Rechercher
Rechercher

Liban

Trois questions à Farès Souhaid et Serge Ter Sarkissian

La visite cette semaine du président de la République, Michel Aoun, en Arabie saoudite survient après un froid diplomatique entre Beyrouth et Riyad qui aura duré presque une année. Début 2016, Riyad affichait son mécontentement après que le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, ne se fut pas montré solidaire, à l'instar des autres chefs de la diplomatie des pays de la Ligue arabe, de l'Arabie saoudite, dont l'ambassade avait été attaquée en Iran. Résultat, un don saoudien de trois milliards de dollars à l'armée libanaise est gelé, la représentation diplomatique saoudienne est réduite et les ressortissants des pays du Golfe sont interdits de se rendre au pays du Cèdre. Quels changements la visite de M. Aoun à Riyad augure-t-elle pour le Liban ? Le dégel des relations libano-saoudiennes permettra-t-il une normalisation des relations entre les deux pays ? « L'Orient-Le Jour » a interrogé à ce sujet Farès Souhaid, secrétaire général du 14 Mars, et Serge Ter Sarkissian, député (courant du Futur) de Beyrouth.

Farès Souhaid.

Souhaid : Dégel des relations avec l'Arabie, mais pas de normalisation

Les relations entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre risquent-elles d'être altérées par la visite de Michel Aoun en Arabie saoudite ?
Les relations entre le Hezbollah et le CPL ne seront aucunement altérées par cette visite. Dans les résultats à court terme, cette visite introduit un dégel des relations avec les pays du Golfe, mais pas un début de normalisation, celle-ci étant tributaire de la politique de Michel Aoun. La permissivité du Hezbollah par rapport à cette visite s'explique par le fait qu'elle constitue un ticket pour accéder aux visites officielles du président Aoun à Téhéran et Damas. Le déplacement de Michel Aoun en Arabie saoudite en compagnie notamment de Gebran Bassil, qui a été une des causes de la tension diplomatique entre les deux pays, était très important.

Le don saoudien à l'armée libanaise pourrait-il être débloqué bientôt ?
Les trois milliards de dollars sont bloqués pour une raison politique qui existe toujours. Sans remise en question des relations politiques de Michel Aoun avec l'Iran et le Hezbollah, ce déblocage sera difficile à mettre en place. Certes, tout le monde a intérêt à fortifier le Liban, mais l'État est devenu satellitaire de l'influence du Hezbollah. Il est aujourd'hui un paravent pour défendre les intérêts du Hezb. Le problème de l'armée est qu'elle fait partie des institutions qui sont devenues satellitaires du parti chiite. Le président est pris en étau entre, d'un côté, le Hezbollah et, de l'autre, l'intérêt des Libanais.
Qu'est-ce qui a poussé l'Arabie saoudite à inviter le président Aoun à se rendre à Riyad, alors qu'elle n'était pas en faveur de son élection au départ ?
L'Iran fait beaucoup d'efforts ces dernières années pour se montrer comme un protecteur des minorités dans la région ; les houthis au Yémen, les alaouites en Syrie et les chrétiens au Liban. L'Iran tente de se présenter comme la face positive des musulmans face à l'Arabie saoudite.
L'Arabie saoudite a l'intention de changer cette image en essayant de parrainer l'élection d'un président chrétien au Liban. Ce qui explique la visite de Khaled el-Fayçal, émir de La Mecque, venu féliciter Aoun pour son élection, alors que Saad Hariri, habituellement proche de Riyad, n'a reçu qu'un appel téléphonique du prince héritier en second, Mohammad ben Salmane, lorsqu'il a été nommé Premier ministre. Il y a là une volonté de dire que l'Arabie soutient l'élection d'un président chrétien dans la région.

Ter Sarkissian : Aoun à Riyad, une « percée »

Quelles conclusions peut-on tirer de la visite de Michel Aoun en Arabie saoudite ?
Cette visite a permis un dégel des relations entre Beyrouth et Riyad, mais les résultats de ce dégel vont prendre un peu de temps avant de se mettre en place. Je pense que cette visite constitue une percée, après ces trois dernières années qui ont été terribles pour le pays. Les vacances de neige arrivent bientôt aux Émirats. Ce sera une sorte de test qui nous permettra de voir si les touristes arabes vont revenir et s'ils vont se sentir en sécurité ici. La confiance des autres pays est importante pour que les touristes reviennent au Liban.

Pourrait-on assister bientôt à un dégel du don saoudien à l'armée ?
Le dégel du don à l'armée libanaise va être plus difficile à raviver que le tourisme. Il va falloir d'abord attendre pour voir s'il va y avoir un nouveau commandant en chef de l'armée. Ce déblocage ne sera pas rapide, mais, maintenant que M. Aoun a balisé le chemin, c'est le Premier ministre, Saad Hariri, qui va prendre le relais dans ce dossier.
La visite de Michel Aoun à Riyad aura-t-elle une incidence sur les relations du CPL avec le Hezbollah ?
Il n'y aura pas de changement dans les rapports entre le CPL et le Hezbollah. Michel Aoun est fils de cet État et président de la République libanaise. Il sait que le Hezbollah fait partie du Liban et que ce parti est au final formé de Libanais. On ne peut pas continuer à vivre selon le principe de la confrontation permanente. La confrontation ne peut aboutir et il faut avancer. Nous avons besoin d'une prise de distance et d'une ouverture envers, à la fois, l'Arabie saoudite et l'Iran. Même les responsables politiques qui sont contre le Hezb veulent que le Liban soit sauvé. Nous ne voulons pas entrer à nouveau dans le tunnel, nous voulons commencer à régler tous les dossiers en suspens, mais sans nous départir de nos principes. Avant, le travail des institutions était bloqué, car il n'y avait pas de président de la République. Maintenant que M. Aoun a été élu, nous voulons que le pays puisse fonctionner à nouveau.

Souhaid : Dégel des relations avec l'Arabie, mais pas de normalisationLes relations entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre risquent-elles d'être altérées par la visite de Michel Aoun en Arabie saoudite ?Les relations entre le Hezbollah et le CPL ne seront aucunement altérées par cette visite. Dans les résultats à court terme, cette visite introduit un dégel des relations...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut