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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Avec la trêve, Ankara veut protéger ses intérêts et éclipser Washington

Le président turc s'est rapproché de la Russie et semble mettre de côté l'objectif de renverser Bachar el-Assad.

Les négociations entre Erdogan et Poutine ont permis d’obtenir un cessez-le-feu en Syrie. Ozan Kose/AFP

Avec l'accord de cessez-le-feu en Syrie négocié avec la Russie, la Turquie poursuit deux objectifs : protéger ses intérêts dans cet ancien territoire de l'Empire ottoman et mettre sur la touche les États-Unis, avec qui les relations sont tendues. Au moment où le régime de Bachar el-Assad savoure la reprise totale d'Alep, un rude coup porté à l'opposition soutenue par la Turquie, Ankara a accru sa coopération avec Moscou, protecteur de Damas, pour conserver une marge de manœuvre dans le nord de la Syrie.

L'accord ne limite ainsi en rien l'offensive qu'y mène la Turquie contre le groupe État islamique, mais aussi contre les milices kurdes dont la volonté de joindre les différentes zones qu'elles contrôlent à la frontière turque est une « ligne rouge » pour Ankara. Engluée dans des combats meurtriers, la Turquie semble désormais plus soucieuse d'assurer la continuité de ses opérations que de soutenir les efforts pour renverser Bachar el-Assad, autrefois régulièrement qualifié par le président turc Recep Tayyip Erdogan de « tyran aux mains pleines de sang ».

La bataille d'Alep semble avoir constitué un tournant : alors que les forces du régime syrien, appuyées par Moscou, avançaient dans la deuxième ville de Syrie, totalement reprise plus tôt en décembre, la Turquie est restée silencieuse. « La politique de la Turquie vis-à-vis d'Assad a clairement échoué », a dit Mujtaba Rahman, du cabinet Eurasia Groupe. « Mais M. Erdogan se bat encore pour tenir les Kurdes en respect et considère que coopérer avec M. Poutine est la meilleure façon d'y parvenir », a-t-il résumé.

 

(Lire aussi : La Turquie face au conflit syrien: les étapes-clés)

 

 

Spectaculaire rapprochement
Entré en vigueur jeudi à minuit, l'accord de cessez-le-feu parrainé par Ankara et Moscou était globalement respecté hier, malgré des combats qui ont éclaté près de Damas. Il prévoit par ailleurs la tenue de pourparlers de paix à Astana (Kazakhstan). Cet accord a été annoncé après plusieurs semaines d'échanges secrets entre la Russie et l'opposition syrienne à Ankara, le gouvernement turc jouant le rôle de facilitateur. Et l'assassinat de l'ambassadeur de Russie en Turquie au cœur de la capitale turque le 19 décembre n'a pas fait dérailler le processus, signe du volontarisme politique d'Ankara et de Moscou.

Il y a à peine un an, une telle coopération turco-russe aurait été impensable : Ankara et Moscou traversaient une grave crise diplomatique après la destruction d'un avion russe par l'armée turque au-dessus de la frontière syrienne. La Syrie est pourtant devenue le théâtre d'un spectaculaire rapprochement entre Recep Tayyip Erdogan et son homologue Vladimir Poutine, à mesure que leurs relations avec l'Occident se refroidissaient.

 

(Lire aussi : La Syrie divisée en zones d'influence russe, turque et iranienne ?)

 

 

Griller la politesse
Contrairement à de précédents accords de cessez-le-feu en Syrie, les États-Unis ont visiblement été totalement tenus à l'écart des dernières négociations. Si M. Erdogan a salué jeudi une « opportunité historique » de mettre fin au conflit, Washington s'est contenté d'accueillir une « évolution positive ».

Pour Soner Cagaptay, analyste au Washington Institute, la Turquie s'est dépêchée de conclure un accord avec la Russie avant que le président élu des États-Unis Donald Trump, qui ne dissimule pas sa sympathie pour M. Poutine, ne le fasse. « Il est écrit d'avance que MM. Trump et Poutine concluront un accord sur la Syrie, Ankara l'a compris et, par conséquent, s'est efforcé d'avoir son propre accord avec M. Poutine avant (le début de) la présidence Trump », a-t-il dit.

Le pacte négocié par la Turquie et la Russie survient alors que les relations entre Ankara et Washington, qui se sont rapidement dégradées après le putsch manqué en juillet, sont au plus bas depuis l'intervention américaine en Irak, en 2003. La Turquie est notamment furieuse du soutien accordé par les États-Unis aux milices kurdes contre l'EI en Syrie, accusant Washington d'armer des « organisations terroristes ». M. Erdogan a également dénoncé l'absence d'appui aérien de la coalition internationale antijihadiste menée par les États-Unis à al-Bab, bastion de l'EI que des rebelles syriens appuyés par l'armée turque tentent de prendre depuis plusieurs semaines. L'état-major turc a opportunément annoncé hier que des avions russes avaient mené trois frappes sur al-Bab cette semaine.

 

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