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Nos Lecteurs ont la Parole - Ghada SHAGHIEH

Lettre ouverte à Son Excellence Monsieur l’ambassadeur d’Allemagne

À Berlin, les réfugiés attendent sous la pluie pour se faire enregistrer auprès des autorités. La route de beaucoup d’entre eux passe par le Liban.

Je vous adresse cette lettre, Excellence, et je commencerai par citer votre grand écrivain qui fait la fierté de votre pays, Goethe, qui a dit : « Je n'écris pas pour vous plaire, mais pour vous enseigner quelque chose. » Je vous écris donc pour vous annoncer que je cède mon appartement qui se trouve dans la même rue que votre ambassade. Vous pouvez ne pas vous sentir concerné par cette information. Pourtant, vous en êtes la cause. Depuis que votre gouvernement a décidé d'accueillir des émigrés syriens dans votre pays et que vous avez décidé que ces émigrés devaient présenter leurs dossiers d'accueil dans les locaux de votre ambassade qui se trouve dans un quartier résidentiel, ma vie est devenue insupportable.
Depuis plus d'un an, notre ruelle, qui était un havre de paix, voit arriver chaque jour des centaines de réfugiés syriens fuyant leur pays, alors que l'infrastructure du quartier ne permet pas un tel afflux de personnes. Pendant la journée, il est devenu impossible de sortir de la rue et de se garer tant le nombre de voitures de ces émigrés est devenu important, prenant même les places réservées aux résidents ou les bloquant. Même les voitures des pompiers de la caserne qui se trouve à côté ne parviennent souvent pas à passer pour aller remplir leurs missions. Refusant d'assurer un espace fermé réservé à ces réfugiés, avec des toilettes, votre ambassade les contraint à manger dans la rue, à y changer les couches de leurs enfants et même à y faire leurs besoins, devant tout le monde. Dernièrement, certains se sont même aventurés à faire des barbecues devant votre ambassade, au risque de créer un incendie, d'autant qu'il existe en face un terrain vague plein de broussailles desséchées. Par honte et par pudeur, je vous épargne certains détails... Juste une question, cependant : votre gouvernement aurait-il permis qu'une ambassade étrangère se comporte ainsi en Allemagne ?
Tous les résidents de la rue se sont plaints aux deux municipalités de Kornet Chehwan et de Mtaïleb, car chaque côté de la rue dépend d'une d'elles, et toutes les deux vous ont adressé plusieurs notifications. Mais vous et votre ambassade avez fait la sourde oreille. Est-ce le travail des municipalités d'assurer le nettoyage de la rue, pour un amoncellement d'ordures dont vous êtes responsable ? Est-ce le travail des agents de police de demander aux réfugiés qui viennent à votre ambassade de gérer la circulation avec toutes ces voitures qui se garent d'une façon anarchique ? Est-ce leur travail aussi d'empêcher les réfugiés de dormir en face de votre ambassade pour être les premiers reçus le lendemain ?
Il devient de plus en plus difficile de les empêcher de camper et de les convaincre de quitter les lieux. Et le risque que cela tourne à la violence augmente chaque jour. Êtes-vous prêt à assumer la responsabilité des conséquences de leur présence, surtout si un agent municipal se fait agresser ? Car vous n'êtes pas sans savoir que face à votre refus d'aider à résoudre ce problème, vous serez considéré comme l'unique responsable.
Si j'ai mis tellement de temps à écrire cette lettre, c'est parce que j'étais déchirée par la misère de ces réfugiés qui viennent à la recherche d'un avenir et d'une vie décente. Mais aujourd'hui, c'est moi qui suis déchirée par ce cauchemar qu'est devenue ma vie. Je veux pouvoir retrouver mon calme d'avant votre décision de recevoir tous ces émigrés. Je veux pouvoir exercer mon métier de peintre à nouveau, pouvoir aller marcher sans avoir à supporter tous ces regards qui se retournent sur moi dès que je passe. Je ne veux plus avoir à sentir les gaz d'échappement des voitures qui roulent au mazout chaque fois que j'ouvre ma fenêtre. Je veux pouvoir retrouver mon jardin propre sans les détritus qui y sont jetés. Le sujet des Syriens étant tabou dans ce pays, aucun des députés de la région n'a voulu en parler et encore moins les médias qui n'osent pas en faire un reportage pour ne pas être accusés de racisme. Que vous ne respectiez pas l'État libanais qui est en faillite, c'est votre droit. Mais que vous méprisiez ainsi les civils qui sont vos voisins, et vous ont accueilli les bras ouverts quand vous vous êtes installé dans le quartier, je ne peux pas l'admettre. D'autant que votre gouvernement et votre chancelière ne cessent de répéter que l'accueil des réfugiés syriens est un devoir humanitaire. Aux dépens des civils libanais ? Votre humanisme ne fait pas de doute, mais il devrait aussi englober notre rue. Sauf s'il est à deux vitesses...
Devant votre refus de répondre aux conseils des municipalités, et votre refus de collaborer pour déménager vos bureaux ailleurs, ou mieux, organiser les rendez-vous pour recevoir les émigrés à l'instar d'autres ambassades pour les demandeurs de visas, devant votre souci de traiter dignement les émigrés syriens, dans le but d'attirer une main d'œuvre bon marché, je me trouve obligée de céder mon appartement, d'aller louer une maison ailleurs alors que je suis propriétaire et de devenir réfugiée dans mon propre pays. Peut-être alors aurai-je la chance de pouvoir être reçue par les services compétents de votre ambassade...

Je vous adresse cette lettre, Excellence, et je commencerai par citer votre grand écrivain qui fait la fierté de votre pays, Goethe, qui a dit : « Je n'écris pas pour vous plaire, mais pour vous enseigner quelque chose. » Je vous écris donc pour vous annoncer que je cède mon appartement qui se trouve dans la même rue que votre ambassade. Vous pouvez ne pas vous sentir concerné par...

commentaires (6)

Vous avez parfaitement raison d'être hors de vous ... mais je me demande s'il n'est pas aussi de l'essor des municipalités et de leur polices locales en tandem avec l'ambassade de l'Allemagne de veiller à la propreté, la sécurité ainsi que la circulation de leurs résidants?? Je me pose la question et vous la pose à titre de curiosité... Mais n'oublions pas le point le plus important: nous sommes dans le bled du Wa'Wa' où la loi de la jungle est la plus forte! (just saying ;) )

T Myriam

01 h 21, le 07 septembre 2016

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Commentaires (6)

  • Vous avez parfaitement raison d'être hors de vous ... mais je me demande s'il n'est pas aussi de l'essor des municipalités et de leur polices locales en tandem avec l'ambassade de l'Allemagne de veiller à la propreté, la sécurité ainsi que la circulation de leurs résidants?? Je me pose la question et vous la pose à titre de curiosité... Mais n'oublions pas le point le plus important: nous sommes dans le bled du Wa'Wa' où la loi de la jungle est la plus forte! (just saying ;) )

    T Myriam

    01 h 21, le 07 septembre 2016

  • Si l’ambassade d’Allemagne n’a pas la décence de mettre un terme immédiat à ses troubles de voisinage, c’est aux ministères des Affaires Etrangères et de l’Intérieur de prendre leurs responsabilités et de protéger les victimes de ce genre d’abus.

    Citoyen volé

    18 h 05, le 06 septembre 2016

  • BIEN DIT ET BIEN ECRIT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 23, le 06 septembre 2016

  • L'auteur de l’article est bien claire, elle ne demande pas à chasser les syriens elle appelle simplement l'ambassade à prendre les mesures nécessaires afin que ces refugiés soient reçus dignement dans un lieu d'accueil approprié et que leurs droits ne leur soient pas accordés au dépends des droits des citoyens. Elle appelle à mettre sur un pied d'égalité les droits des refugies et ceux des résidents. Par ailleurs, qu’on soit « pauvres refugiés » ou pas n’a rien avoir avec le respect des règles de l'hospitalité et de civilité!

    QUANTUM COMMUNICATIONS

    11 h 24, le 06 septembre 2016

  • Mr ch f Ils peuvent aller dans une rue concue pour les ambassades au lieu de pisser et chier et foutre la pagaille devant nos apartements Quell culot de les defendre!!!!

    ROY BADARO

    09 h 33, le 06 septembre 2016

  • Mais où iront ces pauvres réfugiés solliciter un visa pour l’Allemagne qui leur accorde un droit d’entrée et un accueil qu’ils n’ont plus chez nous ? Où ?

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    07 h 11, le 06 septembre 2016

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