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Liban - Interview

Bonne à « L’OLJ » : Nous œuvrons à un retour au fonctionnement normal des institutions

La France, par le biais du président François Hollande et de sa diplomatie active, déploie des efforts soutenus et constants afin de tenter de dégager un consensus international et régional suffisamment solide pour paver la voie à une sortie de crise au Liban. Paris s'emploie aussi à aider les parties libanaises à s'entendre sur un compromis politique susceptible de faciliter un retour à un fonctionnement normal des institutions. Dans une interview à « L'Orient-Le Jour », l'ambassadeur de France, Emmanuel Bonne, fait le point de l'aide apportée par la France au Liban sur ce plan ainsi que dans les domaines militaire, sécuritaire, culturel, économique, et de la gestion du dossier des réfugiés syriens.

Emmanuel Bonne.

Existe-t-il une initiative française pour débloquer la situation politique, et notamment la présidentielle ?
Nous sommes toujours à l'initiative pour aider les parties libanaises à s'entendre sur un compromis politique qui permette un retour à un fonctionnement normal des institutions. C'est la raison pour laquelle le président de la République François Hollande s'entretient très régulièrement du dossier libanais avec les chefs d'État et les responsables des pays qui possèdent une influence ici. C'est aussi la raison pour laquelle il a récemment rencontré le Premier ministre Tammam Salam et pour laquelle nous sommes prêts à envisager une réunion du Groupe international de soutien (au Liban), si nos partenaires sont d'accord. Là-dessus, nous continuerons à déployer nos meilleurs efforts pour qu'il y ait, au niveau de la solution à la crise politique au Liban, un consensus international et régional suffisamment solide pour sortir de la crise, étant bien entendu que la responsabilité de l'accord incombe aux parties libanaises.

Qu'en est-il de la collaboration sur le plan militaire et sécuritaire ?
Nous avons une collaboration importante, structurée, efficace, avec tous les services de sécurité libanais et avec l'armée libanaise. Avec l'armée, nous poursuivons notre coopération bilatérale et sommes en train de mettre en œuvre le programme de livraison de 15 millions d'euros en matériel, annoncé par le président de la République lors de sa visite au Liban en avril dernier. Ce programme sera complété dans les prochaines semaines et les prochains mois. Concernant le Donas (l'aide militaire saoudienne), ce que nous continuons à dire à nos amis Saoudiens, c'est qu'il faudra que ce matériel, le jour venu, puisse être livré au Liban. C'est une décision qui appartient aux autorités saoudiennes. Nous leur demandons d'envisager la possibilité que, à des conditions qu'il leur revient de définir, ces armes puissent être livrées.

Et sur le plan économique ?
Dans le domaine économique, les sociétés françaises sont bien présentes. Nous continuons à les encourager à venir. Nous recherchons, par ailleurs, de nouveaux terrains d'action franco-libanais. C'est dans cet esprit que le 20 octobre aura lieu à Paris un séminaire à la Chambre de commerce franco-libanaise qui permettra aux entreprises françaises et libanaises d'explorer entre elles leurs possibilités de travailler ensemble en Afrique. Notre message est un message de confiance dans le Liban. Les entreprises françaises continuent d'opérer à partir de ce pays dans toute la région. Elles savent qu'elles ont ici des ressources humaines importantes et de qualité et elles veulent les employer. Et nous avons beaucoup d'entrepreneurs français qui sont aussi des Libanais. Cette intimité franco-libanaise est un avantage.

 

(Lire aussi : Un forcing diplomatique en faveur de la déclaration de Baabda dans l’espoir d’une sortie de crise)

 

Nous sommes de plus en plus confrontés à des crispations sur la question des réfugiés syriens. N'y a-t-il pas des craintes que cela devienne de plus en plus un facteur de déstabilisation à l'échelle interne ?
La question des réfugiés est extrêmement sensible pour de bonnes raisons, surtout au Liban où leur présence est massive. C'est pourquoi notre aide est à la fois destinée aux communautés syriennes et également en soutien au Liban qui les accueille. Les réfugiés, par définition, sont des populations fragiles. Ce facteur de fragilisation, il faut le réduire, mais, pour ce faire, il est nécessaire de créer des conditions favorables à leur retour en Syrie. Nous le savons par expérience, pour que les réfugiés rentrent chez eux, il faut qu'ils trouvent de la sécurité, des financements pour scolariser leurs enfants et reconstruire leurs maisons. Si ces conditions ne sont pas réunies, il est toujours possible de les renvoyer en Syrie, mais il y a fort à parier qu'ils reviendront le lendemain. Afin de créer les conditions favorables à leur retour, il faut insister pour obtenir une négociation et un cessez-le-feu qui aboutissent à un accord de paix. S'il s'agit uniquement d'une reddition ou d'une capitulation aux conditions de la Russie, il n'y aura pas de financement pour la reconstruction et la stabilisation en Syrie qui permettront aux réfugiés de revenir de manière durable. Entre-temps, nous devons apporter tout notre soutien au Liban et aux pays qui supportent le poids très lourd des réfugiés. Dans une crise d'une ampleur aussi extraordinaire, je suis prêt à dire d'emblée que l'aide internationale n'est pas suffisante. Mais il faut bien comprendre, dans le même temps, que cette crise teste toutes nos limites. Nos efforts sont tournés vers un but : soutenir les réfugiés et les communautés d'accueil, permettre que les enfants reçoivent une éducation et préparent leur avenir afin que leur retour se fasse dans les meilleures conditions.

Que dire des craintes, exprimées par certaines parties, de voir les réfugiés syriens rester au Liban, comme les réfugiés palestiniens ?
La grande différence, c'est que les Syriens ont une patrie où ils peuvent rentrer. À chaque fois que je me déplace auprès des réfugiés, tous disent qu'ils veulent rentrer chez eux. Beaucoup parmi ceux que je rencontre dans la Békaa sont des gens extrêmement modestes : des ouvriers agricoles, du bâtiment, qui ont fui la périphérie de villes comme Alep, Raqqa, Deir ez-Zor, Hama, Homs... Certains sont arrivés après les grandes batailles dans la Syrie centrale en 2012-2013, mais d'autres sont arrivés récemment, suite aux opérations à Alep. La perspective du retour des Syriens est réaliste – à condition encore une fois de pouvoir en créer les conditions. Mais là, malheureusement, tant que la guerre dure, ce retour sera difficile.

Comment l'aide française se traduit-elle au niveau du dossier des réfugiés ?
L'aide française au Liban a été augmentée lors de la visite au Liban du président Hollande. Il avait alors annoncé 100 millions d'euros pour aider les réfugiés et les communautés d'accueil. Nous sommes en train de mettre en œuvre ces 100 millions avec les agences des Nations unies, les ONG et les agences gouvernementales concernées. C'est notre aide pour 2016-2017. Elle continuera d'être adaptée en fonction des besoins et des projets internationaux que nous pourrons entreprendre. Elle sera ciblée notamment sur la jeunesse et l'éducation, d'une part, et d'autre part la santé. Par ailleurs, en ce qui concerne les réfugiés, nous menons un programme de solidarité avec le Liban qui consiste à réinstaller en France des réfugiés particulièrement vulnérables se trouvant au Liban. C'est un programme qui se poursuit, suite aux annonces du président de la République, qui avait dit que nous accueillerions 3 000 personnes. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un geste de solidarité à titre symbolique.

 

(Lire aussi : François Hollande : Nous avons le devoir d’aider le Liban à assurer sa sécurité)

 

Qu'en est-il enfin sur le plan de la coopération culturelle ?
L'éducation et la culture sont des domaines très importants au cœur de notre coopération bilatérale et auxquels nous sommes très attachés. Ce que nous voulons démontrer à ce niveau, c'est que l'amitié franco-libanaise vient de loin et qu'elle a beaucoup d'avenir. Pour cela, nous prenons nos dispositions pour que l'offre française de culture et d'éducation au Liban soit adaptée aux besoins et aux envies des jeunes générations et leur permette de continuer de s'épanouir dans un cadre franco-libanais. Ce sont notamment les écoles, où nous développons des programmes innovants de francophonie et d'éducation, c'est aussi notre volonté de nous tourner vers les nouvelles technologies et de contribuer aux efforts de la Banque centrale, notamment, pour faciliter l'innovation dans ce pays. Nous avons inauguré un incubateur de start-up à l'ESA dont l'activité va continuer de se développer et qui nous a permis déjà de mettre en œuvre des projets significatifs. Ensuite, notre ambition culturelle est que la création puisse se faire à la fois au Liban et en France et que les échanges se multiplient.

Nous constatons un large succès dans de grands événements comme par exemple le Salon du livre francophone de Beyrouth. Cette année, il sera inauguré par Audrey Azoulay, ministre de la Culture, ce qui est un témoignage important de notre attention à ce secteur de notre coopération. Le Salon du livre de Beyrouth est le troisième Salon du livre francophone au monde après Paris et Montréal – 75 000 visiteurs l'année dernière. C'est un événement que nous continuons à faire évoluer pour qu'il permettre à un nombre grandissant de Libanais de nous rencontrer. Il y aura cette année des livres en arabe, une série de conférences et de discussions qui permettront de toucher à la fois aux grands sujets de l'actualité et à des questions de littérature. Nous aurons comme invité d'honneur de ce Salon un grand auteur libanais, qui est aussi très français, Salah Stétié, auquel nous rendrons un hommage particulier pour ce qu'il représente, cette fusion franco-libanaise à laquelle nous sommes attachés.

Il y a aussi, parmi les grands événements, les trophées francophones du cinéma, qui auront lieu début décembre, et qui, là aussi, nous permettront de démontrer que le Liban n'est pas seulement un pays vers lequel on exporte de la francophonie, mais un pays où les gens viennent se rencontrer pour parler ensemble de cinéma, créer des événements et se rassembler. C'est aussi quelque chose que les maires francophones ont montré récemment au Liban. Plus de 300 maires du monde entier sont venus ici dans le cadre du Congrès de l'Association internationale des maires francophones, dont la maire de Paris, Anne Hidalgo, et le maire de Strasbourg, Roland Ries. C'est la première fois depuis longtemps qu'une réunion internationale de cette ampleur a lieu à Beyrouth, ce qui est un témoignage d'engagement et de confiance.

Ces projets ne prennent-ils pas une dimension beaucoup plus significative dans le cadre de la crise mondiale que nous traversons actuellement ?
Ces événements montrent que, de notre côté, lorsque nous disons que le Liban porte un message, qu'il a un modèle de liberté et de pluralité à proposer, nous prenons cette affirmation au sérieux. Nous voulons contribuer à l'affirmation de ce modèle dans notre activité culturelle, à travers le débat d'idées, le cinéma, la littérature, notre présence importante dans le domaine de l'éducation, les facilités faites aux Libanais pour étudier, créer et vivre chez nous. La France est toujours la première destination étrangère des étudiants libanais. C'est donc une question de confiance pour nous. Cela est significatif dans un contexte de crise.

Sentez-vous qu'il y a toujours autant de répondant vis-à-vis de la culture française et de la francophonie au Liban, en dépit de la concurrence de la langue anglaise ?
Je crois qu'il faut admettre que le monde change aujourd'hui. Même les Français parlent anglais ! C'est sans doute une bonne chose. Mais cela n'enlève rien à la pertinence ni de l'offre française ni de l'amitié franco-libanaise. Dans les écoles françaises du Liban, on apprend un excellent anglais. Dans les universités anglophones du Liban, il y a d'excellents francophones. Et c'est tant mieux ! Notre responsabilité à nous, Français, c'est de continuer à proposer aux Libanais le meilleur de ce que nous avons, afin que nous restions, pour eux, un choix spontané. Nous nous donnons pour mission et pour objectif de renouveler l'offre française et de la mettre à la disposition d'un public plus large, toujours plus large, faisant la démonstration que l'amitié franco-libanaise a de l'avenir. Nous nous améliorons et continuons d'adapter notre offre, sans rien tenir pour acquis. Je constate que nous avons, au Liban, des positions dans le domaine de la culture et de l'éducation qu'aucun autre pays n'a. Je suis donc confiant pour l'avenir.

 

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commentaires (9)

tjrs se sont ceux qui sont les plus normaux et ceux qui sont sincères qui sont les plus hais du monde par ceux qui n'ont aucune culture et par ceux qui croient dans la propagande mediatique !!! merci a F.Hollande et a la France et aux Français, les plus a meme de comprendre notre realites j'espere etre publier cette fois ci !!

Bery tus

17 h 54, le 18 octobre 2016

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Commentaires (9)

  • tjrs se sont ceux qui sont les plus normaux et ceux qui sont sincères qui sont les plus hais du monde par ceux qui n'ont aucune culture et par ceux qui croient dans la propagande mediatique !!! merci a F.Hollande et a la France et aux Français, les plus a meme de comprendre notre realites j'espere etre publier cette fois ci !!

    Bery tus

    17 h 54, le 18 octobre 2016

  • "Qu'il soit maronite de Jounieh, chiite de Nabatyeh, orthodoxe d'Achrafieh, druze de Baakline, sunnite de Tripoli ou catholique de Zahlé, le Libanais est toujours (re)lié, d'une façon ou d'une autre, plus ou moins organiquement, à un corps-concept, la France". Ziyad Makhoul, L'Orient-Le Jour du 17/11/2015.

    Un Libanais

    14 h 36, le 18 octobre 2016

  • Faut dire ...qu'avec en moyenne 80/90% de français , qui expriment dans les sondages depuis des mois , leurs défiance vis à vis de Normal 1er...même ici nous voudrions savoir ...c'est quoi un Président anormal en France...?

    M.V.

    13 h 41, le 18 octobre 2016

  • La diplomatie active de F.Hollande ???? Waou !!!! Il cherche de l'avancement avant la débâcle de Normal 1er en 2017 !!!!

    FAKHOURI

    12 h 44, le 18 octobre 2016

  • C'est gentil comme tout de nous dire ça , mais ça ne se fera pas avec votre beau sourire et votre bonhommie.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 51, le 18 octobre 2016

  • JETER DE LA BOUE SUR LE PRESIDENT HOLLANDE ET SUR LA FRANCE QUI SE BAT POUR LA PAIX EN SYRIE ET POUR LA COEXISTENCE ET L,EXISTENCE MEME DU LIBAN... PAR DES LIBANAIS... EST IMPARDONNABLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 43, le 18 octobre 2016

  • Excellente interview, Monsieur l'Ambassadeur, votre ouverture d'esprit et votre parfaite connaissance des délicatesses du dossier libanais vous honorent et ravissent notre peuple libanais assoiffé d'objectivité et de transparence politiques, de sens de l'amitié et de profond respect des Institutions et des spécificités nationales. Plaise au Quai d'Orsay que vous occupiez longtemps, et surtout en ces temps difficiles, vos fonctions à l'avantage de nos deux pays...!

    Salim Dahdah

    11 h 01, le 18 octobre 2016

  • MERCI AMBASSADEUR BONNE AU PRESIDENT HOLLANDE, A VOUS ET AU PEUPLE FRANCAIS POUR VOTRE SOUTIEN DESINTERESSE... MERCI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 15, le 18 octobre 2016

  • Surtout ...! que F.Hollande ne s'occupe pas de nos affaires...! nous n'avons pas besoin, en plus de nos problèmes , que la dernière nomenklatura entièrement socialiste au pouvoir en Europe ...s'ingère dans nos affaires intérieures..

    M.V.

    07 h 34, le 18 octobre 2016

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