Devant le Bataclan, le 13 décembre 2015. Matthieu Alexandre/AFP
La France doit refondre ses services de renseignements qui ont échoué à prévenir les attentats à Paris en raison de « frontières » entre ses différentes entités, préconise une commission d'enquête parlementaire sur les attaques jihadistes de 2015. Le président et le rapporteur de la commission s'interrogent également sur l'utilité de prolonger l'état d'urgence et le déploiement de soldats sur le sol national.
« Notre pays n'était pas préparé, maintenant il faut se préparer », a déclaré à l'AFP le député d'opposition de droite Georges Fenech, qui a présidé la commission d'enquête sur les attentats de janvier (17 morts) et novembre (130 morts). « Les deux grands patrons du renseignement (intérieur et extérieur) ont reconnu pendant leurs auditions que les attentats de 2015 représentent un "échec global du renseignement" », a révélé de son côté le député socialiste Sébastien Pietrasanta, rapporteur de la commission d'enquête.
Les députés prônent notamment la création d'une agence nationale du renseignement, placée directement sous l'autorité du Premier ministre, sur le modèle américain du Centre national antiterroriste (NTC) créé après le 11 septembre 2001.
Aujourd'hui, les services de renseignements français sont éclatés en six entités, placées sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, de la Défense ou de l'Économie, avec l'implication de policiers spécialisés, de militaires ou de douaniers.
Selon les parlementaires, qui ont procédé à près de 200 heures d'auditions au cours des cinq derniers mois, ces entités ont mal communiqué entre elles, alors que les auteurs français des attaques avaient tous été fichés, contrôlés, écoutés ou incarcérés pendant leur radicalisation.
« Les frontières entre services de renseignements ont permis la levée de la surveillance de Saïd Kouachi dès lors qu'il a quitté Paris pour Reims (Est) », donne en exemple M. Fenech. Saïd Kouachi, placé un temps sur écoute pour sa radicalisation, est un des attaquants du journal satirique Charlie Hebdo le 7 janvier.
Le cas d'Amédy Coulibaly, tueur dans le magasin Hyper Cacher en janvier 2015, est également emblématique des failles du renseignement, cette fois-ci pénitentiaire, domaine dans lequel « tout est à faire », a reconnu le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas lors de son audition. Condamné plusieurs fois, notamment lors du procès d'un projet d'évasion d'un islamiste, Coulibaly est sorti de prison sans que l'information soit transmise ni qu'aucune surveillance soit prévue alors même que sa radicalisation ne faisait plus de doute.
Quant au cas de Samy Amimour, assaillant de la salle de concert du Bataclan en novembre 2015, qui a pu aller en Syrie en 2013 malgré une interdiction de sortie du territoire, « il est emblématique des défaillances du contrôle judiciaire », estime Sébastien Pietrasanta.
Efficacité réelle
Plus globalement, les deux hommes ont émis des doutes sur les mesures prises après les attentats. L'état d'urgence, décrété après les attaques du 13 novembre, « a eu un effet, mais il semble s'être rapidement amenuisé », selon Sébastien Pietrasanta. Quant à « l'opération Sentinelle », qui a permis de déployer jusqu'à 10 000 soldats en France, le député socialiste s'interroge sur « l'efficacité réelle de ce dispositif dans la sécurisation du territoire national ».
En revanche, ils ont adressé un satisfecit aux forces d'élite dont l'intervention, le soir du 13 novembre, « a été rapide, efficace et a démontré qu'elles étaient capables de collaborer », ajoute M. Pietrasanta. Mais là encore, il s'interroge sur « le bien-fondé du maintien de plusieurs forces d'intervention spécialisées » et préconise, à terme, « la fusion des trois forces d'élite » qui existent au niveau de la police nationale, de la gendarmerie et de la police régionale.
(Source : AFP)