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Lifestyle - Papilles

Le festin abbasside de Brigitte Caland

Des plats sortis tout droit des livres de littérature arabe du XIe siècle ont été servis à des convives anglophones, francophones et germanophones dans une belle argenterie portant le poinçon de l'hôtel Bristol. Atmosphères...

Brigitte Caland devant ses plats inspirés des Abbassides. Photo Michel Sayegh

Un banquet abbasside, il fallait le faire. Samedi soir, Brigitte Caland, linguiste, psychanalyste et chef, fille de l'artiste Huguette Caland et petite-fille du président Béchara el-Khoury, a proposé un voyage gastronomique dans le temps en concoctant un dîner abbasside à l'hôtel Bristol sous le thème : « Discovering Abbasid food. Encounters in gastronomic history ». Le surprenant repas, composé de 27 plats, a été servi dans une ambiance particulière, sur fond de musique orientale live, à une centaine de convives, des universitaires, des chercheurs et des gourmets, en clôture de l'événement « Insatiable appetite. Food as a cultural signifier » qui s'est tenu du 12 au 14 mai, à l'occasion du 150e anniversaire de l'AUB, en coopération avec l'AGYA, l'Arab German Young Academy of Science and Humanities. Il y avait ainsi, au cours de ce dîner particulier, une panoplie de mets à découvrir, venus d'un lointain passé. Des entrées, des plats chauds à base de viande, de poulet, de légumes, d'œufs et des desserts... Des mets aux noms bien étranges, inconnus de tous ceux qui ne sont pas familiers avec la littérature classique arabe. Les entrées, aux arrière-goûts un peu plus familiers, étaient disposées dans de petits plats sur les tables, alors que les plats, inspirés des ancêtres de la Hrissé, du mouton rôti ou du poulet au riz, étaient placés un peu plus loin. Quant à la saveur, il fallait peut-être avoir vécu à l'ère préislamique ou abbasside pour ne pas se sentir perdu !

 

Des plats parfumés d'histoire(s)
Ce n'est pas la première fois que Brigitte Caland tente l'expérience de la cuisine historique. Elle a déjà reconstitué des plats de la Mésopotamie, de la Rome antique, de l'Égypte. Passionnée d'histoire et de langues, elle enseigne actuellement l'hébreu antique à l'AUB. Son premier repas antique, elle l'a tenu à Los Angeles, il y a quelques années. Ces repas obéissent presque aux mêmes normes. « Il faut, dit-elle, effectuer d'importantes recherches avant de se lancer dans la confection des plats. Pour la Mésopotamie, par exemple, je m'étais basée sur des tablettes où sont énumérés les ingrédients et évoquées les réceptions au palais. Pour les Abbassides, j'ai planché sur la littérature pour retrouver les mets qu'ils mangeaient et qu'ils décrivaient dans leurs livres. Je me suis intéressée aux herbes et aux produits qu'ils utilisaient », raconte Brigitte Caland, qui a reconstitué les plats à travers leurs descriptions dans la littérature, travaillant, comme à chaque événement, six semaines sans souffler.
« J'ai pu refaire 27 plats et j'en ai raté trois », confie cette perfectionniste, ravie d'avoir tenté et réussi, une fois de plus, une nouvelle aventure culinaire.


Évoquant ses recherches, elle explique, comme on partage un conte, que ce sont les Abbassides qui ont introduit les aubergines dans la cuisine arabe. « C'était l'ingrédient préféré de Buran, l'épouse du Abou Jaafar al-Mamoun, le fils de Haroun al-Rachid. D'ailleurs, plusieurs plats à base d'aubergine ont porté durant longtemps son nom. » « Du temps des Abbassides, il y avait un tel engouement pour la cuisine que les califes eux-mêmes et les dignitaires créaient leurs propres plats », poursuit-elle.


Dans ses recherches, Brigitte Caland découvre aussi les pique-assiettes abbassides qui n'ont rien à envier aux pique-assiettes de nos jours. « Baptisés "tfailis", ces gens faisaient partie de la noblesse. Ils débarquaient sans être invités aux fêtes et aux banquets. Comparés à des mouches qui se posent sur la nourriture ou qui tombent dans un verre, ils restaient longtemps chez l'hôte et profitaient de sa générosité. Bien que fins gourmets, ils étaient également trop avares pour s'acheter de la bonne nourriture. C'était des hommes lettrés et talentueux, mais aussi des gloutons », note-t-elle. On raconte également que lorsqu'on leur demandait s'ils appréciaient la nourriture, ils répondaient par un « oui » très bref pour ne rater aucun plat et profiter entièrement des repas.


Bien heureusement, les personnes qui étaient présentes au dîner abbasside de l'hôtel Bristol samedi soir étaient bien loin des tfailis ; la conversation est allée bon train et les convives ont su prendre leur temps pour déguster et apprécier ces saveurs du passé. « Les banquets ont existé depuis l'Antiquité, c'était une façon de montrer la richesse et le pouvoir », indique Brigitte Caland. D'ailleurs, c'est ainsi qu'avait agi le père de Buran – la femme qui a apporté l'aubergine à la cuisine arabe – lors du mariage de sa fille, organisant une réception mémorable pour l'occasion. Ancien exilé, en offrant des cadeaux de retour aux invités et en leur concoctant les mets les plus délicieux, il a pu sécuriser son statut social et sa présence à Bagdad. Aujourd'hui, les choses n'ont pas véritablement changé...

 

 Pour mémoire

Brigitte Caland, une qualité d'exigence

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