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Moyen Orient et Monde - Reportage

Le calvaire des réfugiées syriennes en Turquie

De plus en plus de femmes se résignent à se marier avec un Turc, dans l'espoir de sortir de la misère.

Une réfugiée syrienne et ses enfants à Akcakale, dans la province turque de Sanliurfa, le 18 juin 2015. Archives Reuters

Les réfugiées syriennes ayant fui la guerre qui fait rage dans leur pays n'auront pas trouvé dans les pays d'accueil la sécurité et la paix espérées. Aujourd'hui, elles se retrouvent confrontées à une dure réalité et sont nombreuses à être exploitées par des individus sans scrupules.

En Turquie, l'un des pays qui accueillent le plus de réfugiés syriens, près de 75 % des 2 800 000 réfugiés sont des femmes et des enfants. Selon une étude réalisée par l'organisme de gestion des urgences et des catastrophes, une réfugiée syrienne sur trois en Turquie a perdu un proche. De nombreuses Syriennes se sont ainsi trouvées contraintes de se mettre à la recherche d'un emploi à cause de la perte d'un soutien financier et de la hausse du nombre d'enfants de moins de 18 ans.

Originaire d'Alep, Tamara, une jeune femme de 28 ans, a perdu son père, tué par les combattants de l'État islamique fin 2013. Au début de l'année suivante, après des raids au baril explosif du régime syrien sur sa ville, elle s'est donc réfugiée à Gaziantep, en Turquie, avec quatre membres de sa famille. « En venant en Turquie, on pensait rester quelques mois tout au plus, avant de pouvoir rentrer chez nous à Alep. Mon frère a décidé de chercher du travail pour subvenir à nos besoins. Mais nous avons vite réalisé que son salaire ne suffirait pas pour payer le loyer, les factures d'électricité et d'eau, entre autres ». Pour aider sa famille, Tamara se met à son tour à la recherche d'un emploi, qu'elle finit par obtenir dans un petit atelier de couture. Elle travaille plus de 12 heures par jour, pour un salaire mensuel de 160 dollars. « Peu importe les longues heures de travail et le salaire dérisoire. Ce qui me peine le plus, ce sont les insultes, les mauvais traitements et les coups. » La jeune femme dénonce également l'absence de lois efficaces pour protéger les travailleurs syriens.

Les cas d'abus sont nombreux, affirme-t-elle, et de nombreux employeurs n'hésitent pas, par exemple, à refuser de signer un contrat de travail. Quant à l'annonce, début juillet par le président Recep Tayyip Erdogan, que les réfugiés syriens présents sur le sol turc pourraient, s'ils le souhaitent, obtenir la nationalité turque, Tamara n'y accorde pas d'importance. « À quoi servirait la nationalité turque aux Syriens ? Pour les Turcs, on sera toujours des réfugiés. Que la guerre cesse pour que nous puissions rentrer chez nous. »

 

(Lire aussi : Une Turquie plus conciliante ? La Syrie et l’Égypte sur le radar d’Ankara)

 

Mariages mixtes
C'est dans ce contexte que de nombreux médias turcs ont fait état d'un phénomène grandissant, notamment dans le sud-est du pays, où sont présents de nombreux réfugiés : les mariages mixtes entre réfugiées syriennes et citoyens turcs. Très souvent, ces réfugiées deviennent la seconde épouse, en dépit du fait que le droit turc ne permet pas la polygamie. Ces mariages mixtes sont contractés pour diverses raisons, dont le fait qu'une Syrienne a moins de droits qu'une Turque. Baraa, 26 ans, est une jeune femme originaire d'Alep. Elle était enceinte de sa fille, qui aujourd'hui a trois ans, lorsque son mari Mohammad disparaît dans une zone contrôlée par le régime fin 2012. « Je suis venue en Turquie début 2014 avec ma mère, lorsque les bombardements visant Alep sont devenus trop difficiles à supporter. Quand mes trois frères n'ont plus été capables de subvenir à mes besoins – eux aussi ont des familles à soutenir –, j'ai dû trouver un emploi dans une usine de confiserie, payé 215 dollars par mois. Je travaille 16 heures par jour pour joindre les deux bouts. Je suis restée un an dans cette situation. Je ne voyais plus ma mère ni ma fille, qui dormait quand je partais au travail et quand je rentrais le soir. Au bout d'un an, j'ai rencontré un Turc de 43 ans, qui m'a proposé de l'épouser. De nombreuses filles avaient refusé de l'épouser parce qu'il est étroit d'esprit et maltraite les femmes. J'ai dû accepter, ayant trop peur de ce que l'avenir me réserve. Un mois après notre mariage, il a rompu sa promesse et a refusé d'élever ma fille car elle n'est pas la sienne. » Baraa affirme souffrir du comportement jaloux et violent de son mari, qui la prive souvent des visites de sa mère. Elle rêve du jour où elle tombera enceinte, espérant que la paternité adoucira son mari, qui permettra alors peut-être à sa fille de revenir vivre avec eux.

 

(Lire aussi : État d'urgence en Turquie : des pouvoirs étendus pour l'exécutif)


Selon la sociologue turque Amina Konak, la plupart de ces épouses syriennes finissent comme « femmes de ménage » chez la première épouse turque, donc ce genre de mariage d'intérêt, qui représentent un « sacrifice » pour ces jeunes femmes, est voué à l'échec.
Plusieurs campagnes de sensibilisation ont été menées par des organisations syriennes et turques pour défendre les droits des épouses syriennes dans la société turque. D'autres organisations et associations ont également lancé des projets d'artisanat dans les camps de réfugiés pour faire travailler les femmes, sans toutefois obtenir de résultats satisfaisants, en raison du départ de la majorité de ces femmes des camps turcs.

 

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