Depuis l'élection de Michel Aoun à la tête de la République le 31 octobre, le mot « confiance » est sur toutes les lèvres. De l'Association des banques arabes aux organisations patronales, en passant par le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé, tous ont salué cette élection, suivie par la nomination de Saad Hariri à la tête du gouvernement, comme le déclencheur d'un retour immédiat de la confiance des acteurs économiques.
« L'économie fonctionne sur l'anticipation des acteurs économiques. Le jour de l'élection, cette anticipation est passée de négative à positive », résume le président de l'Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas. Des anticipations à même de soutenir davantage la demande par une hausse de la propension des ménages à consommer et de celle des entrepreneurs nationaux ou étrangers à investir. « Quand les consommateurs et les investisseurs ont confiance dans l'économie et l'avenir du pays, l'argent dépensé passe d'une main à une autre : de l'agriculteur au vendeur, au transporteur... Ce cycle complet crée de la richesse. Lorsque la confiance se perd, cet argent reste dans la poche des citoyens, et tout le monde en souffre », expose Salah Osseiran, président du Conseil national des économistes libanais.
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Érosion continue
Or, cette confiance s'est graduellement érodée depuis 2011 à cause de plusieurs chocs politico-sécuritaires, explique Nassib Ghobril, directeur du département de recherche du groupe Byblos Bank. « D'abord, il y a eu la démission forcée du gouvernement Hariri puis la révolution en Syrie qui est devenue omniprésente dans le débat politique libanais. » En 2013 et en 2014, la confiance a de nouveau été ébranlée par une série d'attentats-suicide.
Un phénomène qui se retrouve dans les chiffres de l'indice Byblos Bank/AUB, qui mesure la confiance des consommateurs, en recul de 32 % par rapport à la moyenne mensuelle de 2007. Une légère hausse de 3,5 % s'est pourtant dessinée en octobre, « peut-être grâce à l'élection présidentielle », glisse Nassib Ghobril. Une croissance toutefois non comparable avec celle de 103 % enregistrée en mai 2008, après les accords de Doha.
Du côté de l'activité commerciale de détail, mesurée par l'indice de l'ACB et de la Fransabank, le recul a été moins marqué au troisième trimestre 2016 que précédemment (-2,38 %), alors que l'indice connaît régulièrement des baisses importantes depuis son lancement en 2012. Et ce grâce à « des informations concernant l'élection d'un président de la République au Liban (qui) ont commencé à circuler à la fin du troisième trimestre », notait le communiqué.
Du côté des entreprises et des investisseurs, la baisse de confiance se ressent notamment dans l'augmentation de leur endettement, et la baisse de leurs commandes externes ainsi que de leurs stocks. C'est ce qu'explique Marwan Mikhaël, directeur du département de recherche de la BlomInvest, dont l'indice PMI (Purchasing Managers Index) mesure plusieurs de ces variations, en association avec Markit. En octobre, ses chiffres montraient que l'activité privée était « au plus bas depuis le lancement de l'étude en mai 2013 ».
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Promesses sans effet
Si ces indicateurs doivent encore confirmer en fin d'année le choc positif des déroulements politiques sur la confiance des agents, la pérennisation de ce regain éventuel suppose d'autres ingrédients. « Aujourd'hui, nous en sommes à la première étape : le retour de la confiance du consommateur. Il faut ensuite que la consommation des touristes arabes suive, puis les investissements des entreprises libanaises, et en dernier lieu les investissements arabes. Si tout se passe bien, ces derniers devraient revenir courant 2017 », détaille Nicolas Chammas. « Si un gouvernement est mis en place d'ici à une semaine ou dix jours, je pense que l'on pourra encore sauver le mois de décembre, qui représente 30 à 35 % de l'activité commerciale annuelle », espère-t-il.
« Une fois formé, le gouvernement doit démontrer son intention de vouloir lancer des projets de réforme qui vont encourager et pérenniser les investissements des entreprises et la consommation », nuance Marwan Mikhaël. Télécoms, transports, autoroutes, tourisme... La liste est longue. « Les promesses politiques n'ont plus aucun effet sur la confiance des Libanais aujourd'hui. Il faut des mesures concrètes », renchérit Nassib Ghobril. Pour Salah Osseirane, le gouvernement doit également écarter les ministres qui ont été récemment impliqués dans des scandales de corruption. « Les Libanais n'auront pas confiance en l'avenir de leur pays si les hommes politiques entachés par des affaires de corruption retrouvent leur poste. »
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