Il est évident que la polémique opposant la ministre des déplacés, Alice Chaptini, au chef du Courant patriotique libre, le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, n'est pas près de prendre fin.
Au lendemain du discours de M. Bassil, dans lequel il a qualifié de « maudit » celui qui essaie de bouter le CPL hors du gouvernement, estimant que « le parti représente 86 % des chrétiens du pays », Mme Chaptini a tiré à boulets rouges sur le chef de la diplomatie et la formation qu'il préside en dénonçant ce qu'elle appelle « le monopole aouniste de la représentation des chrétiens ». Dans un entretien accordé samedi à la MTV, la ministre des Déplacés a déclaré : « Maudit soit celui qui n'élit pas un président de la République », stigmatisant, par la même occasion, l'emploi du terme « maudit ». Elle a estimé que M. Bassil, « bon gré, mal gré, mène le pays vers la partition, ou, dans le meilleur des cas, vers le fédéralisme ».
Dans la nuit de samedi à dimanche, des partisans de la formation de Michel Aoun ont planté le drapeau du CPL à l'entrée du domicile de Mme Chaptini, à Jbeil. Ils n'ont pas manqué aussi d'effacer le nom de l'ancien chef d'État, Michel Sleiman, gravé sur un monument ornant une place publique, baptisée « place du président Michel Sleiman ». Les jeunes CPL ont remplacé le mot « Sleiman » par le mot « Aoun », en allusion au chef du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, le député Michel Aoun.
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« Le CPL devrait refaire ses comptes »
Joint par L'Orient-Le Jour, l'ancien chef d'État a commenté l'incident : « Est-ce que Jbeil est devenue les fermes de Chebaa pour y planter un étendard ? » Michel Sleiman s'est également posé la question de savoir si « l'atteinte portée au domicile d'une ministre est un bon exemple de démocratie, pour un parti qui dit la respecter » ? Selon l'ancien chef d'État, « le directoire du CPL devrait refaire ses comptes et ne pas accepter l'infiltration d'éléments indisciplinés dans les rangs de ses activistes et partisans ».
Il a stigmatisé, par ailleurs, les propos de Gebran Bassil. Pour Michel Sleiman, « l'emploi du terme "maudit" relève du blasphème, comme s'il ne nous manquait que cela dans notre vie politique ».
Concernant le lien établi entre cet incident et le boycott aouniste de la dernière séance gouvernementale, l'ancien président de la République se contente de rappeler que « les deux tiers des ministres chrétiens ont pris part au Conseil des ministres de jeudi, la séance était donc conforme au pacte national ».
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« Des comportements infantiles »
De son côté, Alice Chaptini semble résolue à poursuivre sa mission de ministre « soucieuse du pays et de ses citoyens », en dépit de tout obstacle. « Je dis les choses honnêtement pour rectifier le tir, parce que j'ai peur pour le Liban », dit-elle à L'OLJ, avant de poursuivre : « Je respecte M. Bassil, mais son orgueil me dérange, ainsi que ses comportements provocateurs. » Selon elle, « l'important n'est pas les chiffres et les taux de représentation populaire, mais les besoins de la population dont est responsable le gouvernement, et c'est là que la formation de M. Bassil devrait déployer ses efforts ».
« Je ne crains pas les comportements infantiles », assure-t-elle, avant d'indiquer que « cet acte cache entre ses lignes un échec politique ressenti par le CPL ».
Cet incident serait-il porteur d'un message politique aouniste adressé à Michel Sleiman ? Alice Chaptini répond d'un ton ferme : « À travers ses accomplissements, Michel Sleiman a gravé son nom dans l'histoire du Liban et n'a pas besoin d'une place publique ou d'un monument pour pousser les gens à se souvenir de lui. » La ministre ne manque pas de faire savoir que l'ancien chef d'État n'a pas été informé des déclarations qu'elle avait faites avant la séance gouvernementale, ni de l'entretien accordé samedi à la MTV.
« Réaction populaire légitime »
Si l'incident a été lié au long désaccord politique entre Michel Sleiman et le courant aouniste, ce dernier a expliqué l'incident par une « réaction populaire légitime ». « La réaction populaire des gens ne peut être mesurée ou limitée », soulignent des sources au sein du CPL, interrogées par L'OLJ, avant de noter que « les propos de Mme Chaptini ont provoqué nos partisans qui ont riposté ».
Dans les mêmes milieux, on est soucieux d'écarter la dimension personnelle : « Nous n'avons pas porté atteinte à la personne de Mme Chaptini, mais cela n'occulte aucunement notre droit de nous opposer à ses propos concernant l'importance de la qualité et non de la quantité », ajoute-t-on de même source, avant de poursuivre : « L'incident observé sur la place publique de Jbeil n'est autre que la manifestation populaire de l'incapacité des chrétiens à élire celui qui les représente le mieux, en l'occurrence Michel Aoun, à la présidence de la République. Il est donc tout à fait normal de voir nos partisans manifester cette frustration, après deux ans de vacance au niveau de la première magistrature de l'État. »
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17 h 39, le 30 août 2016