La cour d’appel de Paris a validé jeudi la saisie d’environ 187 millions de dollars d’avoirs du Congo en France, effectuée à la demande de la...
Après plus de vingt années de contentieux, le litige financier colossal qui oppose l'homme d'affaires libanais Mohsen Hojeij, 61 ans, à Brazzaville a connu un nouveau rebondissement. La justice française a en effet validé jeudi la saisie d'avoirs du Congo dans l'Hexagone.
Pour la cour d'appel de Paris, qui a suivi une décision rendue il y a un peu plus d'un an par la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, les saisies en 2011 d'avoirs du Congo placés à la Société générale sont « valables et régulières ». Ces saisies ont été pratiquées à la demande de la société de BTP Commisimpex, pilotée par Mohsen Hojeij, pour recouvrer dans un premier temps près de 168 millions d'euros (environ 187 millions de dollars). La justice s'appuie sur une « renonciation » à son « immunité d'exécution » consentie en 1993 par le Congo, dont les avoirs en France auraient sans cela été protégés.
La décision de jeudi est un écueil de plus pour l'État congolais dans le litige qui l'oppose à Commisimpex, et que certains observateurs qualifient de « Ioukos à l'africaine », tant sa complexité rappelle le contentieux interminable autour de l'ancien numéro un du pétrole russe.
L'affaire remonte au début des années 1980. Mohsen Hojeij, issu d'une grande famille libanaise très présente en Afrique, dirige alors au Congo la société Commissions Import Export (Commisimpex). Proche du président Denis Sassou Nguesso, il obtient plusieurs contrats entre 1983 et 1986 : construction d'un pont, d'un village, plantation d'une palmeraie...
En 1986, les cours du brut s'effondrent et la situation économique du pays se détériore. Seule une petite partie de la facture est réglée par le gouvernement.
Depuis, M. Hojeij, brouillé avec Denis Sassou Nguesso – revenu au pouvoir par les armes en 1997 après cinq ans de présidence Lissouba – multiplie les recours en justice. Par deux fois, en 2000 et 2013, il a obtenu gain de cause devant des tribunaux d'arbitrage, qui ont condamné le Congo à lui verser au total plus de 400 millions d'euros (445 millions de dollars).
La somme n'a depuis cessé de gonfler : avec les intérêts, Commisimpex réclame désormais quelque 950 millions d'euros (1,06 milliard de dollars), à un pays dont le PIB était en 2015 d'un peu moins de 9 milliards de dollars.
Si ces condamnations sont définitives, le bras de fer est loin d'être fini. En France, par exemple, le Congo va une nouvelle fois tenter, en cassation, de faire annuler les saisies.
Pour son avocat, Me Kevin Grossmann, la fameuse « renonciation » ne tient pas, parce qu'elle ne détaille pas les avoirs concernés : « Qui, en 1993, à Brazzaville où le document est signé, pouvait imaginer qu'un jour on saisirait les comptes de l'ambassade à Paris ? »
Aubaine pour les fonds vautours ?
L'avocat met aussi en garde contre les conséquences de la jurisprudence française pour les pays les plus fragiles, comme le Congo, ceux auxquels les investisseurs réclament ces fameuses « clauses de renonciation. » « Tous les créanciers des pays pauvres et endettés, y compris les fonds vautours, vont se précipiter sur les comptes des ambassades », prévient Me Grossmann.
« Dans la très grande majorité des cas, les États exécutent spontanément les décisions rendues contre eux », et les contentieux autour de ces clauses de renonciation sont « rarissimes », rétorque Me Jacques-Alexandre Genet, qui conseille Commisimpex.
La société « va désormais pouvoir se consacrer à l'exécution des décisions de justice », a-t-il ajouté, avant d'affirmer : « Les saisies ne sont pas une fin en soi, nous les faisons parce que nous n'avons pas le choix. Mais nous restons toujours ouverts à la négociation. »
De leur côté, les autorités congolaises ont contre-attaqué en réclamant à Commisimpex, déclarée en faillite en octobre 2012, une dette fiscale et sociale de quelque 1,3 milliard d'euros (1,45 milliard de dollars). Les tribunaux français et américains rejettent cette liquidation mais en décembre 2014, le tribunal de Brazzaville ordonne la compensation entre les deux dettes.
S'ensuit une situation juridique paradoxale : pour de nombreuses juridictions internationales, y compris les États-Unis qui lui réclament une liste d'actifs en vue d'éventuelles saisies, c'est l'État congolais qui doit de l'argent à Commisimpex. Au Congo, c'est le contraire.
(Source : AFP)