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Lifestyle - Rencontre

Les femmes contre-attaquent

De passage à Beyrouth pour un atelier et une interview radio, Lina Khalifé présente son projet, « SheFighter ». Rencontre avec une jeune entrepreneuse, bien décidée à changer certaines choses...

Lina Khalifé, une vraie battante.

Un projet et une idée qui ont malheureusement besoin d'exister et qui, heureusement, existent. Car le constat est évident, aujourd'hui encore, alors que nous nous gargarisons d'évoluer dans des sociétés modernes: les femmes ont encore besoin de se protéger. De se protéger des hommes surtout. Harcèlement moral, agressions physiques et inversement, la liste est longue. C'est là qu'intervient Lina Khalifé et son projet SheFighter. Partant du constat que l'une de ses amies subissant une forme de harcèlement et ne sachant pas se défendre, la jeune femme, avec son bagage de combattante, formée aux taekwondo, kick-boxing, kung-fu et à la boxe, décide de lui apprendre les bases de l'autodéfense. Pas pour en faire une personne agressive et violente, mais pour la rendre capable de se défendre, plus forte à la fois physiquement et psychologiquement.

Des défis plus que des problèmes
«J'ai commencé en 2008 dans la cave de mes parents à Amman, puis au studio SheFighter, que j'ai officiellement lancé en 2012.» On imagine facilement les problèmes rencontrés par un projet porté par une femme et visant à rendre les femmes plus fortes et moins dépendantes des hommes, dans des sociétés très largement phallocrates. Pourtant, elle affirme sereinement: «Ma plus grosse erreur aura été de ne pas savoir comment enregistrer légalement l'entreprise. Je pensais à l'idée mais pas à l'aspect administratif et technique, et soudain la réalité vous frappe de plein fouet. C'était un véritable challenge.» Car SheFighter ne rentrait dans aucune case légale prévue et il est souvent compliqué d'expliquer aux gens le concept d'innovation.

Elle reconnaît néanmoins: «La pression de la société était là. On ne cessait de me répéter que ça ne marchera pas, que les femmes n'ont pas besoin de ça, que leur mari était là pour les protéger. J'ai même reçu quelques menaces, mais elles n'étaient pas vraiment sérieuses. À présent, l'idée est de mieux en mieux acceptée. Certains pères se sentent plus rassurés d'envoyer leurs filles dans mon club car ils savent qu'elles n'y subiront pas de harcèlement, ni de la part du coach ni de leurs camarades. Car nous sommes une équipe féminine. Pareil pour les mères qui viennent avec leurs filles. C'est un environnement familial rassurant... mais pour les femmes seulement.» Une seule catégorie est mixte dans le studio, celle des enfants de 4 à 11 ans. «J'ai travaillé pendant quatre ans sur les manuels et sur un système de niveaux pour que les filles puissent progresser sur plusieurs années et ne pas venir seulement pour un ou deux cours.»

Pas de frontières
Petite par la taille, grande par les idées et la motivation, Lina Khalifé voit les choses et l'avenir avec enthousiasme. Quand on lui demande quel est son plan pour le futur, elle répond tranquillement et avec un large sourire: «Mon projet est d'ouvrir une centaine de studios et d'entraîner dix millions de femmes en dix ans. C'est un plan assez serré, je sais, mais faisable.»

SheFighter à Amman reçoit pour le moment entre 100 et 150 personnes durant l'année. Pour atteindre ses objectifs numériques et ouvrir d'autres studios, la coach compte franchiser son concept, avec pour le moment des contacts au Koweït et à Abou Dhabi. Elle a également le souhait d'entraîner des femmes issues de tous les horizons géographiques et sociaux. En dehors du studio, elle se déplace régulièrement pour donner des ateliers aux quatre coins du monde (400 participantes au Vietnam!), souvent financés par des ONG. «Lorsque je pose des questions à des femmes, qu'elles soient du Liban, du Vietnam, de Jordanie ou d'ailleurs, les réponses et les problèmes sont les mêmes. Nous avons aussi entraîné des femmes dans des camps de réfugiés syriens, à Istanbul et en Jordanie. L'année dernière, nous avons également animé un atelier pour des femmes souffrant de handicaps moteurs et psychiques.»

Un succès fulgurant
Un jeune projet mené par une jeune femme généreuse et ouverte sur le monde, mais qui n'aura pas trop attendu pour faire parler de lui. Le président américain Obama himself a eu un mot pour le programme lors de l'Emerging Global Entrepreneurship organisé par la Maison-Blanche, et Lina Khalifé a même entraîné personnellement l'actrice Emma Watson. On ne peut faire beaucoup mieux en terme de communication et en si peu de temps! Mais c'est aussi parce que la demande est conséquente. L'une des bonnes surprises demeure qu'«un grand nombre de contacts se font de la part d'hommes qui demandent à ce que des femmes soient entraînées». Une preuve rassurante que la sensibilisation à la cause féminine atteint tout de même la gent masculine, même si la route est encore longue!

 

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Un projet et une idée qui ont malheureusement besoin d'exister et qui, heureusement, existent. Car le constat est évident, aujourd'hui encore, alors que nous nous gargarisons d'évoluer dans des sociétés modernes: les femmes ont encore besoin de se protéger. De se protéger des hommes surtout. Harcèlement moral, agressions physiques et inversement, la liste est longue. C'est là...

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