En Syrie, le plan russo-iranien se déroule comme prévu. Après avoir consolidé les positions du régime sur la Syrie utile puis repoussé les rebelles, les deux parrains de Bachar el-Assad sont désormais sur le point d'asséner un coup qui pourrait être fatal à l'opposition. En coupant la route du Castello le 17 juillet dernier, les forces loyalistes ont de facto encerclé la partie est de la ville d'Alep, contrôlée par les forces rebelles. Plus de 200 000 personnes se retrouvent ainsi piégées, en manque de tout. En usant de cette tactique, les forces du régime obligent les rebelles présents dans la ville à faire un choix décisif : soit ils tentent une action désespérée pour briser le siège, soit ils se rendent et acceptent la défaite.
Pour l'heure, ils ont fait le choix de la confrontation militaire, quitte à s'allier avec des groupes plus radicaux en provenance d'Idleb, comme le Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra). Cette coopération, dont l'enjeu est existentiel pour les groupes rebelles, a été facilitée par la rupture officielle entre le Front al-Nosra et el-Qaëda le 28 juillet dernier. Loin de couper entièrement ses liens avec la maison mère, avec qui il partage toujours la même idéologie, le Front al-Nosra a démontré sa capacité à s'adapter au contexte local pour inscrire son projet dans le long terme. Cette rupture lui permet en effet de collaborer de façon plus étroite avec les autres groupes rebelles et d'être considéré, en raison de ses effectifs importants (plus de 10 000 hommes), comme un allié indispensable dans la bataille d'Alep.
Cette bataille est sans doute la plus importante depuis le début de la guerre en Syrie. Opposés aux forces du régime et à leurs alliés iraniens et du Hezbollah, bombardés par l'aviation russe, les rebelles jouent leur survie à Alep. Et ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
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Un deal remis en question ?
Les États-Unis, seule puissance capable de rééquilibrer les rapports de force, ont clairement décidé de ne pas bouger. Depuis l'été 2014, ils ont fait de la lutte contre les groupes jihadistes une priorité en Syrie, quitte à laisser les Russes prendre les commandes de la partie. À quelques mois de la fin de son mandat, Barack Obama ne semble pas avoir l'intention de bouleverser cette donne : l'objectif est plutôt la reprise de Mossoul, voire celle de Raqqa, des mains de l'État islamique (EI) plutôt que le départ de Bachar el-Assad. Pour ce qui est de la transition politique, Washington cherche à conclure un partenariat avec l'autre parrain des négociations : Moscou. Les États-Unis auraient en effet conclu un deal avec les Russes qui suppose qu'ils coordonnent leurs frappes contre l'EI et contre le Fateh el-Cham, en échange de quoi les Russes s'engageraient à faire pression sur M. Assad.
Mais les évolutions récentes rendent cette coopération plus difficile. D'une part, les Russes continuent de gagner du terrain sur les rebelles, ce qui empêche toute perspective de transition politique. D'autre part, le Fateh el-Cham est désormais infiltré parmi les autres groupes rebelles. Même s'ils ont insisté sur le fait qu'ils n'avaient pas changé leur position vis-à-vis du groupe jihadiste, les États-Unis iront-ils jusqu'à bombarder les autres groupes rebelles, appuyant de la sorte, de façon objective, les troupes du régime ?
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Barack Obama a déclaré jeudi qu'il n'avait « pas confiance » dans la volonté du président russe Vladimir Poutine de coopérer pour trouver une issue au conflit syrien. « La Russie n'est peut-être pas capable d'y parvenir, soit parce qu'ils ne le veulent pas, soit parce qu'ils n'ont pas assez d'influence sur Assad. Et c'est ce que nous allons évaluer », a-t-il ajouté. Cela remet-il pour autant en question la coopération entre les deux grandes puissances ?
Sans un minimum de coopération entre les Russes et les Américains, les négociations de Genève n'ont aucune chance de reprendre. Jeudi, l'envoyé spécial adjoint de l'Onu pour la Syrie, Ramzy Esseldin Ramzi, se disait confiant sur une reprise des pourparlers sur la paix en Syrie à la fin août. Mais compte tenu de l'évolution de la situation sur le terrain, on ne voit pas comment ces négociations pourraient reprendre. Et auquel cas, que pourrait encore négocier l'opposition avec un rapport de force totalement à son désavantage ?
Pour l'heure, M. Assad et ses alliés ont gagné leur pari. L'opposition n'a plus qu'un seul espoir auquel s'accrocher : une victoire de Hillary Clinton à la présidentielle américaine et un changement de politique en Syrie. Mais même si ce scénario prend forme, il sera probablement déjà trop tard.
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J’ai visité Alep un an avant le début des évènements. Ville merveilleuse !! Multi millénaires Alep renaîtra de ces cendres sans aucun doute! Elle puise sa force dans sa longue et riche histoire liée à sa position géo-stratégique. Elle restera de fait un des grands carrefours du Moyen Orient. Une fois que les kalaches se seront tues, les populations reviendront y vivre et y commercer à nouveau pour quelques autres millénaires (n'en déplaise à Erdogan). Tout ce que l'on peut souhaiter dans un proche avenir est que la paix revienne et que les populations ne soient plus les otages de ce conflit. Aussi il faut dire à ceux qui ont permis à de simples manifestations contre Assad de se transformer très vite en révoltes armées puis en guerre contre le terrorisme qu'ils porteront devant l'histoire la lourde responsabilité de tous ces massacres de populations du Moyen Orient et d'Europe. Ce qui me désole le plus en tant que français, c'est l'ingérence de nos gouvernements dans un conflit qui place la France en complète opposition avec sa ligne politique depuis le Général De Gaulle. Rappelons nous du discours de Villepin aux nations unies concernant l'Irak, ça avait une autre tenue que les incantations actuelles de certains hommes politiques français.
21 h 36, le 06 août 2016