Le chef des talibans afghans, le mollah Akhtar Mansour, a été tué dans une frappe de drone américain au Pakistan, ont reconnu plusieurs sources au sein de l'insurrection islamiste, dont les cadres sont déjà réunis pour lui désigner un successeur.
La mort du mollah Mansour porte un coup très rude au mouvement islamiste armé qui doit faire face à l'éparpillement de ses troupes, dont certaines ont fait défection et rejoint les rangs de la branche locale du groupe Etat islamique (EI).
A la tête des talibans depuis l'été dernier et l'annonce surprise de la mort du mollah Omar, fondateur du mouvement, le mollah Mansour a péri samedi dans un raid mené des forces spéciales américaines à l'aide de plusieurs drones dans la province pakistanaise du Baloutchistan.
Les talibans afghans, pour lesquels le Pakistan fait figure de sanctuaire, n'avaient publié aucun communiqué officiel sur le sort de leur chef dans l'immédiat, mais trois sources haut placées au sein de l'insurrection ont confirmé dans la soirée à l'AFP que le mollah Mansour était mort.
"Je peux dire de source sûre que le mollah Mansour n'est plus de ce monde", a indiqué à l'AFP l'un de ces cadres. Son décès a lancé un processus à l'issue duquel la "Choura de Quetta", l'organe directeur des talibans, doit doter le mouvement d'un nouveau chef.
Côté gouvernemental, les services de renseignement afghans et le chef de l'exécutif Abdullah Abdullah ont assuré à la mi-journée que le mollah Mansour avait péri "dans une frappe de drone hier (...) au Baloutchistan", confirmant ainsi l'assertion d'une source américaine selon laquelle son décès était "probable".
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Identité pakistanaise
Washington n'a informé Islamabad et Kaboul qu'une fois le raid terminé, d'après un haut responsable de la Maison Blanche, ce qu'a confirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.
Le Pakistan, parrain historique des talibans afghans, n'a ni confirmé ni démenti la mort du mollah Mansour, mais protesté contre cette nouvelle frappe de drone sur son territoire, la qualifiant de "violation" de sa souveraineté.
Si les Etats-Unis ont tué des cadres d'el-Qaëda et des chefs des talibans pakistanais par ces frappes, il s'agit de la première fois qu'ils ciblent officiellement un chef des talibans afghans en sol pakistanais.
Le Pakistan a fait valoir que seules des négociations pourraient amener une paix durable en Afghanistan, comme l'avaient conclu mercredi les représentants afghans, pakistanais, chinois et américains réunis pour tenter de relancer le dialogue de paix afghan.
Le secrétaire d'Etat John Kerry a expliqué que le mollah Mansour avait été visé parce qu'il représentait "une menace imminente pour le personnel américain, les civils afghans et les forces de sécurité afghanes".
Le raid a "totalement détruit" la voiture dans laquelle circulaient deux individus dont les dépouilles sont "méconnaissables", a indiqué à l'AFP un responsable des services de sécurité pakistanais. Les deux cadavres ont été transférés vers un hôpital de Quetta, au Baloutchistan, a précisé un autre responsable.
Selon des responsables pakistanais, l'homme présenté comme le mollah Mansour voyageait sous une identité pakistanaise et un nom d'emprunt. Il arrivait d'Iran dans une voiture de location.
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'Lutte de pouvoir
La désignation du mollah Mansour avait engendré de fortes dissensions au sein des talibans afghans. Certains cadres avaient fait sécession et s'opposaient à sa faction les armes à la main. D'autres ont rejoint les rangs de l'EI.
Sa succession va donner lieu à une "lutte de pouvoir", fait valoir l'analyste et journaliste pakistanais Ahmed Rashid. Parmi les candidats potentiels figurent notamment son adjoint, Sirajuddin Haqqani, leader du réseau du même nom, et le mollah Abdul Ghani Baradar, ancien bras droit du mollah Omar.
Le raid est intervenu alors que le gouvernement afghan est mis à rude épreuve par les talibans ces derniers mois avec un attentat d'envergure (64 morts) en avril en plein Kaboul et la prise momentanée de Kunduz (nord) à l'automne.
Sous la houlette du mollah Mansour, les talibans afghans se sont aussi montrés rétifs à la reprise des pourparlers de paix avec Kaboul entamés l'été dernier puis suspendus à l'annonce de la mort du mollah Omar.
"Le mollah Mansour était un obstacle à la paix et à la réconciliation entre le gouvernement d'Afghanistan et les talibans, interdisant aux chefs talibans de participer aux négociations", a expliqué le porte-parole du Pentagone, Peter Cook.
Depuis janvier, Afghans, Chinois, Américains et Pakistanais ont organisé plusieurs réunions destinées à inciter les talibans à s'asseoir à la table des négociations. En vain.