Cela ne pouvait pas plus mal tomber pour Bachar-el Assad et ses parrains. Alors que les troupes loyalistes sont en passe d'obtenir à Alep leur plus grande victoire militaire depuis le début du conflit syrien en 2011, les jihadistes de l'État islamique (EI) ont repris dimanche la cité antique de Palmyre. En seulement quatre jours, les membres de l'EI ont réalisé une opération éclair qui a surpris les forces loyalistes et les a contraintes à abandonner leurs positions, laissant sur place une quantité importante de véhicules militaires et autres munitions. Ni les bombardements intenses des Sukhoi russes ni l'arrivée des renforts syriens n'auront suffi à repousser les jihadistes, extrêmement mobiles et utilisant des voitures piégées avec des kamikazes, des véhicules blindés et de l'artillerie. L'atout de l'EI a été « l'attaque surprise lancée depuis des positions dans le désert », explique à l'AFP Charlie Winter, chercheur au Centre international pour l'étude de la radicalisation et de la violence politique au Kings College.
Même si la situation reste instable, la perte de la cité antique au profit des membres de l'EI – neuf mois seulement après l'avoir récupérée des mains de ces mêmes jihadistes à l'issue d'une offensive surmédiatisée – est un revers très significatif pour l'axe Damas-Moscou-Téhéran. Elle met une nouvelle fois en exergue la faiblesse intrinsèque des troupes syriennes, incapables de sécuriser les territoires repris sans l'aide des milices étrangères et de l'aviation russe. La mobilisation du gros de celles-ci dans l'offensive d'Alep a affaibli la défense des positions loyalistes dans la province de Homs, ce dont l'EI a largement profité.
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Faiblesses stratégiques
C'est un coup dur pour Moscou. La reconquête de Palmyre lui avait permis de se présenter comme le défenseur de la civilisation face à la barbarie, notamment en organisant le concert d'un orchestre symphonique russe dans l'amphithéâtre antique, là où l'EI avait exécuté des dizaines de personnes quelques mois après la reprise de la ville. Le nouvel abandon de la ville, classée au patrimoine mondial de l'humanité, par les forces syriennes met à mal ses futurs plans et démontre les faiblesses de sa stratégie sur le long terme. Moscou a besoin des Occidentaux, particulièrement des Américains, s'il veut parvenir à sécuriser l'Est syrien.
« Nous regrettons qu'il n'y ait toujours pas de coordination des actions ni de coopération réelle avec les autres pays, en premier lieu avec les États-Unis qui ne veulent pas coopérer » avec la Russie dans ce domaine, a déclaré hier à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Moscou a beau jeu d'accuser Washington d'être en partie responsable de la déroute des forces syriennes à Palmyre. Mais il paye avant tout sa volonté de concentrer l'essentiel de ses bombardements sur les groupes rebelles opposés à M. Assad plutôt que sur l'EI. Les critiques ne se sont d'ailleurs pas fait attendre.
« Les Russes, qui prétendent lutter contre le terrorisme, se concentrent en fait sur Alep et ont laissé un espace à Daech (acronyme de l'EI en arabe), qui est en train de reprendre Palmyre, tout un symbole ! » a déclaré hier le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. Le haut représentant de l'opposition syrienne Riad Hijab a dénoncé, quant à lui, les forces du régime syrien qui s'en prennent aux « civils désarmés » à Alep, mais « fuient comme des rats devant les jihadistes de l'État islamique à Palmyre », à l'issue d'une rencontre avec le président français François Hollande.
À court terme, l'offensive des membres de l'EI pourrait obliger les forces loyalistes à revoir leur plan. Après Alep, ces dernières allaient sans doute lancer une offensive contre la province voisine d'Idleb, dominée par les membres du Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra). N'ayant pas la capacité de mener deux offensives à la fois, elles pourraient retarder celle-ci pour essayer de récupérer Palmyre à nouveau, avant que les jihadistes disséminent des explosifs un peu partout.
À moyen et long terme, le succès des membres de l'EI, toujours très actifs dans la province de Homs et ayant conservé leurs positions à Deir ez-Zor, vient rappeler que s'ils sont en recul en Irak et – dans une moindre mesure – en Syrie, ils conservent la capacité de mener des actions éclairs dans des zones stratégiques, où il est difficile de les mettre en déroute. Autrement dit, la perte des villes ne signifie pas pour autant la fin de l'EI en Irak et en Syrie.
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20 h 28, le 13 décembre 2016