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2 + 2 = 5

En décembre dernier, rappelait Le Monde il y a quelques jours, Bérengère Viennot, traductrice, expliquait au site Slate à quel point traduire Donald Trump était un exercice compliqué. Pas pour des raisons de vocabulaire ni de profondeur intellectuelle. Compliqué en raison du style même du président.
« En cassant les codes du discours, en utilisant un vocabulaire limité et une syntaxe hachée et décousue, cet homme politique force le traducteur à réviser, à réduire et à appauvrir son champ sémantique de travail », expliquait Mme Viennot qui, pour illustrer son propos, revenait sur la traduction d'une phrase : « I mentioned them at the Republican National Convention ! And everybody said : "That was so great." » Une phrase traduite par : « J'en ai parlé lors de la Convention nationale des républicains ! Et tout le monde a dit : "C'était trop bien". » Eut-elle rédigé elle-même cette phrase, que la traductrice aurait écrit : « Et mon discours a fait l'unanimité. » Mais traduire « That was so great » ainsi aurait donné « une idée fausse de l'intention et du mode d'expression du locuteur », explique-t-elle.
Ne pas dénaturer le style de Trump pour ne pas tromper le lecteur, donc. Et ce, alors même que M. Trump a fait de la tromperie un mode d'expression, voire une stratégie politique. Durant la campagne présidentielle, mais aussi depuis son investiture. Ce premier week-end présidentiel en fut la triste illustration.
Que la presse note, photos à l'appui, que la mobilisation populaire avait été plus forte pour l'investiture de Barack Obama en 2009 que pour lui vendredi dernier a rendu fou Donald Trump et son équipe de campagne qui se sont lancés à corps perdu dans une polémique stérile. Si les autorités américaines n'ont pas pour habitude de donner de chiffres, les photos de l'événement ne laissaient aucun doute quant à la différence d'affluence sur le National Mall.
La première salve contre les médias, cible privilégiée du nouveau président, a été tirée par Donald Trump lui-même, suivi de près par son porte-parole Sean Spicer, qui a accusé les médias rapportant une plus grande affluence en 2009 de couverture « honteuse ». Quelques heures plus tard, Kellyanne Conway, conseillère du président, interrogée par NBC sur les « mensonges » de M. Spicer au sujet de la mobilisation, répondait que ce dernier avait présenté des « alternative facts » ou « faits alternatifs ». Un concept qui a plongé le monde des médias dans un abîme de perplexité.
Si l'on conçoit qu'un fait puisse donner lieu à des explications ou interprétations alternatives, l'on se demande ce que pourrait être un « fait alternatif », sinon un mensonge...
Le dictionnaire d'Oxford ne s'était pas trompé en faisant du mot « post-vérité » ou « post-truth » celui de l'année 2016.
Ce week-end, l'administration Trump a montré, une fois encore, qu'elle comptait mener les affaires en s'essuyant les pieds sur les faits quand ils ne vont pas dans le sens d'un « storytelling » – autre terme à la mode – lui convenant.
Les précédentes administrations ont elles aussi, à l'occasion, contourné ou détourné les faits. Mais quand une administration revendique et institutionnalise la chose, une nouvelle étape, inquiétante, est franchie.
Si « 2 + 2 = 5 » M. Trump, pourquoi pas un ministère de la Vérité ?

En décembre dernier, rappelait Le Monde il y a quelques jours, Bérengère Viennot, traductrice, expliquait au site Slate à quel point traduire Donald Trump était un exercice compliqué. Pas pour des raisons de vocabulaire ni de profondeur intellectuelle. Compliqué en raison du style même du président.« En cassant les codes du discours, en utilisant un vocabulaire limité et une syntaxe...
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