Le pouvoir turc a entamé vendredi un grand ménage au sein de ses forces de sécurité, une semaine après le putsch manqué du 15 juillet qui a notamment pris en défaut son puissant service de renseignement.
Malgré les critiques occidentales persistantes, les purges ne connaissent pas de pause : des mandats d'arrêt ont été émis contre 300 militaires du régiment de la garde présidentielle.
Et 10.856 passeports de service de personnes, notamment de fonctionnaires, susceptibles de fuir ou arrêtées, ont été annulés vendredi.
Dans la soirée, le président Recep Tayyip Erdogan s'entretenait avec le patron du service de renseignement, le MIT, Hakan Fidan, tout-puissant il y a une semaine encore, mais qui apparaît désormais fragilisé.
Regrettant de "très graves failles dans le renseignement", le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus a concédé ne toujours pas savoir qui était le grand organisateur du putsch sur le terrain.
Autre mesure forte, le passage sous tutelle du ministère de l'Intérieur de la gendarmerie, qui dépendait jusqu'à présent de la Défense.
Après six jours de soutien populaire massif dans les rues, le Premier ministre Binali Yildirim a appelé les partisans de M. Erdogan à se garder de tout esprit de "vengeance" à l'encontre des auteurs de la tentative de putsch qui a fait 265 morts, dont 24 mutins. "Nos institutions sont maîtres de la situation et à pied d'oeuvre. Ne cédez à aucune provocation !", a exhorté le chef d'un gouvernement qui a décrété jeudi l'état d'urgence, pour la première fois en près de quinze ans.
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Avenue des Martyrs
Jeudi soir, les partisans du président, ceux qu'il loue comme son "peuple héroïque", ont encore répondu par dizaines de milliers à son appel, sur le pont enjambant le Bosphore à Istanbul, à Ankara mais aussi dans d'autres villes. Un rassemblement qui s'annonce massif est prévu pour dimanche place Taksim.
La municipalité d'Istanbul a décidé de rebaptiser l'artère devant la mairie "avenue des martyrs du 15-Juillet", date à laquelle il sera chaque année tendu hommage aux victimes du putsch. S'il a de nouveau fustigé les mutins, ces "monstres", Binali Yildirim a également montré le doigt vers les services de sécurité, notamment le MIT.
Il a expliqué avoir appris qu'un putsch était en cours 15 minutes après son déclenchement, par "nos gardes du corps et nos concitoyens, par nos compagnes et nos amis". "C'est-à-dire qu'avant cela, nous n'avions reçu aucune information sur l'ampleur de la menace, sur ce qu'il se passait", a-t-il déclaré.
M. Erdogan avait déjà expliqué avoir appris par son beau-frère la tentative de le renverser, n'échappant que de justesse à un commando venu l'arrêter ou le tuer dans la station balnéaire de Marmaris (ouest) où il était en vacances en famille.
Avant les mandats d'arrêt contre les soldats du régiment de la garde présidentielle, il avait annoncé que 10.410 militaires, juges, fonctionnaires avaient été placés en garde à vue, ainsi que la mise en détention de 4.060 personnes.
Sont notamment concernés par ces mesures plus de 100 généraux et amiraux, soit une partie importante de la hiérarchie d'une armée confrontée à la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est d'une part et à l'organisation de l'Etat islamique (EI) de l'autre.
Il leur est reproché d'avoir fomenté ce putsch pour le compte du prédicateur vivant en exil aux Etats-Unis, Fethullah Gülen, dont l'extradition devrait être bientôt demandée officiellement par Ankara.
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Crainte d'abus
Dans un contexte de tensions entre Washington et Ankara, le président américain Barack Obama, qui a démenti avoir été informé en amont de la tentative de putsch, a prévenu que cette éventuelle remise serait traitée conformément à la loi américaine.
L'état d'urgence proclamé pour trois mois offre encore de nouvelles armes pour la riposte. Le gouvernement a exclu le couvre-feu. Mais un suspect devrait pouvoir rester en garde à vue jusqu'à "sept-huit jours", voire plus, a prévenu le ministre de la Justice Bekir Bozdag.
Selon les médias turcs, des tribunaux spéciaux pourraient être créés pour juger les putschistes présumés dont les biens feront l'objet de saisies jusqu'à la fin de l'enquête.
Des licenciements sans indemnités menaceraient les fonctionnaires ayant un "lien direct avec FETÖ", acronyme utilisé par le pouvoir pour désigner l'organisation de M. Gülen, qui, quant à lui, nie toute implication.
Les centaines d'écoles et fondations gulénistes seront fermées, poursuivent les quotidiens. Un système d'éducation qu'un responsable de l'AKP, le parti au pouvoir, a qualifié de "structure clandestine et ésotérique".
Dans un entretien avec l'AFP, le chef du principal parti prokurde, Selahattin Demirtas, a fait part de son inquiétude face à une possible utilisation "abusive" de l'état d'urgence.
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17 h 38, le 22 juillet 2016