Il est une qualité que la musique, entre tous les arts, est seule à posséder : elle réchauffe, elle réconforte, elle apporte une compagnie. En matière musicale, on reçoit dix fois plus qu'on n'a donné. Une sympathie instantanée jaillit entre deux inconnus qui se découvrent un amour commun pour l'interprétation musicale : le son du violon et du piano. Sentir ce lien, chaleureux quoique invisible, ne serait-ce qu'une minute, donne un solide rempart dont s'entoure tout être adulte : quelle magnifique satisfaction !
Peut-être cette communion chaleureuse en même temps qu'impersonnelle explique-t-elle l'envie que provoquent certains grands concerts à nous inviter à faire partie de l'auditoire. Le groupe musical, voilà la clef du plaisir offert par la musique ! L'amateur de concert aime s'abreuver de symphonies comme l'enfant s'abreuve du chant du rossignol.
Vieille histoire que celle du pouvoir de la musique, capable d'entraîner les hommes à la guerre, de les porter à l'amour, de les mener à Dieu. Elle ne fait pas d'ailleurs qu'entraîner : elle pose parfois ses mains bienfaisantes sur l'esprit égaré, qu'elle apaise et guérit. Voilà le rôle que joue la musique pour l'homme. Toute la vie, elle est sa consolatrice. L'adolescent malheureux, autrefois, allait se réfugier au milieu des bois pour y trouver un réconfort ; mais à présent, une fois adulte, il a besoin d'un philtre plus puissant. Les sombres collines boisées ne répondent pas à l'écho d'une voix en quête de consolation. Tandis que la musique, elle, ne faillit jamais. La musique parle et la réplique se fait dans son cœur ; il est consolé. Son sang tiède se réchauffe lentement ; il sent gonfler et irriguer ses veines. Puis le cœur commence à battre plus vite. Une fois encore, il tressaille, avide d'ondes sonores et envoûtantes. Une fois encore, l'homme est aveuglé de la splendeur qui l'entoure par ces mélodies qui le font rêver.
Dans notre entourage, on connaît nombre de foyers où des gens se préparent à devenir des auditeurs fidèles à la musique. Et cela demande beaucoup de bonne volonté de leur part. Ils ont commencé à suivre les programmes de concerts émis par la chaîne satellitaire Mezzo avec beaucoup de passion. La plupart des auditeurs n'ont pas atteint encore la quarantaine. Peu à peu, ils s'attachent à la musique classique, ils contemplent la beauté du génie de Chopin, de Beethoven, de Mozart, de Brahms et les autres. Ils regrettent de n'avoir pas pu consacrer par le passé plus de temps à la musique ni lui avoir accordé plus de place en leur âme durant leur existence. Quand ils s'avanceront dans leur connaissance de la musique et l'audition des grandes œuvres des maîtres de la musique, ils auront, à ce qui semble sûr, une demeure plus vaste pour les « accueillir tous un à un ». II est fort important, fort agréable, d'avoir une amie avec laquelle se promener et s'extasier en paix, le cœur net, le cœur en repos, le cœur chaud, le cœur en musique prêt à recevoir l'esprit musical qui, peut-être avec sa baguette magique, choisira de l'habiter pour le reste de ses jours et de ses nuits de veille en assistant, découvrant les grands et les petits concerts.

Sylvain THOMAS