Les cycles de la vie, selon Micky Chebli

Ce n'était pas vraiment un grand sportif à la recherche de supermuscles, de dépassement (presque) égoïste de soi ou d'exploits extraordinaires. Micky Chebli était juste un homme d'affaires, trop longtemps pressé, écrasé par le stress et le poids des finances, et qui a eu envie de revenir à l'essentiel. De vivre simplement, comme l'indique si bien le tee-shirt « Live Simply » qu'il porte ce matin. Et s'il n'est pas venu à vélo au rendez-vous, c'est juste parce qu'« à Hazmieh, les routes sont particulièrement dangereuses ».

Rien ou presque de typiquement libanais dans l'attitude très zen de ce (futur) quinqua épanoui et en superforme. Sinon son attachement à son pays, sa famille, à une certaine idée du Liban. Pas étonnant...
À 18 ans, il quittait pour Montréal. Études universitaires (HEC), début de carrière à la Republic National Bank of NY puis, 10 ans plus tard, l'envie de partir. « J'en avais marre des taxes et du froid », dit-il d'une voix si basse que son discours finit par ressembler à un murmure. « J'ai été en Arabie, l'autre extrême ! » Deux ans à la Saudi Fransi et le voilà (re)parti. Ses vacances de Noël , en cet hiver 1996, à Beyrouth, transformeront son court séjour en véritable retour. De janvier 1997 à 2015, il sera Head of Capital Markets à la Bank Audi. Des années ponctuées de défis, mais aussi de (trop) nombreux voyages loin de son clan, sa femme et ses deux jumeaux, Marc et Yann. Le tout dans un contexte économique international touché par le krach boursier. « J'ai pris du poids, je me sentais saturé, tout le temps anxieux », sans doute fatigué de vouloir tout contrôler et faire au mieux.

C'est ainsi qu'il se met à courir, un peu après les années légèrement perdues, beaucoup après de nouvelles envies, d'autres besoins, une certaine sérénité, et à faire du vélo avec les copains. Il constate et ressent très vite le bien qu'il en soutire. « Presque plus rien ne m'énervait... » Le sport a graduellement occupé une plus grande place dans sa vie, avec des participations à 9 marathons en 7 ans, dont ceux de New York et Rotterdam, et 8 voyages à vélo où, durant 10 jours, il fait le tour d'un pays en pédalant. Manquait à ce tableau un détail, un accomplissement personnel et humain. Trouver une ou des cause(s) à tout ça. « J'ai commencé à courir pour des ONG. » Oum el-Nour d'abord, dans laquelle sa femme Monique est très impliquée. « J'ai appris à bien connaître les personnes qui y ont eu recours, à comprendre leur souffrance et le regard de la société sur elles. »

Un « Happy » birthday à venir
En avril 2015, le sportif (enfin) accompli décide de quitter la banque et de travailler à son propre compte. Mais surtout, avant de célébrer son 50e anniversaire en novembre prochain, il dessine dans sa tête un rêve et un parcours : Paris-Beyrouth, 4 000 km à accomplir en 30 jours, soit 135 km par jour en 5 à 6 heures. « C'est là que réside le challenge, dit-il en souriant. J'aurais pu le faire en 2 mois, mais je ne voulais pas m'absenter trop longtemps de mes enfants... » Le départ se fera de Paris le 26 mai. Accompagné par un ami, Raja Saadé, qui le suivra dans un van et le filmera, Micky traversera Paris, Cannes puis l'Italie jusqu'à Brindisi. Il prendra ensuite un bateau, roulera en Grèce puis en Turquie. « Mon objectif est d'arriver à Tripoli et de pédaler jusqu'à Solidere. »

L'idée évoluant, elle emprunte un nouveau virage, plus humain. Elle aura pour nom et slogan Cyclist of Life : Cycling to Heal Children. Pourquoi, a-t-il pensé, à l'occasion de cette aventure, ne pas lever de l'argent pour des associations qui font un formidable boulot et qui en ont besoin ? Pourquoi ne pas parler de cycles de vie, ne pas aider ces enfants, ces adolescents en difficulté à traverser ces moments délicats en leur dédiant ce voyage ? Micky Chebli choisit, parce qu'il fallait choisir, Oum el-Nour, qui s'occupe de personnes dépendantes aux drogues, Les Petits Soleils, qui se charge de vacciner, d'hospitaliser et de soigner des enfants dans le besoin, et enfin Myschoolpulse, qui permet aux enfants cancéreux de poursuivre leur scolarité grâce à des enseignants particuliers tout en suivant leur traitement.

CYCLIST_OF_LIFE from danielle rizkallah on Vimeo.

Des chiffres et beaucoup d'amour
À peine la campagne mise en images et en mots par Danièle Rizkallah, lancée il y a quelques jours, le compte à rebours a commencé. Car pour mener à bien cette mission, il faudra récolter 300 000 dollars, à travers la plateforme zoomaal, qui seront répartis comme suit : 100 000 dollars à Oum el-Nour qui faciliteront le traitement et la réinsertion de 10 personnes, et la mise en place d'un programme d'éveil et de prévention. Cent mille dollars à Les Petits Soleils. Ils couvriront l'hospitalisation et les interventions de 10 patients. Et, enfin, cette même somme à Myschoolpulse qui sera utilisée pour assurer la scolarité à l'hôpital de 100 enfants en cours de traitement. « 105 000 dollars ont déjà été levés grâce à de généreux sponsors. J'assume tous mes frais et ceux de Raja Saadé, voyage, nourriture et hébergement, qui s'élèvent à 30 000 dollars », précise Micky au grand cœur.

Alors, pour partager ces cycles de vies et en faire des cycles de bonheur pour, comme le cycliste accompli le dit si bien, « donner l'exemple aux plus jeunes pour qu'à leur tour, ils donnent de leur personne », l'aventure Cyclist of Life : Cycling to Heal Children est déjà lancée. À suivre sur tous les réseaux sociaux.

Pour mémoire
Un Libanais, un vélo, un rêve et un monde à parcourir

Karim Sokhn, à bicyclette !