
À la production de « Zero Day », à Taipei, en mars 2025. I-Hwa Cheng/AFP
Panique à Taïwan : un blocus militaire chinois est en cours, les banques ferment, des familles entières fuient, les fausses nouvelles affluent et les troupes de l’archipel se préparent. C’est le scénario de Zero Day, une nouvelle série télévisée taïwanaise dont les créateurs espèrent qu’elle « réveillera » la population face à la menace réelle d’une invasion chinoise.
L’industrie du film et de la télé taïwanaise avait longtemps évité de mettre en scène le sujet, de peur de perdre l’accès au gigantesque marché chinois. « Tout est parti d’un groupe de personnes inquiètes et anxieuses à propos de la même chose, qui ont décidé de se rassembler et d’agir », explique Lo Ging-zim, l’un des dix réalisateurs impliqués dans Zero Day.
La production, dont le titre désigne le premier jour d’un débarquement des troupes chinoises à Taïwan, comptera dix épisodes et doit sortir au cours de l’année. Pour M. Lo, la guerre en Ukraine, la résurgence du parti Kuomintang, enclin à un rapprochement avec Pékin, et les efforts de la Chine pour influencer Taïwan, ne pouvaient plus être ignorés. « Les médias du monde entier parlaient du prochain champ de bataille, qui pourrait être le détroit de Taïwan », relève le réalisateur, qui se souvient de 2022, année où Zero Day a vu le jour.
La bande-annonce officielle, qui dure 17 minutes, montre des scènes de chaos lorsque les forces chinoises encerclent Taïwan, sous prétexte de rechercher l’équipage d’un avion militaire ayant disparu au-dessus des eaux environnantes.
Internet est alors inondé de fausses informations venues de Chine, les distributeurs de billets ne fonctionnent plus, la Bourse s’effondre et des familles chargées de valises tentent de s’échapper. Dans une allocution télévisée, l’acteur qui joue le président de Taïwan exhorte son peuple à « s’unir », prévenant que « sans la liberté, Taïwan n’est plus Taïwan ».
« Signal d’alarme »
Dans le monde réel, les experts ont averti qu’un blocus de Taïwan pourrait précéder une invasion. Or l’armée chinoise a déjà simulé des encerclements de l’île pour s’entraîner à couper ses approvisionnements. Dans l’éventualité d’un conflit, Taïwan ne ferait pas le poids et aurait besoin d’aide, notamment des États-Unis.
Cheng Hsin-mei, productrice de la série, aimerait « éveiller le peuple taïwanais à la menace imminente d’une guerre ». Et dire à la communauté internationale que Taïwan ne fait pas partie de la Chine. « Nous sommes un pays libre et démocratique et nous élisons notre propre président », affirme Mme Cheng. « Ainsi, lorsque le régime (de Pékin) lance une agression, il ne s’agit pas d’une guerre civile, mais d’une invasion », avance-t-elle.
Le casting de Zero Day inclut des acteurs hongkongais, japonais et taïwanais. Mais 70 % des personnes approchées pour jouer dans la série ont refusé, inquiets d’être écartés des maisons de production qui comptent sur le marché chinois, estime Mme Cheng.
L’acteur taïwanais Kaiser Chuang pense d’ailleurs que sa participation à Zero Day lui a déjà coûté un rôle, mais il croit fermement que la série « devait être faite ». « Une vie de paix, de sécurité et de liberté n’est pas le fruit de la peur et de la soumission », lance M. Chuang, décrivant Zero Day, où il joue un homme d’affaires en difficulté financière recevant l’aide de collaborateurs chinois à son insu, comme un « signal d’alarme ».
« Pas de la propagande »
Afin de rendre Zero Day plus réaliste, les créateurs ont consulté des experts politiques et militaires et tourné sur des lieux authentiques, comme un navire de guerre ou le palais présidentiel. Mais l’idée de cette nouvelle série ne plaît pas à tout le monde.
Pour la députée Lin Chien-Chi, du Kuomintang, principal parti d’opposition et plus favorable à Pékin, la production crée « une atmosphère de panique » et brouille « la réalité et la fiction de manière excessive ».
Bien que la production ait reçu 230 millions de nouveaux dollars de Taïwan (6,84 millions d’euros) de la part du gouvernement et du secteur privé, M. Lo assure que la série n’est pas de la propagande. « Il s’agit d’une série. Elle doit attirer le public par le biais de la nature humaine, des émotions humaines et de la vulnérabilité humaine », certifie-t-il.
Selon Mme Cheng, Zero Day a suscité un vif intérêt à l’étranger et l’équipe est actuellement en discussion avec plusieurs plateformes de diffusion en ligne et réseaux de télévision dans le monde entier.
Joy CHIANG/AFP