Chaque voyage lointain du patriarche maronite et de la Fondation maronite dans le monde est un voyage dans la mémoire du Liban, et le déplacement actuel en Afrique du Sud ne fait certainement pas exception. Entrer en contact avec des communautés maronites dispersées dans le monde, restées unies à la patrie par un fil invisible fait de souvenirs, de saveurs, d'idiomes, d'accents, de parfums de lieux, de noms propres, de villages, de liens de parenté et de chants, est l'une des expériences les plus émouvantes que l'on peut vivre. Et c'est celle que, de l'avis unanime, le patriarche et la délégation de la fondation venue l'accompagner font en ce moment. Des pans de mémoire entiers se découvrent et se réveillent, dès que l'un de ces souvenirs est évoqué au cours des rencontres qui leur sont organisées. Des récits de départs, et parfois de naufrage à une époque où l'on ne voyageait que par mer ; des récits de fortune faite, d'amours assouvies, mais aussi d'échecs, de peines et de drames jamais surmontés.
Au second jour de sa visite à Johannesburg, au cours d'un grand dîner donné en son honneur dans la salle des fêtes de la paroisse, la Fondation maronite dans le monde a annoncé que l'un de ses rêves les plus chers, l'ouverture d'un bureau dans la grande ville sud-africaine, a fini par se réaliser.
Prenant la parole au cours du repas, Neemat Frem, président de la fondation, a électrisé son auditoire en lui confiant qu'il considérait que le plus grand capital d'une nation, ce n'est ni son or ni son pétrole, mais ses ressources humaines. « Si, a-t-il enchaîné, au cours des cent dernières années, le Liban n'a pas su exploiter ce capital, aujourd'hui, il est décidé à récolter ce que l'Afrique du Sud et d'autres pays ont fait tout au long des générations passées. » « Vous êtes notre fierté, a-t-il lancé aux convives, sous les applaudissements. Donnez-nous une chance de vous servir, une chance de changer la réalité. Avec 17 bureaux de par le monde, la Fondation maronite permet aujourd'hui à près de 10 000 personnes par an de recouvrer leur nationalité. Soyez du nombre ! »
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« Réveiller nos saintes racines »
C'est l'homme d'affaires John Chélala, propriétaire de l'une des plus grandes imprimeries d'Afrique du Sud, qui prendra en charge le bureau de la fondation. Dans une émouvante allocution prononcée à la fin de la messe, il a annoncé : « Il est temps de réveiller nos racines, car le Liban est plus qu'un pays, c'est une terre sainte qui a un message de liberté, de sens de la famille et de courage à transmettre. »
Pour sa part, le patriarche semblait se plaire particulièrement d'être à Johannesburg, malgré le temps de récupération restreint dont il a disposé, après les deux vols épuisants nécessaires pour gagner Johannesburg.
Pose de la première pierre
Auparavant dans la journée, le patriarche avait posé la première pierre de la grande salle paroissiale et scolaire de l'école Notre-Dame du Liban, située à l’extrémité sud de Johannesburg. Dirigée par l'ordre missionnaire libanais, l'école, de fondation récente, s'étend sur une superficie de 70 000 mètres carrés et attire déjà 270 élèves. Elle est destinée à grandir avec eux, jusqu'aux classes terminales. On y apprend l'arabe aussi bien que l'anglais. Garçons et filles s'y côtoient et apprennent ensemble les chants liturgiques maronites et des cantiques occidentaux. On doit cette prouesse au P. Badaoui Habib, supérieur de la communauté de cinq prêtres maronites qui se trouve à Johannesburg.
(Pour mémoire : Hommage marqué de Raï à l’action de la Fondation maronite dans le monde)
Ce que va pouvoir faire la Fondation maronite dans le monde, avec l'aide de l'Église et de tous ceux qui s'impliquent dans ce projet, dont l'ambassade du Liban, va bien plus loin que le recouvrement d'une nationalité. C'est en fait une archéologie de l'identité libanaise, vue à travers les souvenirs d'une époque dont l'éloignement se compte moins en nombre d'années qu'en nombre de choses qui ne sont plus. Et c'est cette époque et l'ordre qui la marquait que l'on retrouve, au contact de ceux qui en ont conservé le souvenir et en savent encore le prix, comme cela s'est passé ces derniers jours.
Chaque voyage de la fondation apparaît donc comme celui de la construction plus ou moins réussie, plus ou moins prometteuse, d'une identité libanaise toujours en devenir. Retrouver sa mémoire, adhérer à son histoire, en voici l'enjeu profond. Et la fondation accomplit là un travail de catalyseur de mémoire remarquable.
Dans un ouvrage de maturité Mémoire et Identité, Jean-Paul II affirme que la patrie, comme la famille, comme la nation, est une donnée naturelle. Le patriotisme, précise-t-il, « se situe dans le cadre du quatrième commandement, qui nous engage à honorer notre père et notre mère (...). La patrie est le bien commun de tous les citoyens et, comme tel, elle est aussi un grand devoir ». Là aussi, il faut mieux apprécier ce que la Fondation maronite dans le monde est en train de faire : un travail de mémoire et l'accomplissement d'un devoir.
Pour mémoire
Des institutions maronites à l’honneur en Afrique du Sud
Dieu - Patrie - Famille donc, oui compris ! Mais alors, ce Vatican, combien de "phalanges" ?
05 h 33, le 22 mai 2016