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Cinema- - Rencontre

« J’essaye de retrouver ma place dans le cinéma libanais »

« Mélancolie libanaise, le cinéma après la guerre civile » est un ouvrage signé Dima el-Horr, une ébauche pour placer les cinéastes libanais sous un même toit en analysant leurs travaux.

Dima el-Horr dissèque la mélancolie dans le 7e art libanais.

Chaque jour est une fête a été, en 2006, son premier long métrage après plusieurs courts métrages. Docteur en études cinématographiques et ancienne élève de l'Art Institute of Chicago, Dima el-Horr a enseigné plusieurs années le cinéma à LAU.

En travaillant le scénario de son film, Chaque jour est une fête, la guerre avec Israël éclate et permet à la mélancolie de s'infiltrer dans un film qui était supposé être plein d'humour. Lorsqu'elle présentera une thèse de doctorat en 2011, la réalisatrice pense à ce thème de mélancolie qui teinte la plupart des films libanais.

L'ouvrage Mélancolie libanaise, le cinéma après la guerre civile, édité chez l'Harmattan, reprendra par la suite le texte de la thèse de son doctorat dirigée par Giusy Pisano, en le condensant. « J'étais intéressée par cette mélancolie qui a hanté le cinéma d'après-guerre et l'a imprégné, dit-elle. Nous, réalisateurs, nous sommes tous éparpillés. Nous n'avons pas un toit qui nous réunit. Je retourne aux origines de ce cinéma pour comprendre son histoire ainsi qu'en parallèle, celle de ce Liban qui a façonné notre regard. » Et de poursuivre dans son livre : « Il m'a semblé que pour comprendre le cinéma de la période de l'après-guerre, il était nécessaire de se pencher sur son histoire et d'analyser l'évolution d'un art qui s'est toujours développé en parallèle des événements tragiques qui ont bouleversé le pays. Cette démarche devrait permettre de fournir aux lecteurs les repères historiques nécessaires à appréhender les relations entre le cinéma et l'histoire du Liban. »

 

(Pour mémoire : « Le cinéma libanais est en très bonne forme »)

 

L'ouvrage est divisé en deux grandes parties. La première, intitulée « Un cinéma sous influences : de 1910 à la guerre civile », amènera le lecteur à la compréhension du rapport étroit entre ces deux histoires. Au fil des films sur lesquels la cinéaste voulait travailler et en suivant l'évolution chronologique du cinéma libanais avec les périodes-clés qui l'ont marqué, le lecteur pourra suivre celle du pays du Cèdre car comme le relève Monique Bellan :... « L'art moderne et la politique furent souvent liés au Liban. »

Comment définir le cinéma libanais ? Ce 7e art qui a commencé en 1930 avec le premier long métrage de fiction Les aventures d'Élias Mabrouk et que seuls trente-cinq ans séparent de la première œuvre des Frères Lumière. Signé Giordano Pidutti, réalisateur italien installé au pays du Cèdre à l'âge de 24 ans, ce film marque donc les débuts du cinéma libanais. Comment définir également le mot mélancolique « celui qui ne digère pas, « cette bile noire faite de vent, un résidu, un sédiment ». « C'est une sorte de perte, de recherche sans se retrouver, dira Dima el-Horr.

Et comment enfin cette mélancolie est-elle entrée en jeu dans ce septième art libanais ? L'auteure se penche donc d'abord sur l'identité de ce cinéma qui illustre les problèmes sociaux et politiques, d'un pays face à une guerre incompréhensible et parlera des précurseurs fougueux et courageux comme Maroun Baghdadi, Jocelyne Saab et Borhane Alaouié.

 

(Pour mémoire : Cinéma libanais cherche identité désespérément)

 

« Je consacre une grande partie du livre aux films de Ghassan Salhab où la mélancolie est très présente, tant dans ses personnages qui se cherchent que dans ce Beyrouth fantôme, une ville en mutation, et dans ce passé qui perturbe le présent et un futur qu'on ne comprend pas. » Les films de Danielle Arbid, selon elle, témoignent également de cette mélancolie ainsi que ceux de Jihane Chouaib et Christophe Karabache alors que ceux de Nadine Labaki, de Philippe Aractingi ou de Ziad Doueiri ne seront pas inclus dans la recherche n'étant pas mélancoliques. « Ceux-là ont une nouvelle forme de traiter avec la guerre », précise Dima el-Horr.

Par la suite, elle abordera cette mélancolie d'après-guerre qui ronge ou enveloppe les réalisateurs. « La guerre est un des thèmes majeurs qui a occupé le cinéma libanais pendant et après la guerre. Pendant la guerre et à l'instar du pays lui-même, les récits s'éloignent de la linéarité et deviennent fragmentés. Cependant, la guerre, malgré sa persistance en tant que thème essentiel du cinéma libanais, va faire place à un nouveau regard que les réalisateurs vont poser non pas juste sur le passé mais sur le présent de la ville et du pays. Car bien que la guerre soit finie, l'espoir de vrais changements n'a pas été au rendez-vous, la fin de la guerre n'a pas amené le pays vers de nouveaux horizons mais vers une impasse. » La cinéaste tentera d'analyser de quelle façon les réalisateurs de l'après-guerre, « ces créateurs perdus dans cet univers détruit et qui inventent une nouvelle configuration artistique sous le soleil noir de la vie mortelle » (Raphaël Millet), ont incarné dans leurs films cette mélancolie, à travers des personnages, de l'état de leurs corps de Beyrouth, « cette ville devenue un lieu de perte et de dérive et à travers leur nouvelle façon de filmer (ou pas) un pays en ruine ».

« Cette mélancolie, poursuit Dima el-Horr est pourtant constructive. À travers ces recherches, j'ai pu comprendre le cinéma libanais et j'ai finalement trouvé ma place car lorsque j'écrivais mon nouveau film en 2011, j'avais un grand besoin d'écrire et ces deux écritures s'alimentaient l'une de l'autre. J'ai compris aussi qu'il y avait de la place pour tout le monde dans ce cinéma libanais. »

* En vente au cinéma Metropolis et à la librairie Antoine

Chaque jour est une fête a été, en 2006, son premier long métrage après plusieurs courts métrages. Docteur en études cinématographiques et ancienne élève de l'Art Institute of Chicago, Dima el-Horr a enseigné plusieurs années le cinéma à LAU.
En travaillant le scénario de son film, Chaque jour est une fête, la guerre avec Israël éclate et permet à la mélancolie de s'infiltrer...

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