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Santé - Oncologie

Un type de carcinome thyroïdien retiré de la liste des cancers

L'Organisation mondiale de la santé a adopté la nouvelle appellation de cette lésion. Elle va l'introduire dans la prochaine classification des cancers qui sera publiée en 2017.

Image microscopique d’une tumeur thyroïdienne folliculaire non invasive avec noyaux de type papillaire. Crédit photo : Ronald Ghossein

Toutes les tumeurs thyroïdiennes ne sont pas des cancers et ne nécessitent pas par conséquent un traitement agressif. Une bonne nouvelle qui concerne quelque 45 000 personnes par an dans le monde, diagnostiquées avec un cancer thyroïdien appelé carcinome thyroïdien papillaire encapsulé, une variante folliculaire (CTPEVF) non invasive. Cette forme de tumeur thyroïdienne, qui constitue 15 % de l'ensemble des cas, est inoffensive, selon une étude parue en avril dernier dans la version en ligne de la revue médicale Jama Oncology (http://oncology.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=2513250).
Les chercheurs ont réussi à prouver que le CTPEVF non invasif n'est pas un cancer et ne nécessite donc pas le traitement agressif adopté pour ce type de carcinome, à savoir l'ablation totale de la thyroïde suivie d'un traitement à l'iode radioactif. Ils ont également proposé de changer le nom de cette lésion qui est désormais baptisée « tumeur thyroïdienne folliculaire non invasive avec noyaux de type papillaire (NIFTP) ».
L'étude a été effectuée par une équipe d'experts regroupant vingt-quatre pathologistes endocriniens venus de sept pays : deux endocrinologues, un chirurgien et un psychiatre. Elle a englobé 210 patients présentant un CTPEVF. Quelque 109 avaient la forme non invasive de la lésion et ont été suivis pendant dix à vingt-six ans. Les 101 autres présentaient la forme invasive du carcinome et ont été suivis entre un an et dix-huit ans. Les tissus tumoraux des patients ont été examinés par les anatomopathologistes.
À la fin du suivi, tous les patients du premier groupe étaient toujours en vie sans aucun signe de la maladie. Tous ces patients n'avaient pas reçu de traitement à l'iode radioactif et soixante-sept d'entre eux avaient subi seulement une lobectomie, c'est-à-dire une ablation du lobe thyroïdien où se trouve le nodule. Des récidives ont été constatées chez douze patients du deuxième groupe, dont cinq avec des métastases distantes. Deux d'entre eux sont décédés.
Les chercheurs ont ainsi conclu que les CTPEVF non invasifs « avaient un très faible risque de récidive et ne devraient donc pas être traités comme un cancer.

Grand soulagement
« Cette reclassification constitue un grand soulagement pour les personnes diagnostiquées avec la forme non invasive de cette lésion, d'autant qu'elles n'ont plus à endurer les conséquences psychologiques et médicales associées au traitement qui est souvent agressif et invasif », explique à L'Orient-Le Jour le Dr Ronald Ghossein, directeur du service de pathologie tête et cou au Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York, aux États-Unis, et auteur senior de la recherche.
Mais pourquoi cette lésion, qui fait l'objet de la reclassification, avait-elle été longtemps traitée comme un cancer ? Le Dr Ghossein précise que l'erreur remonte aux années 1970, « date à laquelle la tumeur encapsulée, qui était déjà considérée comme bénigne, a été mise dans le même sac que les cancers thyroïdiens invasifs, après que des anatomopathologistes ont constaté que les noyaux cellulaires de la tumeur encapsulée ressemblaient à celui de la tumeur papillaire qui, elle, est un vrai cancer ». « Ce n'est pas le cas de la tumeur encapsulée qui n'est pas invasive », constate-t-il.
Pour le Dr Ghossein, il fallait séparer ces deux types de tumeurs. En 2006, il a ainsi publié une étude dans la revue médicale Cancer qui a montré que « les tumeurs encapsulées ne récidivaient pas, même si elles ne sont pas traitées comme le cancer papillaire invasif ». L'étude avait porté sur quarante et un cas. « Cette étude n'a pas suffi pour convaincre les médecins de la nécessité de changer l'approche thérapeutique, d'autant qu'aux États-Unis, les médecins craignent beaucoup les procédures judiciaires, observe le Dr Ghossein. En raison de la désignation de cette tumeur en tant que cancer, de nombreux patients et leurs médecins optaient pour un traitement agressif, bien qu'on leur ait expliqué que ce cancer est très indolent. Cela n'a pas non plus aidé à faire baisser l'effet dévastateur de la nouvelle, d'autant que le cancer est perçu comme une sentence de mort par de nombreux patients. Cela est d'autant plus grave que le cancer thyroïdien, qui est rare, touche les personnes – les femmes plus que les hommes – à un âge jeune, entre 30 et 40 ans. Il fallait pousser encore plus loin les études et réussir à avoir un consensus général. C'est ce qui a été démontré dans le cadre de ce travail publié dans Jama Oncology, qui a été effectué par une équipe internationale. Cette nouvelle appellation de cette lésion a été adoptée par l'Organisation mondiale de la santé qui va l'introduire dans la nouvelle classification des cancers qui sera publiée en 2017. »
Le Dr Ghossein observe que le changement de la nomenclature devrait avoir un impact sur la prise en charge thérapeutique également et diminuer « le sur-traitement » de cette forme de tumeur. Ainsi, la chirurgie sera limitée à un seul lobe de la thyroïde où la tumeur est localisée. De même, le patient diagnostiqué avec ce type de lésion ne recevra plus le traitement à l'iode radioactif ni des hormones thyroïdiennes qui ne sont pas sans effets secondaires. Ces traitements chirurgicaux et médicaux peuvent entraîner en effet « une nervosité, une fatigue chronique, une atteinte des cordes vocales, une baisse du taux de calcium ou encore une chute ou une prise du poids, selon les cas », fait-il remarquer.

Quelles sont les leçons tirées de cette recherche ?
« D'abord que la médecine évolue par des erreurs ponctuelles, répond le Dr Ghossein. Dans les années 1970, les spécialistes avaient commis l'erreur de ne pas faire des études médicales sur cette lésion dans une optique de suivi. Il ne fallait donc pas classer une tumeur uniquement sur base de son apparence microscopique ou moléculaire, mais sur base du suivi également. À cela s'ajoute le fait que les personnes atteintes par ce type de lésion, bien que leur nombre soit minime, ont le droit d'être soulagées. » Et le Dr Ghossein de conclure : « Nous espérons que ce travail servira à reclasser certaines formes de cancer du sein ou de la prostate qui ne sont pas à proprement dit un cancer. »

Toutes les tumeurs thyroïdiennes ne sont pas des cancers et ne nécessitent pas par conséquent un traitement agressif. Une bonne nouvelle qui concerne quelque 45 000 personnes par an dans le monde, diagnostiquées avec un cancer thyroïdien appelé carcinome thyroïdien papillaire encapsulé, une variante folliculaire (CTPEVF) non invasive. Cette forme de tumeur thyroïdienne, qui constitue...
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