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Liban - Interview

Samy Gemayel à « L’OLJ » : Un Doha bis sans un chef de l’État serait la fin de la présidence de la République

Samy Gemayel recevant hier Farès Souhaid : risquer le tout pour le tout ? Photo Dalati et Nohra

Après leur retrait du gouvernement, les Kataëb accusent le cabinet Salam de tous les maux : de la couverture de la vacance présidentielle à l'instauration d'une « dictature de magouilles et de corruption ». À L'Orient-Le Jour, le chef du parti, le député Samy Gemayel, souligne l'urgence de la démission du gouvernement. Au risque que « la face du pays change »... Une manière pour lui « non pas d'anticiper, mais d'accompagner » une nouvelle contestation dans la rue.

Quel est l'objectif de la démission de vos ministres du gouvernement ?
C'est d'abord une réaction normale d'un parti qui s'est retrouvé en désaccord avec la politique du gouvernement de coalition dont il fait partie. La gestion mercantiliste des affaires du pays, de l'aveu même du Premier ministre, jointe à notre incapacité à faire entendre notre contestation au sein du cabinet nous ont placés devant l'alternative suivante : rester et être les faux témoins d'un système corrompu ou bien prendre la décision de nous en départir. À l'intérieur, nous n'avions plus notre mot à dire. À l'extérieur, nous ne sommes plus responsables des décisions du gouvernement. Le second objectif est de faire de la politique autrement, à l'heure où la démocratie est morte au Liban. Notre sortie du gouvernement répond à une volonté de rétablir la logique d'un exercice politique normal. Cette logique veut qu'un désaccord au sein du cabinet ne conduise pas au blocage de ses décisions, mais au pire à la démission des ministres contestataires. Cette logique s'oppose aussi à la méthode de boycottage des séances électorales, et surtout à l'attitude de ceux qui se sont pliés au chantage des boycotteurs en appuyant un candidat en nette divergence avec leur vision et leur projet pour le pays. Nous refusons de nous plier à ce chantage. Toutes les initiatives de déblocage de la présidentielle présentées actuellement, y compris l'initiative de Nabih Berry, sont des détours, alors que le chemin est simple : nous rendre à l'hémicycle. La logique démocratique voudrait enfin que l'on puisse adopter une loi électorale. Or, les louvoiements à tous les niveaux ne font que normaliser l'absurdité de notre situation, qui couvre la dictature rampante du système. Et les Libanais ne peuvent plus rester silencieux. Notre démission du cabinet vise en quelque sorte à les accompagner dans leur refus du fait accompli.

Mais le pays traverse une période anormale, à mesurer à l'échelle régionale...
C'est justement – et seulement – parce que les politiques ont décidé de ne plus agir dans le cadre d'un système démocratique. La crise en Syrie nous empêche-t-elle de nous rendre au Parlement pour élire un président ? La réponse est non. Mais la question plus globale est la suivante : les Libanais ont-ils le droit de décider de leur avenir ou sont-ils otages de je ne sais quelle partie étrangère ?
Tous les Libanais pensent qu'ils ne peuvent rien faire, mais qui les en empêche ? Ils ont le sentiment d'être otages de leurs partis politiques qui ont eux-mêmes lié leur décision soit aux intérêts des puissances régionales, soit à leurs propres intérêts. Les Libanais ont aujourd'hui l'occasion de dire non à la perversion de l'exercice politique qui dure depuis au moins huit ans. Et je pense qu'ils sont en voie de saisir cette occasion. Les résultats des municipales, notamment à Beyrouth et à Tripoli, ont démontré, il me semble, que les Libanais ne sont plus des suiveurs.

Les municipales ont donc motivé votre retrait du cabinet ?
Les municipales ont été un signal, une incitation à la démission. Mais nous n'aurions pas pris cette décision si nous avions réussi à maintenir une forme d'influence sur les décisions prises par le cabinet contre l'intérêt du pays.

En même temps, le gouvernement reste le seul garant de ce qui reste de la marche institutionnelle...
Si le problème est que les institutions restent, elles vont rester, que le gouvernement démissionne ou non. Qui plus est, la démission du gouvernement serait de loin un moindre mal pour le pays que son fonctionnement normal. En effet, la situation d'expédition des affaires courantes entraverait la conclusion de marchés suspects.

Votre démission semble toutefois non encore aboutie, ni juridiquement, en l'absence d'un président, comme vous dites, ni politiquement, le cabinet n'ayant toujours pas donné suite à votre retrait...
Notre démission est définitive, il ne faut avoir aucun doute sur la question. Mais je pense que le gouvernement va tout faire pour la contourner et en atténuer l'impact. Il a tout intérêt à ignorer une démission dirigée contre lui, contre sa corruption. Je ne sais pas en revanche ce qui est advenu du portefeuille de l'Économie, cela n'est plus mon affaire, mais une suppléance doit être décidée tôt ou tard. Il me semble toutefois que notre démission a eu un impact positif : le Conseil des ministres se réunit désormais deux fois par semaine, et sans confrontation. On occulte les dossiers des déchets et de Janné, ainsi que les appels d'offres relatifs au dépotoir, sauf lorsqu'il s'agit de réexaminer le partage des bénéfices...

Quid de la représentativité du cabinet à la suite de votre retrait ?
Ce critère reste secondaire. La raison principale de notre appel à la démission du cabinet est l'urgence d'interrompre son action nocive pour le pays. Sans compter qu'il a déjà outrepassé le terme imparti à l'exercice de ses pleins pouvoirs à l'ombre de la vacance présidentielle. Désormais, son maintien en exercice menace de changer la face du pays. Il sert de couverture à l'absence d'un président.

N'est-ce pas plutôt un nouveau Doha qui porterait cette menace ?
Non. Nous considérons qu'il est temps pour le Liban de revoir un peu son système politique. Une révision, un renouveau de notre système est nécessaire, ses failles s'étant révélées au cours des dernières années. Sur le principe, notre position s'aligne sur celle du Hezbollah, et je l'ai dit au cours de la dernière séance de dialogue. Mais avec une nuance qui fait toute la différence : nous refusons toute révision du système en l'absence d'un président de la République. Car, sans un président, la première chose qui serait évoquée est l'avenir de la magistrature suprême en tant qu'institution. Une question qui ne se poserait pas en présence d'un locataire physique à Baabda. À l'heure où il existe des ambitions sérieuses d'un Doha bis chez certaines parties politiques, ma crainte est que celui-ci conduise à remettre en cause la présidence de la République. Ce danger est sérieux. Nous refuserons de discuter formellement d'une réforme du système tant qu'un chef de l'État n'est pas élu, quand bien même nous jugerions nécessaire de discuter d'un nouveau Liban, d'un nouveau contrat.

Mais il paraît improbable que le déblocage de la présidentielle se fasse isolément...
Je ne vois pas pourquoi...

Quel genre de réforme préconisez-vous ?
Il faudrait combiner d'une part une gestion purement démocratique (libérée des vétos éventuels) avec, de l'autre, une garantie de la mithakiya. Le moyen en serait de limiter l'exigence du consensus aux questions touchant à l'avenir du Liban (décision de guerre et de paix, garantie des libertés...) en les confiant exclusivement au Sénat.

Comment penser le consensus, sur base de la parité ou de la répartition par tiers ?
Cela est à discuter éventuellement.

Votre contestation du système s'accompagne-t-elle d'un chantier de réformes au sein de votre parti ?
Un chantier continu, mais qui ne concerne que nous.

La radiation du ministre Sejaan Azzi s'inscrit-elle dans ce cadre ?
Je me contenterai de dire que cette radiation fait suite à la propre décision de M. Azzi de se retirer du parti...

 

 

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commentaires (5)

Time out please ! Give us brake man. ..

FRIK-A-FRAK

22 h 52, le 25 juin 2016

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Commentaires (5)

  • Time out please ! Give us brake man. ..

    FRIK-A-FRAK

    22 h 52, le 25 juin 2016

  • M. Gemayel n'a peut être pas assez d'expérience en politique à la libanaise. Neanmoins, Il me semble que cet homme jeune, équilibré, modéré, travailleur, avec une bonne formation académique, remplit les conditions nécessaires et suffisantes pour suggérer, assisté par une équipe de conseillers intègres et travailleurs, une éventuelle réforme du système en plein marasme que traverse ce pauvre pays. D'autant plus, qu'il serait prêt à effectuer des réformes dans son propre parti.

    Zaarour Beatriz

    17 h 39, le 25 juin 2016

  • C'EST À TOI DE DÉMISSIONNER MONSIEUR SAMI POUR LAISSER LA PLACE À UN HOMME MUR, UN VRAI CAPABLE À ÉVEILLER ET RÉVEILLER LE MONDE DANS CE PAYS.

    Gebran Eid

    13 h 37, le 25 juin 2016

  • Parler pour ne rien dire ..c'est aussi un aveu de non existence même politicienne ....

    M.V.

    11 h 17, le 25 juin 2016

  • QUAND EST-CE QUE L,HERITAGE POLITIQUE FINIRA DANS CE PAYS ? D,INCAPABLES SUR PLUS INCAPABLES ON Y TOMBE... POUR ESSAYER DE SE GARNIR UNE POPULARITE AU LIEU D,ATTAQUER LES BOYCOTTEURS DES INSTITUTIONS ETATIQUES ON ATTAQUE LA SEULE QUI RESTE EN PLACE... ON INHUME L,ASSASSINE EN SE MELANT A SES ASSASSINS ...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 15, le 25 juin 2016

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