, pour devancer toute concurrence, on affiche sa supériorité tout au long de l'année jusqu'à exténuation des spectateurs et des auditeurs.
Autrefois, on s'excusait d'être le meilleur pour ne pas blesser le moins bon ; on le saluait amicalement sans trop appuyer sur l'amitié pour qu'elle ne devienne pas inimitié ; on faisait oublier très vite ses exploits et trophées, et on écorchait volontairement les mots pour ne pas incommoder ses interlocuteurs par un excès de brio et de brillance.
Autrefois, on avait l'élégance de son être et une attention discrète pour tout être. Aujourd'hui, règne le mal-être sous le déguisement du trop d'être.

Nicole HATEM

Laissons la promotion des produits de l'esprit aller de summum en optimum et poursuivre ainsi son inflation langagière et sa déflation en crédibilité, comme ces cadeaux où l'emballage a pris progressivement une telle importance qu'il est devenu presque tout le présent : papiers superposés kraft, crépon, de soie, métallisé, transparent, de différentes couleurs, noués avec du raphia à...
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