Rechercher
Rechercher

Culture - Rencontre

Les étoiles de mer, le cèdre, l’astronomie... et la « masbaha » de Nabil Nahas

Visite du grand maître de la peinture libanaise dans son atelier new-yorkais, en attendant de voir ses nouvelles œuvres « monumentales et exceptionnelles » à la galerie Agial à Beyrouth et avant la parution d'une importante monographie chez Rizzoli.

Nabil Nahas dans son atelier new-yorkais, devant l’une de ses toiles monumentales.

Somptuosité, opulence des textures, « écrasante » beauté des surfaces, couleurs lumineuses et cosmiques, « microcosme et macrocosme interchangeables », géométrie, art fractal et proportions sculpturales... Autant de termes utilisés pour décrire l'univers du grand maître Nabil Nahas, peintre libano-américain de 68 ans, internationalement acclamé.
Ses œuvres figurent dans les collections des plus grands musées du mode, dont le Guggenheim, le musée des Beaux-Arts de Boston, le Metropolitan Museum of Art de New York, la Yale University Art Gallery, le British Museum, la Tate Modern à Londres, ainsi que dans les collections et musées du Moyen-Orient. D'autres œuvres importantes font partie de la Fondation Nabil Nahas à Aïn Aar. Ses toiles sont très bien cotées aux enchères et les collectionneurs d'art s'arrachent ses dernières créations. Bien que décoratives aux textures visuellement riches, les peintures de Nabil Nahas titillent les facultés critiques et provoquent la recherche et la réflexion. « Voir, c'est penser », remarque l'artiste et la philosophe libanaise Etel Adnan dans le catalogue de l'exposition Seasons qui lui a été consacrée en 2010 à la French Institute – Alliance française de New York.

Peindre « de 10 heures à minuit »

Le mois de mai est propice à ce peintre hot. Une importante monographie de cinquante pages, intitulée Nabil Nahas et écrite par Carter Ratcliff, célèbre critique d'art, poète et écrivain américain, paraîtra chez Rizzoli aux États-Unis, le 22 mai. Carter Ratcliff, qui a contribué à de nombreuses publications, y compris Art in America et Parkett, est aussi l'auteur de nombreuses monographies, consacrées entre autres à Robert Longo, Andy Warhol (et ses portraits) et Alex Katz. Ce luxueux ouvrage groupe de magnifiques illustrations colorées, « méticuleusement sélectionnées » par l'artiste. En parallèle, Nabil Nahas, qui a travaillé d'arrache-pied, « de 10 heures à minuit », vient de mettre la dernière touche à une série de nouveaux tableaux « monumentaux et exceptionnels », mélange d'un riche parcours pictural, qui seront exposés le 19 mai à la nouvelle galerie Agial de Beyrouth, rue Clemenceau. À la vue de ces nouvelles créations, le célèbre peintre américain de 88 ans, Alex Katz, s'est exclamé : « La puissance de ces tableaux ! Je n'ai jamais vu pareille peinture. C'est vraiment nouveau. Ces tableaux devraient figurer au Museum of Modern Art (MoMa) », rapporte Nabil Nahas dans une interview accordée à L'Orient Le Jour dans son atelier à New York.

Ciel bleu éblouissant

Fruit de deux ans de travail, la monographie de Carter Ratcliff met en exergue la « vision unique » de cet artiste « américain de renommée internationale », « le plus célèbre au Liban », qui a émigré aux États-Unis en 1968. L'auteur détaille le parcours de Nabil Nahas, son enfance « entre deux pays, le Liban et l'Égypte », et les nombreuses influences, notamment à la Yale School of Art, où il a étudié avec le peintre Lester Johnson, le graveur hongrois Gabor Peterdi, enraciné dans le surréalisme, et Al Held, peintre d'expressionnisme abstrait. Des individus qui ont marqué sa vie et son art.
Richement illustrée, cette enquête met en évidence l'évolution – sur plus de quatre décennies – de la peinture de ce « maître de la couleur, de la texture et de l'atmosphère, » connu pour ses motifs géométriques et décoratifs inspirés de la nature. Formé dans la tradition de la peinture abstraite occidentale, Nabil Nahas « a interprété ses influences et ses styles d'une manière provocatrice, encapsulant les dichotomies anciennes et nouvelles, l'abstraction et le réalisme de l'Orient et de l'Occident. Ses peintures sont façonnées d'étoiles de mer épaisses, de paysages monumentaux de cactus, de cèdres, d'oliviers et de palmiers, réminiscence de son enfance, dans les palettes évocatrices d'or, ocre et noir se détachant d'un ciel bleu méditerranéen éblouissant. »
L'essai perspicace de Carter Ratcliff explore ainsi le développement artistique de ce peintre à travers l'histoire de l'art, le plaçant dans le contexte de l'art moderne et postmoderne.

« Tous les tableaux à la fois »

L'art de Nabil Nahas s'est développé et renforcé au fil du temps. « J'étais très éduqué visuellement. Dans ma jeunesse, tout mon argent allait dans l'achat des livres de la collection Skira, qui appartient à Rizzoli... J'avais reçu un livre de cette même collection sur Cézanne. Alors, je voulais faire un tableau cézannien. Pour quelqu'un d'aussi jeune, c'était assez sophistiqué », se souvient en riant Nabil Nahas. « Plus tard, les gens voyaient mon travail comme une copie d'Al Held », expressionniste abstrait célèbre pour ses grandes peintures hard-edge et qu'il a connu à la Yale School of Art. « Avec le temps, cela n'a rien à voir », assure-t-il.
« Certains tableaux, reproduits dans ce livre, n'avaient pas été vendus. Ce sont les musées qui les achètent maintenant. J'en réserve aussi pour ma fondation à Aïn Aar », note l'artiste avec satisfaction. « Ce sont de beaux tableaux », se plaît-il à répéter. Il montre alors le premier tableau « étoile de mer » jamais réalisé. « C'est de là que m'est venue l'idée », dit-il. « J'ai commencé à mettre du mica dans ma peinture, ce qui donne ce côté ludique », explique-t-il. « D'autres œuvres sont inspirées des plafonds égyptiens pharaoniques avec toutes ces étoiles qui brillent dans le firmament avec une dimension astrale », poursuit-il.

Quelle méthode suit-il ?
« Je travaille sur tous les nouveaux tableaux à la fois, » note-t-il en montrant plusieurs ébauches. « Certaines peintures prennent des dimensions astrales. J'aime toujours ramener les choses à une référence historique, tels que les verres irisés phéniciens auxquels me font penser ces iridescences dans la couleur, dans les tableaux, sur les étoiles et dans les fonds », constate-t-il.

À l'infini

Décide-t-il à l'avance du sujet d'un tableau ? « Je ne sais pas à quoi va ressembler le tableau que j'ébauche. Les cèdres, les étoiles, les formes d'art fractal... Les tableaux prennent une autre dimension avec tous les éléments que j'ai inventés et qui se sont amalgamés », note-t-il. « C'est ce qui explique la réaction d'Alex Katz », affirme le peintre. « Il y a toujours ces formes d'expansion d'ondes, de l'univers et de l'eau. Car il s'agit d'eau et d'électricité. Le thème de l'infini revient souvent », ajoute celui qui se dit fasciné par l'astronomie. « C'est compliqué. C'est un peu comme un comboloï, la masbaha, à l'échelle universelle », ajoute-t-il en riant.
Parlant de la célèbre série des cèdres et des palmiers, Nabil Nahas avoue avoir mis « deux ans à travailler le premier arbre de la série. J'ai commencé à peindre un cèdre normal, il a fini comme cela. Il s'est avéré qu'il était par terre avec un autre tableau qui n'avait rien à avoir. J'en ai fait un tableau. Je n'ai pas aimé l'idée du diptyque qui fait années 70. C'est démodé », juge-t-il.
Tout comme la lumière, « certains tableaux ne sont pas tangibles. C'est ce qui explique la réaction d'Alex Katz, qui a tout de suite saisi » la puissance de ces nouveaux tableaux. Tout est extraordinaire. C'est vraiment spatial », conclut-il.


Pour mémoire

La plus grande collection privée d'art moderne et contemporain arabe est à Beyrouth

« Eclypse », de Nabil Nahas, à la Tate Modern

Somptuosité, opulence des textures, « écrasante » beauté des surfaces, couleurs lumineuses et cosmiques, « microcosme et macrocosme interchangeables », géométrie, art fractal et proportions sculpturales... Autant de termes utilisés pour décrire l'univers du grand maître Nabil Nahas, peintre libano-américain de 68 ans, internationalement acclamé.Ses œuvres figurent dans les...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut