Avec la victoire de Trump, téléréalité et réalité riment, comme téléspectateur et électeur...

Donald Trump, nouveau président élu des États-Unis, a été un candidat politique différent de tout autre. Son charisme et ses discours bouillonnants ont eu leur effet sur un électorat dont une partie avait pourtant commencé par se moquer de la candidature improbable de cet « outsider » pour le monde politique, mais pas pour celui de la télévision et du public américain.

Alors que ses tactiques de campagne ont choqué certains, d'autres ont effectué un parallélisme avec les émissions de téléréalité. Le roi de la téléréalité avec The Apprentice était un visage familier pour les Américains bien longtemps avant sa candidature. Lors de la campagne pour la présidentielle, il a aussi incarné, pour certains, l'image de l'homme fort dont ils estimaient que l'Amérique avait besoin aujourd'hui.
Le verdict surprenant des urnes dans certains États-clés qui semblaient pourtant acquis à la candidate démocrate, propulsant le magnat de l'immobilier à la Maison-Blanche, est digne d'une finale des jeux de téléréalité les plus croustillants, au point de se demander si les grands électeurs n'auraient pas confondu leur rôle avec celui des téléspectateurs votant pour leur personnage télévisé préféré. La réalité a fini par supplanter la téléréalité, finira-t-on par dire, sauf que dans ce cas de figure les téléspectateurs devront assister et prendre part au spectacle de bout en bout sans pour autant pouvoir changer grand-chose à la donne.
Ainsi, ce vieux loup de l'arène télévisée n'a rien oublié de son apprentissage télévisé, parvenant à capter l'attention lors de cette campagne, en optant pour la provocation et l'outrance. À la télé, il est bien connu qu'une personne calme et posée risque rapidement d'ennuyer le téléspectateur.

Par ses manières et méthodes peu orthodoxes, le nouveau chef de la superpuissance américaine a voulu montrer qu'il n'a peur de rien, tout comme dans une émission de téléréalité, dans le seul objectif d'accrocher le public. C'est donc une personnalité intrépide et exubérante qu'il a montrée à l'Amérique, dont une partie était en quête d'une figure héroïque, quitte à ce qu'elle soit scandaleuse.
Son « impolitesse », un défaut dans la vie qui ne l'est pourtant pas dans les « reality shows », peut se transformer en atout, à partir du moment où elle est interprétée par certains comme un signe d'authenticité qui inspire la confiance. À défaut de paraître candidat-acteur professionnel à la présidence, débordant d'hypocrisie intéressée, il s'est affiché en amateur accessible et proche du peuple, avec ses appréhensions et ses frustrations exprimées avec le plus grand naturel du monde. Faire des gaffes et sortir de ses gonds rend ainsi le personnage plus crédible et le téléspectateur moins conscient de la présence des caméras, et l'authenticité est devenue une qualité centrale dans la politique américaine contemporaine.

Suspense jusqu'au bout
Le maître des sentiments non filtrés n'a pas oublié non plus une autre tactique des émissions de téléréalité ou encore des concours des reines de beauté : faire planer le suspense jusqu'au bout. « Je vais garder le suspense (quant à son éventuelle acceptation des résultats de l'élection présidentielle, NDLR) », avait-il déclaré lors du troisième et dernier débat, fin octobre, avec Hillary Clinton. « Je verrai à ce moment-là », avait-il ajouté en référence à la présidentielle du 8 novembre. De quoi faire montrer la pression jusqu'au grand final. Car Trump connaît fort bien ce genre de scénario et son impact sur le public quel qu'il soit.

La téléréalité permet par ailleurs au public de s'habituer davantage aux actions agressives et narcissiques affichées par certaines célébrités, ce qui est le cas avec Donald Trump. Sauf que ce qui est acceptable pour certains accros aux séries de téléréalité reste inacceptable pour d'autres sur le petit écran, et encore plus dans la vie courante.
La « reality TV » a non seulement préparé le public pour Trump, elle a même porté atteinte à l'importance des faits, de la vérité et de la preuve. Durant sa campagne, Donald Trump s'est contredit à plusieurs reprises. Mais il est sorti indemne de ses contradictions, tout en sortant indemne à chaque fois, pardonné par un public conquis depuis des années et habitué à ses caprices et ses frasques tel un enfant turbulent mais que l'on adore.
En tant que forme de divertissement, il n'est jamais tout à fait clair ce qui pourrait être réel ou authentique ou mis en scène dans une émission de téléréalité. Cette élection a donc permis de rapprocher plus que jamais les électeurs des simples téléspectateurs ayant simplement réussi à transformer leur héros de téléréalité en réalité.

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