L'ex-président égyptien devant le tribunal du Caire le 18 juin 2016. MOHAMED EL-SHAHED/AFP
L'ex-président égyptien islamiste Mohamed Morsi, destitué par l'armée en 2013, a été condamné samedi à une nouvelle peine de prison à vie alors que son mouvement est la cible d'une répression sanglante par le régime du président Abdel Fatah al-Sissi. Il s'agit de la quatrième condamnation contre M. Morsi, premier président démocratiquement élu d'Egypte, au moment où M. Sissi, l'ex-chef de l'armée qui l'a destitué, est accusé par les défenseurs des droits de l'Homme d'avoir instauré un régime ultra-autoritaire.
M. Morsi, dirigeant influent de la confrérie des Frères musulmans avait déjà été condamné à mort, à la prison à vie, et à 20 années d'incarcération dans trois affaires distinctes depuis son éviction en juillet 2013.
Dans l'affaire tranchée samedi, M. Morsi comparaissait avec 10 co-accusés pour la livraison présumée de "documents relevant de la sécurité nationale" au Qatar, selon l'acte d'accusation. Le Qatar, riche émirat gazier du Golfe, était l'un des principaux soutiens de M. Morsi.
Ces documents comprenaient notamment "des rapports extrêmement sensibles concernant l'armée, le déploiement de ses troupes et son armement", selon le parquet. M. Morsi et son directeur de cabinet Ahmed Abdel Atti étaient accusés d'avoir transmis ces documents au secrétaire personnel de M. Morsi, Amine El-Serafi, qui par la suite les aurait fait parvenir à un responsable de la chaîne d'information qatarie Al-Jazeera ainsi qu'à un officier des renseignements qatari, via des intermédiaires.
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L'ex-président a été reconnu coupable d'avoir "subtilisé des documents secrets concernant la sécurité de l'Etat", durant sa courte mandature d'un an, entre 2012 et 2013, a précisé à l'AFP son avocat Abdel Moneim Abdel Maqsoud. Mais le tribunal du Caire l'acquitté d'espionnage, a constaté un journaliste de l'AFP présent au jugement.
Les juges l'ont condamné à la prison à vie, qui équivaut à 25 années de détention en Egypte, pour avoir dirigé une "organisation illégale", les autorités égyptiennes ayant classé "groupe terroriste" sa confrérie des Frères musulmans.
Son ancien directeur de cabinet et son ancien secrétaire personnel M. Abdel Atti et M. El-Serafi ont également écopé de la prison à perpétuité. Et six co-accusés ont eux été condamnés à la peine de mort pour espionnage.
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Journalistes condamnés
Parmi eux figurent trois journalistes jugés par contumace et accusés d'avoir servi d'intermédiaires dont Ibrahim Mohamed Hilal, présenté par le parquet comme un rédacteur en chef de la chaîne d'information qatarie Al-Jazeera, ainsi que Alaa Omar Mohamed Sablan, présenté comme un journaliste de nationalité jordanienne de la chaîne. Un responsable d'Al-Jazeera avait indiqué à l'AFP que M. Hilal était un "conseiller" du président de la chaîne.
Le Qatar a condamné à plusieurs reprises la répression lancée par le régime de M. Sissi contre les pro-Morsi, notamment par le biais de la chaîne d'information al-Jazeera.
Les condamnés peuvent interjeter appel du verdict et ceux qui sont jugés par contumace bénéficient automatiquement d'un nouveau jugement après leur arrestation.
Depuis l'éviction de M. Morsi, les autorités mènent une répression implacable contre l'opposition islamiste mais aussi contre les courants laïques et de gauche. Dans les semaines qui avaient suivi la destitution de M. Morsi, plus de 1.400 manifestants islamistes ont été tués. Des dizaines de milliers de personnes ont été emprisonnées et des centaines condamnées à mort dans des procès expéditifs dénoncés par l'ONU comme "sans précédent dans l'Histoire récente" du monde.
M. Morsi avait été condamné à mort en juin aux côtés d'une centaine de co-accusés pour des évasions massives de prison et des attaques contre la police durant la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir.
Dans un autre procès, pour espionnage au profit du Hamas, du Hezbollah et de l'Iran, l'ex-président avait été condamné à la prison à vie.
M. Morsi avait écopé en avril de 20 ans de prison pour des violences contre des manifestants durant sa courte mandature.
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commentaires (3)
Morsi ou Sissi, kifkif.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
18 h 31, le 19 juin 2016