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Liban - Reportage

Obsèques de Badreddine : au milieu des tirs nourris, une colère contenue

Les funérailles de Moustapha Badreddine, dans la banlieue sud de Beyrouth. Anwar Amro/AFP

Ils devaient être plus de dix mille partisans du Hezbollah à s'être rendus hier aux obsèques du commandant militaire du parti en Syrie, Moustapha Badreddine, dont le parti a annoncé hier matin qu'il avait été tué dans une explosion près de l'aéroport de Damas.


Beau-frère de Imad Moghnié, chef militaire du Hezbollah tué en 2008, Badreddine était l'objet d'un mandat d'arrêt du Tribunal spécial pour le Liban sous le chef de planification de l'attentat qui avait coûté la vie à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Il a été inhumé vers 18h au cimetière de Rawda à Ghobeyri (banlieue sud), dans une atmosphère lourde et morose de deuil et de recueillement, rompue ponctuellement par des tirs nourris d'armes automatiques et des slogans scandés.
Dans la rue menant à la salle Zeinab où s'est déroulée la cérémonie funèbre, des centaines de motos sont parquées. Des barricades en fer viennent d'être démantelées et le flux des participants au convoi funèbre avance comme un seul homme vers le cimetière. Le poing levé, jeunes et moins jeunes expriment leur allégeance au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et célèbrent en se frappant la poitrine la mémoire de Zeinab, fille du prophète Mohammad.

 

 

 


Dans un silence religieux, la sonnerie aux morts retentit, aussitôt suivie de l'hymne national et de l'hymne du parti chiite. Puis les partisans, majoritairement habillés de chemises noires, récitent dans la ferveur des prières, qu'ils alternent avec des cris hostiles à Israël et à l'Amérique.
Les balcons qui surplombent la foule ne sont pas bondés. Un jeune homme, à qui l'on en demande la raison, explique : « Les appartements se sont vidés parce que chaque habitant est aujourd'hui en deuil et veut descendre dans la rue pour marcher dans le cortège funèbre et accompagner notre martyr jusqu'à sa dernière demeure. »

 

(Repère : L'implication du Hezbollah dans le conflit syrien)

 

« Un message-séisme »
Arrivé à destination, le cercueil, entouré des bannières jaunes du Hezbollah, est salué par des salves de tirs qui, sans susciter le moindre effroi, même auprès des enfants présents, se déchaînent dans un vacarme infernal et de manière ininterrompue. Pour pouvoir entendre le témoignage de Samar Hajj, épouse de l'ancien chef des Forces de sécurité, Ali Hajj, accusé de complicité dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, il faut tendre l'oreille. Décrivant l'assassinat de Moustapha Badreddine comme « un message-séisme qui cherche à nuire et à ébranler (notre) foi », elle assure que « les auteurs de cette lâche missive vont à leur faillite, et comme un chat coincé dans une cage, ils ignorent qu'ils griffent en vain, puisque la Résistance n'a jamais compté sur une seule personne ». « Le coup a été très dur, il nous a cassés, reconnaît-elle, mais ne nous a pas tués. » Et le jeune femme de conclure : « Sachant, comme le dit si bien le proverbe, qu'un coup qui ne tue pas rend plus fort, nous savons que nous allons vers la victoire. »


Dans la foule, de nombreuses jeunes femmes voilées et tout de noir vêtues déclinent les questions que tente de leur adresser L'Orient-Le Jour. « Nous ne désirons pas nous exprimer », chuchotent-elles poliment. Une femme d'une cinquantaine d'années, Leila, veut, elle, manifester sa fierté à l'égard de « ces jeunes martyrs qui n'auront pas versé leur sang vainement puisque la victoire est pour bientôt ». Face à eux, qui seront les perdants ? « Les Israéliens et les takfiristes », clame Leila, assurant que « si les soldats du Hezbollah n'étaient pas partis combattre en Syrie, les terroristes de Daech (groupe État islamique) seraient déjà là, au Liban ». Comme pour corroborer ses dires, un homme d'un certain âge élève fièrement à côté d'elle un calicot sur lequel est inscrit que « grâce aux grands sacrifices qu'elle offre, la Résistance sera toujours la protectrice de l'arabité et de l'unité de la Oumma ».

 

(Lire aussi : L'élimination de Badreddine, un épisode de la guerre de l'ombre régionale)

 

Ali, trois lettres du nom d'Aline
Aline Hamdane veut bien aussi faire part de ce qu'elle ressent face à l'assassinat de Badreddine. « Nous sommes habitués à l'idée de donner notre sang pour la liberté, et nous continuerons à offrir des martyrs », affirme-t-elle, se disant même prête à faire partie de ces derniers. En réponse à la question de savoir pourquoi elle porte le nom d'Aline, la jeune femme de 20 ans explique que c'est son père qui l'a ainsi baptisée, « parce que les trois premières lettres sont celles de Ali (le gendre du Prophète) ».


Un peu plus loin, Ali Hedroj, cheveux gris, se tient debout devant les portes d'une épicerie. Il se déclare fier de « ces combattants courageux qui s'offrent en sacrifice pour une cause noble », qualifiant le Hezbollah de « résistance au sein de laquelle les commandants tombent en martyrs avant les soldats ».
Un jeune papa au regard bleu limpide est accompagné de son fils de quatre ans, qu'il a habillé en tenue militaire. « Lorsqu'on veut libérer sa terre, il n'est jamais trop tôt pour apprendre que la liberté ne se prend que dans le sang », lâche-t-il en regardant son jeune enfant au milieu de la foule et alors que les tirs retentissent. Ce qui n'empêche pas Abou Ali, un autre militant, de relever que « sayyed Hassan (Nasrallah) a déjà mis en garde à plusieurs reprises contre l'utilisation des armes lors d'événements commémoratifs ». Dans le tapage assourdissant, il s'interroge : « N'aurait-il pas mieux valu que ce soit plutôt le front de guerre qui bénéficie de ces balles tirées par milliers en l'air ? » Ali Younès, 14 ans, qui passait par là, s'invite dans la conversation, pour affirmer que lui aussi est prêt à « partir dès maintenant au front s'il le faut ».

 

Pour mémoire

TSL : Badreddine, l'homme aux multiples facettes, raconté par un témoin

 

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commentaires (9)

Tout cela va finir, encore plus, en jus de boudin noir !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

02 h 35, le 15 mai 2016

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Tout cela va finir, encore plus, en jus de boudin noir !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    02 h 35, le 15 mai 2016

  • BERY LE DIT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    22 h 41, le 14 mai 2016

  • En tt cas IL EST LOIN D'ÊTRE UN MARTYR C'EST UN ASSASSIN OCCUPANT UN PAYS ÉTRANGER CE QUI ÉQUIVAUT À ETRE UN SIMPLE MISÉRABLE MERCENAIRE !! Publier moi svp !!

    Bery tus

    15 h 09, le 14 mai 2016

  • "Un autre Äâléh, aussi, 14 ans, qui passait par là, affirme que lui aussi est prêt à « partir dès maintenant au front s'il le faut »." ! Tant mieux.... Un de moins.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 15, le 14 mai 2016

  • "Aline, parce que ; yâââï ; les trois premières lettres sont celles de Ali le gendre du Prophète." ! Quelle recherche, quelle diversité et quelle profondeur "d'esprit" ; really !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 12, le 14 mai 2016

  • Yâ hârâââm ! Et "corneilles" et mutiques en sus !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 07, le 14 mai 2016

  • Yâ hârâm, cette Samar ! Elle ne sait pas ce qui l'attend ! Qui est celui de revenir à son statut d'antan ; pire même car moins que "déshéritée", yâ hassértéééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 05, le 14 mai 2016

  • "Et célèbrent en se frappant la poitrine la mémoire de Zeinab, fille du prophète Mohammad." ! Et pourquoi pas alors Äâïchâh, la femme du prophète Mohammad ? A quoi bon cet ostracisme ? !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 01, le 14 mai 2016

  • Mais comment peuvent-ils, au XXIème siècle, montrer encore leurs femmes accoutrées de cette façon ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 57, le 14 mai 2016

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