Une parade militaire, organisée vendredi, selon certaines sources, par le Hezbollah à Qousseir, ville syrienne frontalière du Liban, continue d'être au centre d'une vive controverse locale et même internationale. Ce défilé, soigneusement diffusé par la chaîne al-Manar, a créé la surprise. Personne ne s'y attendait vraiment. Et, connaissant le Hezbollah, qui ne laisse généralement rien au hasard (sauf la guerre de 2006), on s'évertue à en identifier les messages en le replaçant dans son contexte local et international.
Or le défilé militaire se situe à la croisée d'un faisceau d'événements locaux et internationaux significatifs. Sur le plan local, il intervient après l'élection de Michel Aoun à la présidence (31 octobre) et le discours qu'il a prononcé à l'occasion de sa prestation de serment, où il préconisait de tenir le Liban à l'écart des affrontements régionaux. De même, ce défilé militaire semble tout à fait indépendant et indifférent au processus de formation du nouveau gouvernement, ou à la déclaration ministérielle qui va l'accompagner. Il n'en tient aucun compte.
Sur le plan international, le défilé militaire ostentatoire se déroule au lendemain de l'élection du président américain Donald Trump, dont l'hostilité à l'accord sur le nucléaire iranien est notoire.
Que cherche à dire le Hezbollah ? Sans doute qu'il est désormais, aux côtés de la Russie, l'un des acteurs du conflit régional qui se déroule en Syrie, et que Washington ne peut envisager de le tenir à l'écart d'un règlement de ce conflit. Accessoirement, il dit aussi que les vieux repères sont obsolètes, et qu'il ne saurait se plier désormais à des impératifs exclusivement libanais; et donc qu'il ne faut plus lui demander de se retirer de Syrie, au nom d'une quelconque politique de distanciation purement locale.
À cet égard, des observateurs font le lien entre cette démonstration de force et des propos récents tenus par le ministre iranien des Affaires étrangères, Mahmoud Javad Zarif. Le responsable iranien avait affirmé, dans un discours prononcé lors d'un congrès international sur les crises géopolitiques dans le monde musulman qui s'est tenu à Téhéran, que le Hezbollah est « un facteur de stabilité » dans la région. Que son rôle dépasse donc le cadre strictement libanais.
À noter que M. Zarif était venu au Liban le 8 novembre, au lendemain de l'élection du président Michel Aoun, et en avait profité pour féliciter ce dernier, ainsi que le Premier ministre désigné et le secrétaire général du Hezbollah. Il n'en fallait pas plus à certains pour y voir la preuve que l'élection du président Aoun est en fait « une victoire du Hezbollah » au Liban.
(Lire aussi : Les blindés US exhibés par le Hezbollah supplantent le marchandage gouvernemental)
De mauvaises langues ont affirmé que les blindés américains aperçus lors du défilé militaire du Hezbollah en Syrie appartenaient à l'armée, et que le Hezbollah cherchait, en en diffusant les photos, à ternir l'image de l'armée libanaise, à en démontrer l'inefficacité et, par là, à compromettre les contacts engagés pour actualiser à nouveau le projet Donas prévoyant le don d'équipements militaires français financés par l'Arabie saoudite. Un don de 3 milliards de dollars que l'Arabie avait décidé, voici quelques mois, de remettre en question de façon unilatérale...
Mais ces spéculations ont été démenties par des sources militaires libanaises. Et de sources proches du Hezbollah, on assure que ces blindés, des transports de troupes M113, ont été saisis à l'armée israélienne en 2006. Selon d'autres sources, les tanks pourraient avoir été saisis à des groupes rebelles syriens.
Quoi qu'il en soit, pour la plupart des commentateurs, le « message » du défilé militaire du Hezbollah est surtout d'ordre régional et international, et intéresse en premier chef les États-Unis, sachant que le Hezbollah est désormais l'allié objectif de la Russie dans le conflit en cours en Syrie. Accessoirement, ces commentateurs songent aussi qu'Israël devrait rester sur ses gardes, sachant que plus de 100 000 fusées de courte, moyenne et même de longue portée sont pointées, par le Hezbollah, en direction du territoire israélien, et notamment de certains objectifs stratégiques.
Pour en revenir au Liban, et par manière de conclusion, on cherche, dans les milieux politiques, à deviner la teneur du discours que tiendra le président Michel Aoun à l'occasion du défilé de l'Indépendance ; sans pouvoir s'empêcher de relever que ce défilé aura été précédé par celui du Hezbollah, et que le rapprochement entre les deux est donc inévitable.
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commentaires (5)
Des points d'interrogation ??la verite ou elle est ????
Soeur Yvette
16 h 45, le 17 novembre 2016