Rechercher
Rechercher

Liban - En toute liberté

Tenir parole, passer aux actes

Le Liban s'enfonce à nouveau dans la guerre civile. Heureusement, cette guerre reste encore, pour le moment, « civilisée », mais elle a tout d'une véritable guerre d'usure. La guerre civile a éclaté, dans les esprits, quand nous n'avons pas su faire la part de l'autre, quand chacun a voulu tout le pays à lui seul. C'est exactement ce qui se passe au niveau des ministères, chacun veut délimiter son territoire politique, sans tenir compte de l'autre. Et ça donne une véritable guerre de tranchées, une foire aux ministères. Nous sommes en train de nous disputer les portefeuilles du gouvernement comme des réfugiés affamés qui se ruent sur des aides alimentaires. C'est absolument honteux.

Quelques jours avant l'élection présidentielle, Nabih Berry faisait savoir que, par la manière forte, on ne parviendrait à rien lui arracher, et qu'avec un mot aimable on pouvait au contraire tout obtenir de lui. Bon, c'est une image, mais quelque part, elle contient une vérité. Les Forces libanaises, qui s'attachent à leur butin ministériel comme un enfant à son ballon, n'obtiendront rien de cette façon du président de la Chambre, sinon ce marasme où nous nous enfonçons un peu plus chaque jour. Essayons la manière douce. Tel est bien l'un des principes des arts martiaux asiatiques. C'est en cédant que l'on gagne. Le premier médiateur venu vous le dira ; dans certains conflits, c'est la courtoisie, les bons rapports personnels, les liens de confiance que l'on parvient à établir qui feront le travail.

Faut-il que Confucius se réveille de sa tombe pour faire découvrir aux Libanais leur patrimoine véritable, cette courtoisie qui est au cœur du vivre-ensemble, quel que soit le conflit qui nous oppose, quelles que soient nos différences ? Que respecter les droits des autres, et parler avec respect, sans défier l'autre, est la seule garantie que l'on se conduira de la même manière à mon égard ?
Le mot a quelque chose de suranné, mais la note « paternelle » de Michel Aoun va dans le bon sens, celui de la modération. Elle veut dire, d'abord, parlons. Eh bien, parlons ! Le protocole interdit au chef de l'État de se déplacer, c'est entendu, mais qu'est-ce qui l'empêche de téléphoner; qu'est-ce qui l'empêche de prendre l'appareil pour inviter Sleiman Frangié à déjeuner ?
Hassan Nasrallah prend la parole vendredi. Va-t-il démentir Valéry, qui disait que personne ne retient rien des livres d'histoire ? Va-t-il donner raison à de Gaulle, qui disait qu'une victoire n'est rien si elle se limite à n'être qu'une victoire ? À quoi lui servirait la Syrie s'il venait à perdre le Liban ?

Le luxe d'une guerre d'usure, nous aurions pu nous le permettre si les institutions fonctionnaient convenablement, si le malaise social et politique était moins aigu. Si la pauvreté ne frappait pas aux portes. Il est inacceptable, quand on est dans l'indigence comme nous le sommes. Il y a certainement des enjeux, des priorités, mais ils passent bien loin après les avantages incomparables que l'on tirera si les institutions fonctionnent.

Passer de la parole aux actes, tenir nos promesses, voilà la priorité des priorités. Voilà ce qui doit venir en premier dans le champ de conscience de tous, du chef de l'État comme des ministres, des partis et des blocs politiques. Tenir parole, tenir parole devant le pays tout entier, devant les pauvres surtout, les doux et les humbles qui n'en peuvent plus d'attendre un métier, une aide hospitalière, un jugement de tribunal, une loi, une formalité moins compliquée. Ceux qui ont accompli leur « devoir d'attendre », comme on accomplit son service militaire, et à qui on doit maintenant de passer aux actes, de tenir parole.

Le Liban s'enfonce à nouveau dans la guerre civile. Heureusement, cette guerre reste encore, pour le moment, « civilisée », mais elle a tout d'une véritable guerre d'usure. La guerre civile a éclaté, dans les esprits, quand nous n'avons pas su faire la part de l'autre, quand chacun a voulu tout le pays à lui seul. C'est exactement ce qui se passe au niveau des ministères, chacun veut...
commentaires (9)

Article plein de sagesse merci...

Soeur Yvette

16 h 16, le 09 décembre 2016

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Article plein de sagesse merci...

    Soeur Yvette

    16 h 16, le 09 décembre 2016

  • A quoi sert la verite si on ne tire pas les conclusions qui s'imposent?

    LA VERITE

    15 h 06, le 07 décembre 2016

  • ...."découvrir aux Libanais leur patrimoine véritable, cette courtoisie qui est au cœur du vivre-ensemble"... Là M. Noun, je suis malheureusement obligé de vous contredire. Lors de mes différents "pélerinages" au pays du Cèdre, à la recherche de la joie de vivre, de la courtoisie, et du vivre-ensemble, la déception était toujours au rendez-vous. Au Liban chacun est chez soi, dans sa zone, son canton, et rares sont encore à prétendre de vivre-ensemble. Je suis toujours à recherche de ce patrimoine véritable pour l'inscrire au patrimoine mondial de l'humanité....

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    11 h 13, le 07 décembre 2016

  • "Le Liban s'enfonce à nouveau dans la guerre civile..." Le Liban est un pays en guerre n'en déplaise à certains. Milices armées, guerres aux frontières, et que de zones de non droit. Nous ne sommes pas à "nouveau dans la guerre", nous y sommes depuis 1969 !

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    11 h 02, le 07 décembre 2016

  • ""Ceux qui ont accompli leur « devoir d'attendre »,..." Le "devoir d'attendre" veut dire survivre. Le bon Libanais survit, avec ses dettes, ses bas salaires etc, etc. Il n'a qu'une issue à cette impasse, l'immigration, à la recherche d'un eldorado où il peut finalement vivre.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 58, le 07 décembre 2016

  • Joliment dit tout ça. Mais les rapports restent ce qu'ils ont toujours été, c'est à dire des rapports de force , en matière de guerre d'usure on sait tous qui est en meilleure position pour aboutir à ses fins avec justice (ma3 hakk).

    FRIK-A-FRAK

    10 h 19, le 07 décembre 2016

  • Très beau texte. En espérant toutefois qu'il ne tombe pas dans les oreilles de sourds car jusqu'à present, c'est bien le contraire qui prime....

    Tabet Karim

    09 h 40, le 07 décembre 2016

  • il faut nommer des ministres chiites libres et a l,appartenance nationale et former le gouvernement en ignorant les intimidations et les sallets et ultimatums... pire qu,aujourd,hui il ne pourrait en etre... Chef de l, Etat et P.M. allez de l,avant... ignorez ceux qui ignorent le peuple Libanais !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 19, le 07 décembre 2016

  • Quelle belle leçon de sagesse politique! Un discours rarissime et si bienvenu.

    Marionet

    08 h 43, le 07 décembre 2016

Retour en haut