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Politique - Décryptage

Macron au Liban au nom de l’UE, mais le nœud reste le même

Sauf imprévu, le président français Emmanuel Macron devrait effectuer sa troisième visite au Liban cette année le 23 décembre. Selon des sources diplomatiques occidentales, au cours de cette visite qui intervient après celle du 6 août puis celle du 1er septembre, le président français devrait s’adresser aux responsables et au peuple libanais en parlant au nom de l’Europe, et non pas seulement de la France. Ce qui est supposé donner plus de poids et de force à son discours, les Français ayant découvert qu’en dépit du besoin pressant des Libanais d’une aide étrangère et de l’influence certaine de la France dans ce pays, ils ne sont pas en mesure de pousser ces derniers à former un gouvernement « de mission » chargé de déclencher le processus de réformes pour permettre au Liban de regagner la confiance internationale et d’attirer de nouveau les fonds étrangers.

L’idée du président Macron était pourtant simple. Dans la foulée de la tragédie du port de Beyrouth et face à l’état de choc dans lequel se trouvaient les Libanais qui se sentaient lourdement frappés et seuls, il a voulu témoigner la solidarité de la France et, en même temps, lancer une initiative capable de sortir le pays de la crise économique et financière rendue encore plus terrible par la double explosion au port de Beyrouth. Il proposait donc de former un gouvernement de spécialistes, qui n’exclut toutefois personne puisqu’il faut respecter les institutions en place et parce qu’en définitive, tout gouvernement doit obtenir la confiance du Parlement. Les partis politiques pouvaient donc soit choisir, soit donner leur aval aux ministres du nouveau gouvernement, mais ces derniers n’auraient pas une appartenance politique flagrante.

En principe, l’idée avait été acceptée par les représentants des principaux blocs parlementaires, et le choix pour former le gouvernement s’était fixé sur l’ambassadeur Moustapha Adib le 31 août à la veille de la seconde visite de Macron à Beyrouth. Le choix semblait conforme aux propositions françaises, et M. Adib devait profiter de l’élan qui l’avait poussé vers cette fonction délicate. Toutefois, très vite les pièges libanais ont commencé à surgir. Il y en avait pratiquement deux : d’abord, Moustapha Adib n’avait pas été réellement choisi, mais imposé indirectement à travers une liste de trois noms dont deux étaient inacceptables pour le camp adverse. Ensuite, il s’est retrouvé pris en étau entre, d’un côté, un durcissement des positions chiites après les sanctions américaines imposées le 8 septembre aux deux anciens ministres Youssef Fenianos (Marada) et surtout Ali Hassan Khalil (Amal), et, de l’autre, la volonté des anciens Premiers ministres de ne pas laisser les chiites obtenir le ministère des Finances.

Adib s’est donc récusé le 26 septembre et Saad Hariri l’a remplacé le 22 octobre, portant ainsi un coup à l’initiative française, puisqu’il n’a pas le profil d’un spécialiste et qu’il est le chef d’un parti et d’un large courant politique. Les Français ont accepté cette entorse parce que Saad Hariri est le plus important représentant de la communauté sunnite, et, après tout, si les autres parties libanaises l’acceptent, pourquoi ne pas en faire de même...

Toutefois, c’est par cette brèche que les autres parties politiques se sont imposées de nouveau dans le processus de formation du gouvernement. Le CPL a immédiatement brandi le principe du critère unifié. Autrement dit, ce qui est bon pour M. Hariri doit l’être aussi pour les autres parties, et le tandem chiite a exigé le droit de choisir les ministres chiites. Même chose pour le chef du PSP, Walid Joumblatt, et d’autres formations, comme les Marada et le Tachnag. S’abritant derrière l’initiative française qui prévoyait le choix de ministres spécialisés n’ayant pas d’allégeance claire à des parties politiques, Saad Hariri a bien essayé d’écarter tout le monde pour choisir seul ou avec des parties discrètes les ministres de son gouvernement en gestation. Mais il s’est là aussi heurté à deux obstacles : d’abord, le président de la République qui revendique le droit de participer à la formation du gouvernement, selon les dispositions de la Constitution. Ensuite, les promesses qu’il avait faites aux chiites et au PSP, et même à d’autres, pour obtenir leurs voix dans les consultations parlementaires obligatoires. Les sanctions américaines contre le chef du CPL, Gebran Bassil, annoncées le 7 novembre, sont venues compliquer encore plus la situation.

Aujourd’hui, on en est donc au même point. Aux dernières nouvelles, Saad Hariri aurait assoupli sa position, acceptant que le chef de l’État choisisse 4 sur 9 ministres chrétiens dans un cabinet de 18 membres (lors de la dernière rencontre entre lui et le chef de l’État, il lui avait laissé la possibilité d’en choisir deux seulement). Mais cette décision sera-t-elle suffisante pour satisfaire le président Michel Aoun et les autres parties qui estiment avoir le droit de participer au choix des ministres, à partir du moment où M. Hariri lui-même est une personnalité politique ?

Selon des sources politiques qui suivent de près le dossier, s’il y avait une réelle intention d’entente, il serait aisé de trouver des personnalités acceptables de tous pour participer au gouvernement en soufflant leurs noms au président du Conseil désigné, tout en donnant l’impression aux Libanais que c’est lui qui les a choisies. Mais, selon ces mêmes sources, le véritable nœud est ailleurs. Il réside dans une volonté américaine de poursuivre la politique de pressions maximales sur le Liban pour le pousser à isoler le Hezbollah. La France avait essayé de contourner cette exigence, mais le processus n’a pas abouti. Aujourd’hui, l’Union européenne prend le relais pour tenter d’obtenir la formation d’un nouveau gouvernement. Selon des sources diplomatiques occidentales, certains États européens considèrent en effet que la France n’est pas assez ferme avec le Liban, et en particulier avec le Hezbollah, avec l’aile politique duquel elle continue à avoir des relations officielles. Si l’Union européenne s’en mêle et parle d’une voix unifiée, peut-être que le message aura plus de chances d’être entendu par les Libanais, et en particulier par le Hezbollah, précisent les mêmes sources diplomatiques... D’autant que les besoins du pays se font de plus en plus pressants. Mais le gouffre dans lequel s’enfonce le Liban sera-t-il suffisant pour assurer une sortie de crise ? Tant que le rapport des forces internes restera le même et que le bras de fer entre l’Iran, d’une part, et les États-Unis, de l’autre, se poursuivra avec cette intensité, il est difficile de croire au père Noël, même un 23 décembre.

Sauf imprévu, le président français Emmanuel Macron devrait effectuer sa troisième visite au Liban cette année le 23 décembre. Selon des sources diplomatiques occidentales, au cours de cette visite qui intervient après celle du 6 août puis celle du 1er septembre, le président français devrait s’adresser aux responsables et au peuple libanais en parlant au nom de l’Europe, et non pas...

commentaires (3)

Le 23 décembre est un bon choix dans la date ! Le Roi Mage "quoi qu'il en coûte" ne fera plus de cadeaux en 2021, les caisses sont vides et la dette dépasse largement le PIB de la France... J'ai honte que mon Président se fasse ridiculiser à Paris par Sissi et à Beyrouth par Aoun !

DM

20 h 23, le 08 décembre 2020

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Commentaires (3)

  • Le 23 décembre est un bon choix dans la date ! Le Roi Mage "quoi qu'il en coûte" ne fera plus de cadeaux en 2021, les caisses sont vides et la dette dépasse largement le PIB de la France... J'ai honte que mon Président se fasse ridiculiser à Paris par Sissi et à Beyrouth par Aoun !

    DM

    20 h 23, le 08 décembre 2020

  • Heureusement que le ridicule ne tue pas! Venir ici pour quoi faire? Khalass, faut se rendre a l'evidence le Liban est foutu!

    IMB a SPO

    15 h 29, le 08 décembre 2020

  • Il n' y a plus rien a décrypter chère Scarlett tant la félonie est aujourd' hui claire. Trahison envers le peuple libanais, trahison des mandats politiques par les gouvernants, crimes financiers à ciel ouvert, enrobés de fonctionnnement institutionnel creux et factice. . Le bouchon de lave va sauter tot ou tard, et certains vont sentir le brasier sous leurs f...es !

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 59, le 08 décembre 2020

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