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Culture - Rencontre

« Ce qui est tabou, ou 3ayb, est difficile à dire en arabe »

Figurant parmi le top cinq du « New York Times » des auteurs arabes à suivre, Saleem Haddad, écrivain aux origines brassées, a présenté lors d'un passage à Beyrouth son premier roman, « Guapa ».

Saleem Haddad s’inspire de la mosaïque de ses origines, qu’il refuse de simplifier au risque de les trahir.

« 3ayb. » Dès les premières lignes du roman anglophone Guapa, un best-seller déjà en rupture de stock, Saleem Haddad confronte le lecteur à la notion de honte, trop souvent inhérente aux expériences homosexuelles.
Guapa est l'histoire palpitante d'une journée après une nuit d'enfer. Rasa, jeune homme gay, arabe et musulman, s'est fait surprendre par sa téta alors qu'il était au lit avec Taymour, son amoureux. Les vingt-quatre heures qui suivent narrent l'itinéraire déboussolé de ce jeune homme. Sans nouvelles de Taymour et redoutant la confrontation avec sa grand-mère, Rasa tente de retrouver son ami Maj, activiste et drag-queen qui s'est fait arrêter par la police à Guapa, bar clandestin et repaire de leurs soirées queer.
Les personnages de ce récit fictif gravitent en embargo autour du mot 3ayb, en quête d'identité dans une société où être gay, c'est haram.
« Guapa décrit les dénis de vérités, les nécessités de jouer un rôle et de présenter une fausse image de soi afin de s'intégrer en société. C'est partout pareil, mais ici les enjeux sont plus importants », a noté Saleem Haddad lors d'une discussion croisée avec la poétesse palestinienne Jehan Bseiso, à Dar Bistro and Books.
L'auteur nous offre des allers-retours dans la mémoire de son personnage, au cours desquels Rasa explore subrepticement sa sexualité à travers les chansons de Georges Michael et les films érotiques de la chaîne polonaise Polskasat. Rasa raconte son besoin d'appartenir à un endroit, quelconque, même dans les méandres des mots obscurs du dictionnaire ; « ana louti » (« je suis gay »). La prose de Haddad est poignante et éloquente, franchissant les limites de l'intimité quand il s'agit de parler d'amour, tant physique que platonique. « Je suis un animal, vil, dégoûtant, assouvissant salement mes désirs. » Par un vocabulaire cru, Saleem Haddad touche aux idées reçues selon lesquelles l'homosexualité est une maladie tout juste importée d'Occident, niant des siècles d'existence de ces pratiques sexuelles partout dans le monde.
Ce premier roman aborde sans ambages les dessous d'une orientation sexuelle que la loi prohibe, dévoilant les réalités ineffables d'un amour trop puissant pour être confiné dans les geôles du silence. Sans prétention de provoquer, de faire rire ou faire pleurer, l'auteur livre un saisissant regard sur un sujet universel en offrant une perspective levantine. Saleem Haddad raconte ce que peu ont raconté, conjuguant dans le contexte moderne postprintemps arabe les thèmes de la religion et de la sexualité, deux hémisphères qui se confrontent dans l'une des régions les plus complexes du monde.
L'auteur exempte ses lecteurs d'une diatribe dirigée vers un territoire désigné en ne nommant jamais ce pays en déliquescence, ébranlé par les révolutions et l'effervescence d'un peuple qui veut prendre la rue pour reprendre la vie. Il justifie ce choix comme un gage de liberté, pour son imagination et son écriture, qu'il ne souhaite pas politiser. Traçant des parallèles, l'écrivain s'inspire de la mosaïque de ses origines, qu'il refuse de simplifier au risque de les trahir. De père libano-palestinien, de mère irako-allemande, Saleem Haddad a vécu à Oman, au Liban, en Jordanie, à Chypre et au Canada. L'auteur a choisi l'anglais comme langue d'écriture, souhaitant « franchir les barrières lexicales et sociales » car « ce qui est tabou est difficile à dire en arabe ».
Par ce récit à la première personne, Saleem Haddad explique que les questions soulevées dans ce livre sont celles qu'il s'est lui-même un jour posées, reflets de ses errances, témoins de sa résilience. S'il espère « fournir une plateforme de dialogue », l'auteur refuse néanmoins de se proclamer porte-parole de la communauté LGBT, n'étant « qu'une voix parmi d'autres ». Il conclut : « La sexualité est une approche personnelle et unique. Il serait réducteur de représenter par mon seul personnage une pluralité d'expériences. »

 

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